Analyse et Stratégie : Un comble que la « tech », le secteur le plus exposé à la Chine, soit aussi celui qui s'en sort le mieux en Bourse

Voilà autre chose. Si, en Bourse, les actions des entreprises technologiques sont au plus haut historique (le dernier sommet du Nasdaq date de mercredi dernier, le 20 juin), ce serait parce qu’elles « sont considérées comme des valeurs défensives par de nombreux investisseurs anglo-saxons », rencardait la semaine dernière Christian Parisot, chef économiste chez Aurel BGC. Si ce n’est pas un comble en pleine guerre commerciale ! La « tech » américaine, le secteur le plus exposé à la Chine ? Très dépendant du cycle économique en plus… Pile au moment où la folie protectionniste du président Trump précipiterait le ralentissement économique aux Etats-Unis, jusque-là attendu pour l’année prochaine.

« L’argument des ‘techs’ comme valeurs refuges est difficile à concevoir », en tout cas, il est contraire au bon sens, tacle Alexandre Baradez, analyste de marché en chef chez le courtier IG à Paris. « La montée en puissance de la leur capitalisation, lors de la première phase de forte hausse entre 2009 et 2015, s’est faite en même que le cycle monétaire ultra-accommodant de la Fed [la banque centrale américaine] et le cycle de reprise économique aux Etats-Unis », rappelle-t-il. « La plupart des ‘techs’ ont une présence mondiale, donc leur croissance dépend de la bonne santé économique de l’Europe, des émergents, de l’Asie. » La Chine compte pour 64% du chiffre d’affaires du fabricant de puces Qualcomm et pour 78% du spécialiste des semiconducteurs pour mobiles Skyworks Solutions. Chez Broadcom et Texas Instruments, autres fabricants de semi-conducteurs, la Chine pèse pour près de la moitié des facturations. Son poids tombe à 18% chez Apple. Ouf ? Est-ce à dire que le mastodonte de la Bourse mondiale n’a rien à craindre de la guerre commerciale ? Ce serait oublier qu’Apple a délocalisé la totalité de sa production en Chine. Tim Cook, son patron, craint des représailles de Pékin qui pourrait, par exemple, perturber sa chaîne d’approvisionnement, bloquer dans ses ports des composants essentiels à la fabrication des iPhones, en imposant pourquoi pas des contrôles douaniers accrus. Et malgré tout, « les investisseurs n’hésitent pas à vendre Boeing ou Caterpillar pour acheter Qualcomm ou Intel », s’étonne Christian Parisot dans une analyse qui triture la « tech », ce « faux secteur défensif. »

« Les FAANG ne sont pas immunisés »

Les actions des sociétés américaines de technologie de l’information, ont continué de surperformer le marché boursier américain cette année malgré les inquiétudes suscitées par les risques réglementaires croissants et les tensions commerciales mondiales.

Les actions des sociétés américaines de technologie de l’information, ont continué de surperformer le marché boursier américain cette année malgré les inquiétudes suscitées par les risques réglementaires croissants et les tensions commerciales mondiales.

Les actions des sociétés américaines de technologie de l’information, ont continué de surperformer le marché boursier américain cette année malgré les inquiétudes suscitées par les risques réglementaires croissants et les tensions commerciales mondiales.

D’accord, les entreprises de technologie profitent à fond des économies d’échelle. Elles sont dites, dans le vocabulaire des économistes, à rendements croissants ; plus elles produisent, moins leur coût unitaire est élevé. « Les marges restent élevées grâce à des coûts marginaux faibles ou quasiment nuls », pointe M. Parisot, qui porte également à leur crédit des « gains de productivité forts », sans compter que « le secteur est peu sensible à la hausse des coûts de production liée aux mouvements de cours du pétrole. » Il reconnaît que « les taux de croissance autour de la thématique du cloud sont exceptionnels. » Mais, c’est vite oublier que la « tech » reste très dépendante de l’investissement des entreprises. Des Facebook ou Alphabet (Google) vivent des dépenses publicitaires des autres métiers, sensibles au cycle économique. « Les FAANG Facebook, Apple, Amazon, Netflix et Google] ne sont pas immunisés », prévient Ingvild Borgen Gjerde, économiste de marché chez Capital Economics. […] Le secteur des technologies de l’information est celui qui, plus que tout autre secteur aux Etats-Unis, est le plus exposé à la Chine, à travers la chaîne de valeur ou via une exposition directe des vents. » Tu parles de drôles de valeurs « refuge » ! Reste que Facebook, Google ou Netflix « ont relativement peu d’exposition dans leur chiffre d’affaires à la Chine vu qu’ils ont tous des concurrents chinois. » Netflix a Youku Tudou (mélange de YouTube aussi), le WhatsApp de Facebook a WeChat et le Google chinois s’appelle Baidu.

Et, pour les entreprises de la « tech » qui seraient – par miracle – épargnées par les taxes à l’importation chinoises, les représailles de Pékin sur son sol ou le ralentissement économique, elles ne couperaient quand même pas aux dégâts de la guerre commerciale. « L’administration Trump désire taxer des produits et composants fabriqués par les chinois qui auraient ‘volé’ les brevets américains. Ces composants pourront difficilement être remplacés à court terme par des produits américains, notamment parce que les capacités de production américaines sont déjà saturées, explique Christian Parisot de chez Aurel BGC. Dans les semi-conducteurs, par exemple, les clients américains font appel aux fondeurs chinois lorsque l’offre domestique est insuffisante. Les taxes douanières seront donc essentiellement payées par les entreprises américaines. »


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