Agnès Buzyn veut « redonner de l’espoir à l’hôpital public »

On ne gagne pas contre les blouses blanches. A la veille du mouvement des personnels hospitaliers de ce jeudi 14 novembre, la ministre de la Santé Agnès Buzyn anticipe une forte mobilisation et un soutien massif des Français aux grévistes des hôpitaux. Elle, l’ex-hématologue de l’hôpital Necker, sait mieux que ses prédécesseurs que le malaise est profond. « J’ai accepté le poste de ministre pour redonner de l’espoir à l’hôpital public, assurait-elle dans son bureau de l’avenue de Ségur début novembre, et l’essentiel de mon action est tourné vers cet objectif. »

Dès fin 2017, elle avait d’ailleurs alerté sur « un système à bout de souffle ». Depuis, elle a porté une réforme qui a supprimé le numerus clausus à l’entrée des études de médecine, créé des postes d’assistants médicaux pour alléger la charge de travail des cabinets médicaux et renforcé la coopération entre les personnels médicaux d’une même région. Des mesures qui concernent surtout les médecins libéraux et oublient l’hôpital? « Pas du tout, rétorque-t-elle. C’est justement en rendant la médecine de ville plus efficace qu’on parviendra à diminuer l’afflux des patients aux urgences et dans les hôpitaux. » Une logique au cœur de sa réforme du système de santé votée cet été. De fait, en cinq ans, les budgets des hôpitaux ont été ponctionnés de 1,5 milliard d’euros pour compenser les dérapages de la médecine de ville.

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Priorité à la hiérarchie des hôpitaux 

La ministre défend aussi mordicus la nouvelle hiérarchie entre les hôpitaux. C’est elle qui a prôné cette fameuse « gradation des soins » allant des petits « hôpitaux de proximité », recentrés sur la médecine générale, la gériatrie ou les soins de réadaptation, jusqu’aux mastodontes des centres hospitaliers universitaires (CHU), qui continueront de mener la recherche de pointe et les opérations les plus complexes. « L’avantage de cette nouvelle organisation, insiste-t-elle, c’est d’éviter le saupoudrage des financements de plateaux techniques spécialisés sur une multitude d’établissements et d’adapter réellement les investissements en fonction des besoins. »

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Face aux revendications salariales des personnels, elle maintient sa ligne. Pas de hausse globale de la grille de la fonction publique hospitalière qui se chiffrerait vite en milliards et plomberait le déficit de la France, mais plutôt des revalorisations pour certains métiers, en début de carrière ou des aides spécifiques pour le logement. L’augmentation de 300 euros réclamée par le Collectif Inter-Urgences représenterait un coût de 3 milliards d’euros. Les petits salaires des hôpitaux bénéficient en outre de la hausse de la prime d’activité décidée au début de l’année pour répondre à la colère des « gilets jaunes ».

« Lorsque j’exerçais à Necker, il y avait déjà des infirmières qui habitaient à Chartres car elles n’avaient pas les moyens de se loger à Paris, soupire-t-elle. Cela m’avait marqué car c’était dur pour elles. » La ministre veut aussi investir dans les blocs opératoires pour redonner aux médecins le plaisir de travailler à l’hôpital public et stopper l’hémorragie vers les cliniques privées. Elle est parfaitement au courant de la grogne. Ses anciens collègues des hôpitaux parisiens continuent de lui envoyer les mails groupés de protestation contre les coupes budgétaires…

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