Analyse et Stratégie : Bernie Sanders, l’autre explication à la chute de la Bourse

La propagation du coronavirus hors de Chine, avec les risques que cela implique pour l’économie mondiale, ne serait pas la seule explication de la chute de la Bourse depuis le début de semaine. Pour l’un des gourous de Wall Street, l’explication serait même carrément tout autre. Le coupable serait politique. A chercher du côté des candidats aux élections présidentielles américaines.

« Le marché digère la probabilité de plus de 50% que Bernie [Sanders] obtienne l’investiture du parti démocrate », avançait hier soir Jeffrey Gundlach, le patron de la firme d’investissement DoubleLine Capital, à la chaîne d’informations financières CNBC. Ce week-end, le candidat autoproclamé « socialiste » a, en effet, assommé la concurrence lors du caucus du Nevada, prenant ainsi une large avance sur Pete Buttigieg, Joe Biden et Elizabeth Warren.

Grosse chute de l’assureur santé UnitedHealth

Si Bernie Sanders venait à remporter le Super Tuesday, mardi prochain, c’est lui qui serait l’adversaire de Donald Trump. Que les sondages donnent perdant s’il venait effectivement à être opposé à ce candidat démocrate, favorable à un impôt sur la fortune, au démantèlement des grandes banques, au plafonnement des rachats d’actions par les entreprises et à l’instauration d’un salaire minimum de 15 dollars. Bernie Sanders a également promis de s’attaquer à l’industrie pharmaceutique. Sa grande proposition, « Medicare for All », une couverture santé universelle, mettrait fin à l’assurance maladie privée comme celle fournie par UnitedHealth.

« Le marché chute de façon abrupte à la suite de la percée de Bernie [Sanders] », pointe Jeffrey Gundlach, qui avait prédit la crise des subprimes. Sinon « pourquoi United Healthcare a-t-il baissé bien plus que le S&P 500 ? » L’action chute déjà de 13% depuis le début de la semaine alors que l’indice des 500 plus grosses entreprises américaines dévisse de 6,6%. UnitedHealth est la valeur qui signe la plus grosse contreperformance de l’indice Dow Jones (-7%). Sur cet indice, composé de 30 valeurs, la chaîne de pharmacie Walgreens Boots Alliance perd plus de 7% depuis le début de la semaine alors que les fabricants de médicaments Pfizer, Merck et Johnson & Johnson ont mieux résisté (de -3% à -4% environ). Globalement, les actions du secteur de la santé sont, d’après le sous-indice S&P « healthcare », perdantes de 6,2%. « Pourquoi le secteur des soins de santé ne fait-il pas mieux » que le reste du marché ?, interroge Jeffrey Gundlach. C’est vrai qu’en pleine épidémie de coronavirus, c’est suspect.

Jusqu’à récemment, les boursiers étaient convaincus que Donald Trump serait réélu en novembre face à un concurrent démocrate pro-business. A la mi-février, l’économiste de marché Jonas Goltermann, chez Capital Economics, constatait que « les investisseurs rejettent, à leurs risques et périls, les chances de victoire de Sanders », dont la politique est jugée trop radicale pour plaire aux électeurs du courant dominant. « Nombreux sont ceux [même au sein du parti démocrate] qui affirment que les politiques de Sanders sont beaucoup trop à gauche pour qu’il ait une chance de gagner contre le président Trump en novembre », écrivait Jonas Goltermann. De la « complaisance », selon lui. « L’argument similaire [de la radicalité] avait été avancé il y a quatre ans pour écarter les chances de Trump de remporter d’abord l’investiture républicaine, puis la présidence. »


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