Accord Pakistan / Russie pour la construction d’un gazoduc stratégique

Important impact à prévoir sur le plan géopolitique et sur l’échiquier énergétique mondial, l’un et l’autre étant intimement lié : le Pakistan et la Russie ont signé vendredi un accord prévoyant la construction par une société russe d’un gazoduc de plus d’un millier de kilomètres sur le territoire pakistanais. Islamabad voit ainsi sa position stratégique sur les projets gaziers fortement renforcée suite à l’accord concernant le programme nucléaire iranien.

Une étape primordiale a été franchie désormais, le document ayant été signé par le ministre russe de l’Energie Alexandre Novak et le ministre pakistanais du Pétrole Shahid Khagan Abbasi en présence du Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif.

L’accord confie à la société RT Global Resources, filiale de la holding publique russe Rostec, la construction du gazoduc Nord-Sud d’une capacité annuelle de 12,4 milliards de m3 et d’une longueur de 1.100 kilomètres entre les terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) de Karachi, sur la mer d’Arabie, et Lahore, près de la frontière indienne.

Un responsable gouvernemental pakistanais a par ailleurs indiqué que la Russie allait investir deux milliards de dollars pour ce projet. En ce qui concerne le planning associé, la première phase devrait être achevée en décembre 2017 si l’on en croit ses dires. Le ministère russe de l’Energie a fixé pour sa part dans un communiqué, la date la fin des travaux du gazoduc au printemps 2018.

Si historiquement, la Russie se trouvait plus proche de l’Inde, pays rival du Pakistan, le renforcement de la coopération entre Washington et New-Delhi a changé la donné, poussant Moscou à se rapprocher d’Islamabad.

Islamabad et Moscou ont signé un accord de coopération militaire, ouvrant la voie à l’achat d’hélicoptères de combat russes par le Pakistan, en échanges d’aides lui permettant de résorber son déficit énergétique. Rappelons que le pays, peuplé de près de 200 millions d’habitants, est affectée par une crise énergétique qui freine sa croissance.

– Projet de gazoduc commun entre Pakistan et Iran, auquel la Russie souhaite participer – 

L’accord de juillet dernier concernant le nucléaire iranien ouvre la voix désormais à un approvisionnement énergétique via les ressources des immenses réserves gaz d’Iran. Un contexte qui a eu notamment pour conséquence d’ accélérer les tractations autour des projet d’autoroutes énergétiques via le Pakistan, auxquelles la Russie compte participer.

Moscou soutient ainsi le projet de gazoduc Iran-Pakistan, inauguré en 2013 mais bloqué par les sanctions.
Autre conséquence et non des moindres de la levée des sanctions prises contre Téhéran : le Pakistan et l’Iran veulent profiter du contexte pour accélérer la réalisation de leur projet de gazoduc, gelé depuis des années.

Lancé en 2010, ce projet – dont le coût de construction est évalué à 7,5 milliards de dollars – vise à relier sur 1.800 kilomètres les champs gaziers de South Pars en Iran, à Nawabshah, ville située près de Karachi, la métropole économique du Pakistan.

Si en 2013, l’Iran avait célébré la fin de la construction du pipeline de son côté de la frontière, le Pakistan avait affirmé ne pas pouvoir aller de l’avant avec ce projet, arguant des sanctions américaines et européennes imposées à Téhéran pour ce faire.

Or l’accord sur le nucléaire iranien conclu récemment prévoit la levée de ces sanctions « dès la mise en oeuvre » par Téhéran de ses engagements, attestée par un rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), lequel pourrait voir le jour au début de l’année 2016.

« Cet accord est une bonne nouvelle pour le Pakistan. L’Iran est un pays voisin et cela permettra d’accroître notre commerce. Plusieurs problèmes survenus au cours des dernières années seront résolus, en particulier ce gazoduc Iran-Pakistan », a ainsi déclaré à la mi-juillet le ministre pakistanais du Pétrole, Shahid Khaqan Abbasi.

« Nous avons l’obligation contractuelle d’acheter du gaz iranien, et ils ont une obligation de nous fournir un volume de gaz, mais notre projet a été affecté par les sanctions…. La levée des sanctions nous permettra de respecter nos engagements », avait alors ajouté le ministre.

– Le Pakistan, un pays stratégique pour d’autres projets de gazoduc – 

A noter également que dans le cadre du projet de corridor économique sino-pakistanais visant à relier l’ouest de la Chine au Moyen-Orient via le Pakistan, Pékin finance actuellement la construction d’un gazoduc reliant la ville de Nawabshah au port pakistanais en eaux profondes de Gwadar, situé sur la mer d’Arabie, près de l’Iran.

Une fois ce gazoduc achevé, le Pakistan « n’aura plus qu’à le prolonger sur 80 kilomètres » pour gagner l’Iran à l’ouest, et pourrait à plus long terme l’allonger au nord-est jusqu’à la Chine, a tenu récemment à préciser également à M. Abbasi. Faisant très certainement jouer la « concurrence » …
Rappelons que le Pakistan est engagé dans un autre ambitieux projet de gazoduc, le TAPI, lequel doit relier le Turkménistan à l’Inde. Après des années de tergiversations, une société d’Etat turkmène vient d’être désignée pour diriger ce projet de dix milliards de dollars. Un soudain empressement de la part du Turkménistan directement lié à ses craintes de voir rapidement l’Iran approvisionner son gaz sur le sous-continent indien, si l’on en croit des sources proches du dossier.

– Gazoduc Iran-Pakistan : aussi une histoire de gros sous entre les deux pays

En octobre 2013, alors que des voix de plus en plus nombreuses laissaient entendre que le conflit en Syrie et le dégel des relations Etats-Unis/Iran  étaient fortement liés au gaz et au pétrole, et tout particulièrement aux pipelines oeuvrant pour leur transit, le Pakistan avait demandé à l’Iran 2 milliards USD en vue de financer sa propre portion d’un gazoduc on ne peut plus stratégique, faisant fi des sanctions américaines.

Le ministre pakistanais du pétrole, Shahid Khaqan Abbasi, avait alors indiqué que plan et tracé de la portion pakistanaise étaient d’ores et déjà élaborés … mais que le plus dur restait à faire, à savoir : le lancement – concret – des travaux sur le terrain, alors qu’en mars 2013, les présidents iranien et pakistanais avaient inauguré le chantier de la partie pakistanaise du pipeline.

En mars 2013, la chaîne publique iranienne Irib avait quant à elle indiqué que la construction des 900 km de la partie iranienne du gazoduc était achevée, ajoutant que les 780 km traversant le territoire pakistanais demeuraient à construire. A cette date, Téhéran avait accepté de prêter 500 millions de dollars à Islamabad, soit le tiers du coût estimé de la portion pakistanaise.

Elisabeth Studer – 16 octobre 2015 – www.leblogfinance.com

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