Analyse et Stratégie : La petite chimie du krach

Le Saint Graal, le must pour dégager de la performance en Bourse, ‘c’est d’avoir des actions, « beaucoup d’actions […], à l’exception de quand elles baissent. » Paul Jackson, directeur de la recherche du fournisseur d’ETF Invesco PowerShares, a étudié les rendements de six classes d’actifs depuis septembre 1914 : les matières premières, l’or, la dette souveraine, les obligations des entreprises bien notées, le cash et, bien sûr, les actions dont les rendements sont « soit très bons, soit très mauvais. »

Pour un même niveau de volatilité, les actions offrent en moyenne 6% de plus de rendement par an que l’or. Mieux. Une année sur deux (dans 45% des cas plus précisément), ce sont elles qui affichent les meilleures performances annuelles ; six fois sur dix, elles sont dans le Top 2. Mais « il y a un hic avec les actions », prévient Paul Jackson : un an sur trois, leur rendement ajusté de l’inflation est négatif. Imaginez quel jardin des délices serait la Bourse sans ces fichues années de pertes ! La panacée que ce serait de voir venir la chute, de vendre juste avant ! « Quoi de plus simple ? », ironise Paul Jackson.

L’avenir n’est pas écrit d’avance, aujourd’hui reste un entre-temps incertain mais l’observation des données historiques peut servir de lanterne dans ce brouillard. Qu’est-ce qui peut bien faire qu’un marché d’actions tombe soudainement dans la déprime ? Paul Jackson est parti à la pêche aux indices en remontant le cours de l’histoire du S&P 500, l’un des plus vieux indices élargis de la planète finance, avec pour visée de dégrossir des règles d’investissement. De découvrir une martingale, peut-être.

Sur la base de ce qu’il a pu observer, « plusieurs conditions sont souvent associées avec des marchés baissiers : la guerre, la récession économique, l’augmentation de l’inflation et la hausse des rendements obligataires. Ce qui ne veut pas dire que tous ces ingrédients ont besoin d’être réunis pour provoquer un « Bear Market » [« bear » qui veut dire « ours » en français, l’emblème d’un marché baissier là où le taureau symbolise la hausse]. Le décodage des données se corse davantage sur le constat qu’aucun de ces évènements ne garantit une baisse des marchés d’actions. Encore plus compliqué d’y voir clair quand même les récessions ne provoquent pas nécessairement de décrochage des actions. Au moins sait-on, au moment où la banque centrale américaine s’apprête à relever une nouvelle fois son taux d’intérêt directeur en décembre, qu’il y a « peu de corrélation [des « Bear Market »] avec les cycles de resserrement de la Fed. » A l’inverse de l’augmentation de l’inflation qui dicte pourtant sa conduite à la Fed, de la guerre, de la récession économique et la hausse des rendements obligataires.

Le risque de guerre, 10% par an multiplié par deux

« Hélas ! », parce que « ce n’est pas facile », essayer d’anticiper la prochaine chute des marchés d’actions passe par donner des probabilités d’occurrence à ces évènements. La guerre ? 20% de chance au cours des douze prochains mois, selon Paul Jackson sur le raisonnement qu’un conflit majeur intervenait une fois tous les dix ans, soit une probabilité de 10% par an qu’il convient de multiplier par deux depuis que Donald Trump est à la Maison-Blanche. La récession ? Environ 30%. Presque 80% pour l’augmentation de l’inflation et la hausse des rendements obligataire.

« Plus leur probabilité est proche de 100%, plus le danger est grand d’un ‘Bear Market’ », explique le professionnel qui « compte tenu de la difficulté de prédire de tels évènements, a testé en plus des mesures objectives », comme la cherté du S&P 500 qui finalement est l’indicateur qui montre les signes les plus inquiétants. « Cela dit, notre analyse suggère que l’indicateur de valorisation PE Shiller n’est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante », décharge Paul Jackson. En définitive, bien que la correction « se rapproche de jour en jour, elle n’est pas imminente. » Mais il est à craindre, justement à cause de la cherté des actions, que quand l’ours pointera le bout de son museau, cela fera très mal.

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