Analyse et Stratégie : Une année hors normes s'achève sur des records et des doutes

par Patrick Vignal

PARIS, 18 décembre (Reuters) – L’année qui s’achève aura été exceptionnelle par le plongeon vertigineux des marchés financiers mais aussi par la rapidité et l’ampleur de leur rebond, ce qui conduit certains gérants et analystes à émettre un bémol sur sa poursuite l’année prochaine malgré la perspective d’une sortie de la crise sanitaire.

Les investisseurs ont été prompts à regarder au-delà des dégâts infligés à l’économie par la pandémie de coronavirus, encouragés en cela par la réaction rapide et massive des gouvernements comme des banques centrales.

Les indices boursiers ont été portés en outre plus récemment par l’arrivée de vaccins contre le COVID-19 et par l’espoir d’un nouveau plan de relance budgétaire aux Etats-Unis.

Dans ce contexte, Wall Street enchaîne les records et les Bourses européennes terminent le plus souvent dans le vert, les marchés anticipant une reprise cyclique de l’économie mondiale et une croissance nette des bénéfices des entreprises.

Les incertitudes demeurent cependant, comme l’illustrent les difficiles négociations entre Londres et Bruxelles sur l’après-Brexit, sans parler de doutes persistants sur les vaccins et de la bataille qui se profile pour le contrôle du Sénat américain.

Il faudrait ajouter à la liste des valorisations tendues, certains indicateurs économiques peu rassurants et le risque élevé de faillites d’entreprises en Europe et aux Etats-Unis ainsi que la remontée des anticipations d’inflation.

LE CHÔMAGE POURRAIT FREINER LA REPRISE

La progression spectaculaire des marchés depuis le mois de mars, l’accélération de la rotation cyclique en novembre et l’augmentation des estimations de résultats d’entreprises par les analystes ces derniers mois montrent que le marché joue clairement le retournement du cycle, souligne Didier Saint-Georges, membre du comité d’investissement stratégique de Carmignac.

« La conséquence est que la probabilité de déception est maintenant sensiblement plus élevée qu’il y a encore un mois ou deux », ajoute-il. « Or nous sommes encore, à notre avis, dans un monde de croissance structurellement faible, avec encore davantage d’endettement, moins d’investissement et une tendance démographique défavorable. »

La montée du chômage pourrait également freiner la reprise et il faut se garder de tout excès d’enthousiasme, prolonge William de Vijlder, chef économiste de BNP Paribas.

« Il existe un risque de voir remonter le niveau de chômage, parce que la dynamique du chômage suit avec un certain retard la dynamique du cycle mais aussi parce que certaines mesures de soutien comme le chômage partiel pourraient être retirées à un moment donné », dit-il.

Du côté de la politique monétaire, les banques centrales, dont les interventions massives ont contribué à absorber le choc de la pandémie, à favoriser la relance et à soutenir les valorisations des actifs, devraient se montrer encore accommodantes dans un premier temps, comme viennent de l’assurer la Banque centrale européenne puis la Réserve fédérale.

Il est toutefois possible qu’elles commencent vers la fin de l’année à changer de discours, ce qui aurait des conséquences sur l’économie comme sur l’environnement de marché, prévient-on chez BNP Paribas.

LES ÉMERGENTS TIRÉS PAR LA CHINE

« Le problème pourrait se poser notamment si la reprise surprenait à la hausse en 2021 », estime William de Vijlder, chef économiste de la banque français.

L’année 2021 devrait être globalement favorable aux actions avec un environnement plaidant pour la poursuite du rebond des valeurs cycliques mais il convient de rester prudent en raison de risques bien présents, résument de leur côté les experts d’Amundi.

Les taux devraient demeurer durablement bas, avec cependant une légère pentification de la courbe aux Etats-Unis, dit à Reuters Eric Mijot, responsable de la stratégie marchés développés pour le numéro un européen de la gestion d’actifs.

« En y ajoutant une remontée des anticipations d’inflation, on obtient un environnement favorable aux valeurs cycliques, avec des rythmes différents selon les pays », dit-il. « La Chine et l’Asie sont parties les premières et les Etats-Unis devraient suivre, avec un parcours un peu plus heurté pour l’Europe. »

Le repli du dollar devrait favoriser les marchés émergents qui profiteront du rôle de locomotive joué par la Chine, dont l’ouverture grandissante aux investisseurs étrangers devrait être l’un des événements marquants de 2021 avec notamment l’inclusion de la dette souveraine chinoise dans les indices obligataires mondiaux, prolonge Edmund Shing, responsable de la stratégie d’investissement de BNP Paribas Wealth Management.

LE POINT sur les perspectives de marché 2021 des gérants et analystes (édité par Jean-Michel Bélot)

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