Bangladesh : intoxication dans une usine textile, motif à revoir le Système de préférences généralisés ?

Décidément maudit des dieux le Bangladesh, en ce moment ….
Environ 600 ouvriers d’une usine textile de la périphérie de Dacca, capitale du pays, sont en effet tombés malades cette semaine après avoir bu de l’eau sur leur lieu de travail.
Alors que le 24 avril dernier, l’effondrement d’un immeuble abritant des ateliers de confection avait causé la mort de 1 129 personnes au Bangladesh, le destin semblant vouloir s’acharner sur le secteur textile du pays.

Tant et si bien qu’il n’est pas totalement irraisonné de se demander à qui pourrait profiter le crime, si crime il y a bien sur …

En terme clair, qui aurait intérêt à plomber l’économie du Bangladesh en « plombant » son secteur textile. Encore une fois les droits de douane et taxes d’importation pourraient être à l’origine de la situation.

En tout état de cause, précisons que l’intoxication s’est produite sur un site de la société Starlight Sweaters situé à Gazipur, à la périphérie de Dacca.  « Les ouvriers ont été envoyés dans divers hôpitaux après s’être plaints de maux d’estomac et de vomissements », a déclaré un responsable, Based Ali de l’entreprise. La police soupçonnant quant à elle « que l’eau de l’usine a été empoisonnée ou contaminée ».

Un responsable de l’Association bangladaise des fabricants et exportateurs de textile (BGMEA), laquelle représente les 4 500 usines du pays s’est montré encore plus clair, indiquant que l’eau pourrait avoir été empoisonnée à dessein.  « Nous soupçonnons un acte d’empoisonnement. Il pourrait s’agir de pesticide », a ainsi déclaré S.M. Mannan, le vice-président la BGMEA.  « L’usine a son propre approvisionnement en eau qui vient d’une pompe alimentée en profondeur par un puits, donc la contamination est écartée. Quelqu’un a dû mélanger du poison dans l’eau », a-t-il ainsi affirmé.

Un événement qui intervient près d’un mois après la tragédie du Rana Plaza, laquelle avait mis au grand jour les conditions de travail et de sécurité fort déplorables de nombres d’usines textiles du Bangladesh. Lesquelles produisent le plus souvent pour des marques occidentales.
En guise de réaction, les syndicats et enseignes travaillant avec les entreprises de textile locales ont depuis conclu un accord pour contrôler les conditions de travail des Bangladais, affirmant vouloir envoyer « aussi vite que possible » des inspecteurs de la sécurité sur le terrain pour résoudre les problèmes les plus urgents ».

Simple coïncidence ? Rappelons à toutes fins utiles que quelques mois avant le drame du Rana Plaza, alors plusieurs employés du secteur textile bangladais avaient trouvé la mort dans plusieurs incendies d’usine, les Etats-Unis avaient laissé entendre qu’ils souhaitaient reconsidérer leurs accords commerciaux avec Dacca.

Le nerf de la guerre ? Washington avait alors estimé que « l’absence de progrès du gouvernement du Bangladesh en matière de droit du travail » justifiait « un retrait, une suspension ou une limitation » du système de préférence généralisé qui liait les deux pays, grâce auquel le Bangladesh a un accès sans quota ni droits de douane au marché américain.
Nous y voilà …

Une décision qui devait initialement être prise en juin … Depuis, le secteur a de nouveau été endeuillé. Les circonstances laissant craindre un durcissement de la position américaine.

Le système d’échanges mis en place notamment entre les deux pays – mais également entre le Bangladesh et l’Union européenne – pourrait en faire tousser plus d’un alors que le Bangladesh est devenu pour certains le nouvel « eldorado » du tissu et de la confection. C’est que la donne a changé : le pays devrait en effet passer devant la Chine dans le domaine alors que les salariés revendiquent de plus en plus leur part de la croissance, provoquant une hausse imprévue des salaires. Au grand dam des marques de prêt-à-porter occidentales.

En 2011, le cabinet McKinsey estimait ainsi que la production textile au Bangladesh allait doubler d’ici à 2015, tripler d’ici à 2020.
Le NYT estime pour sa part – se référant aux travaux du Center for Global Development – que désormais le coût de la vie en Afrique est trop élevé pour que les salaires soient plus faibles qu’au Bangladesh. En dehors de la Birmanie, aucun pays « relais » ne semble être susceptible de le concurrencer.
De quoi « inciter » au final les pays occidentaux à revoir leurs accords d’échanges. D’une manière ou d’une autre. Le mieux étant de se placer en position de force … Comme semble vouloir le faire les Etats-Unis.

« En tant que plus grand partenaire commercial du Bangladesh, l’Union européenne s’inquiète particulièrement des conditions de travail, notamment en matières de santé et de sécurité, en vigueur pour les travailleurs dans les usines à travers le pays », avaient déclaré pour leur part dans un communiqué la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, et le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, près d’une semaine après l’effondrement meurtrier du Rana Plaza.

« A la lumière de ces événements, l’Union européenne appelle les autorités du Bangladesh à agir immédiatement afin de s’assurer que les ateliers à travers le pays soient en conformité avec les normes internationales de travail, y compris celles de l’Organisation internationale du travail (OIT) », avaient ajouté les responsables européens.
« L’UE envisage actuellement (de prendre) des mesures appropriées, y compris par le biais du Système de préférences généralisés (SPG), afin d’inciter à une gestion responsable des chaînes d’approvisionnement impliquant les pays en développement », avaient-ils indiqué.

Sources : AFP, le Monde, France24, libre.be

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 9 juin 2013


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