Accusé par Bolloré d’espionnage industriel, BMW se défend

C’est un petit séisme dans l’univers feutré du constructeur automobile allemand. BMW est soupçonné d’espionnage industriel à la suite d’une plainte contre X déposée par le groupe Bolloré, qui produit la Bluecar et exploite le système Autolib’ à Paris. La source du conflit ? Les bornes de recharge électrique auxquelles BMW se serait un peu trop intéressé au goût de son homologue français.

L’information a été dévoilée lundi 9 septembre dans la soirée par Le Figaro. Bolloré vient de porter plainte contre X auprès du procureur de Paris pour « abus de confiance », « intrusion dans un système automatisé de données » et « dégradation ». Jeudi dernier, le 5 septembre, deux techniciens allemands sont interpellés en flagrant délit et mis en garde à vue par les forces de l’ordre françaises.

Des informations accessibles depuis les bornes

Depuis le 21 août, ils auraient approché à plusieurs reprises les bornes de rechargement Autolib’ de la capitale avec du matériel informatique embarqué dans une voiture. Des membres du personnel du service de véhicules électriques en libre-service auraient donné l’alerte, avant de noter le numéro du véhicule utilisé.

Du côté de Bolloré, on est furieux. « On ne sait pas pour le moment quelles informations ils ont pu récolter ou quelles technologies ils ont utilisées », a indiqué à l’AFP un porte-parole d’Autolib’, Jules Varin. « Tout ce qu’on peut dire c’est qu’on (Bolloré) a de l’avance sur plusieurs technologies sur lesquelles nous avons investi beaucoup d’argent, dont la batterie et des systèmes de géolocalisation ». Précision: « même s’il faut une clé spéciale, des informations peuvent être accessibles à partir des bornes ».

Or, il s’avère que le compte Autolib’ utilisé par les deux experts allemands interpellés est associé à un email de la société P3 Group. Ce prestataire, qui travaille avec de nombreux constructeurs automobiles, se définit comme un spécialiste du conseil international en ingénierie selon son site web. Et BMW, qui vient de présenter sa première voiture 100% électrique, la BMW i3, au salon de Francfort, a déjà fait appel par le passé aux services de P3 Group.

De simples tests de compatibilité ?

C’est à partir de là que l’histoire se complique un peu. Les deux experts allemands de P3 Group étaient-ils mandatés par BMW et, si oui, dans quel but exactement ? D’abord un peu sonné, BMW a réagi dans la journée pour démentir formellement l’accusation d’espionnage industriel. D’après le groupe allemand, il y aurait eu un amalgame complet entre des faits très différents.

BMW concède qu’elle a effectivement mandaté des experts pour réaliser des « tests de compatibilité » sur l’ensemble des bornes de recharge électrique en France comme en Europe, y compris donc sur les bornes Autolib’. Une procédure que BMW juge parfaitement « banale ». Le constructeur aurait cependant oublié de prévenir Autolib’ de sa démarche. Bolloré aurait alors demandé des explications (à P3 Group selon Le Figaro, BMW n’a pas donné de précision sur ce point). Toujours est-il que le 7 septembre, BMW aurait répondu par mail à l’intéressé. 

Un message reproduit par Le Figaro et dans lequel la filiale française de BMW explique que ces « tests ont été mandatés » par la maison mère comme « une modalité de contrôle avant le lancement d’un véhicule » et qu’ils ont un caractère « bénin et non intrusif ». BMW France affirme d’ailleurs dans ce courriel qu’elle n’avait pas été informée sur le sujet par le groupe. Dans un communiqué publié ce mardi 10 septembre, BMW assure encore une fois que « ces tests ont pour seul et unique but d’identifier les réseaux de bornes de recharge que les véhicules électriques BMW seraient en mesure d’utiliser ».

D’ailleurs, un problème de date se pose. « BMW confirme qu’il a effectué des tests de routine les 21, 22 et 26 août à Paris. En revanche, le 5 septembre, BMW n’a ni conduit, ni mandaté aucun test », assure l’entreprise.

Aucun expert de P3 Group mandaté par BMW pour les bornes françaises 

Plus étrange, Jean-Michel Juchet, directeur de la communication de BMW France, assure à Challenges que ce ne sont pas les experts de P3 Group qui avaient été mandatés par le constructeur allemand pour réaliser les tests des bornes électriques dans l’Hexagone. Des propos qui démentent donc les informations du quotidien.

En revanche, BMW n’a pas réagi en ce qui concerne la dégradation d’une Autolib’, retrouvée vidée de son unité centrale dans la rue le 3 janvier dernier. Les fins limiers de la Brigade d’enquêtes sur les fraudes aux technologies de l’information (Befti) de la Police judiciaire parisienne cherchent à savoir s’il y a un lien avec cette affaire, sachant que l’abonnement des deux experts de P3 Group date d’avril.

Un système d’auto-partage chez BMW

Un autre élément a pu mener Bolloré à soupçonner son homologue allemand. BMW dispose déjà aux Etats-Unis et en Allemagne de son propre système de partage de voitures ou « car sharing ». Toutefois, rappelle Jean-Michel Juchet, ce dernier, réalisé en partenariat avec le loueur Sixt via la société « Drive Now », repose sur un modèle très différent de celui de Bolloré. Le système ne fait appel à aucune borne de recharge. Et les utilisateurs peuvent garer leur voiture où bon leur semble. Il n’y a pas de système de places de parking spécifiquement allouées au service.

Enfin, en ce qui concerne les bornes de rechargement, BMW est déjà en partenariat avec Schneider Electric, qui a réalisé des bornes spéciales pour son nouveau modèle i3.

L’annonce de cette plainte tombe en tout cas au pire moment pour BMW, et pollue le lancement de son premier modèle 100% électrique qui devrait être disponible en France à partir de novembre.


Challenges.fr – Toute l’actualité de l’économie en temps réel