BCE : rachat massif d’actifs dès jeudi ? politique désespérée ou stratégie bien ordonnée  ?

Alors que la France et le monde occidental se remettent à peine de l’attentat perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo, la plupart des spécialistes estiment que la Banque centrale européenne (BCE) devrait annoncer jeudi un rachat massif de dette publique. Objectif affiché : tenter d’obtenir une relance des prix et de l’économie mondiale.

Selon eux, l’abandon jeudi passé par la Banque nationale suisse (BNS) de son taux plancher de 1,20 franc pour un euro est un signe qui ne trompe pas.

Ils estiment en effet que toutes les conditions semblent réunies pour que la BCE – implantée en Allemagne, à Francfort – choisisse une stratégie qualifiée par certains de « dernière cartouche » pour tenter d’enrayer la déflation actuelle. Précisons à cet égard qu’en décembre 2014, l’inflation dans la zone euro est passée en territoire négatif (-0,2%), chose qui ne s’était plus vue depuis 2009.

Si la chute du prix du baril est l’un des principaux facteurs de cette baisse des prix, l’inflation calculée hors alimentation et énergie, d’une valeur de 0,7% en décembre dernier se révèle être d’une faiblesse inquiétante face aux objectifs de la BCE d’une hausse des prix légèrement inférieure à 2%.

« Il ne fait pas de doutes que la BCE ouvrira jeudi prochain un nouveau chapitre, risqué », assurent ainsi les économistes de Commerzbank. Leurs confrères d’ING leur emboîtant le pas en indiquant quant à eux : « il sera très difficile, voire impossible, pour la BCE de ne pas annoncer un QE » lors de sa prochaine réunion de politique monétaire.

Rappelons à cet égard que l’acronyme anglo-saxon « QE » – pour assouplissement quantitatif – désigne un programme de rachats d’actifs de grande ampleur, portant notamment sur de la dette publique. Précisons encore que la Banque du Japon, et la Fed américaine ont d’ores déjà pratiqué l’exercice récemment.

L’institution s’est parallèlement engagée à prêter massivement et à conditions très avantageuses aux banques. Buts affichés : tenter de doper grâce aux fonds ainsi injectés. Il n’en demeure pas moins que cette stratégie passe par le rachat de certains actifs financiers. Sans qu’on ne sache au final à qui profite le « crime » ….

Hasard de calendrier ? La justice européenne a ouvert la voie cette semaine à un nouvel assouplissement monétaire via un avis favorable rendu à Luxembourg sur le programme de rachat de dette OMT, procédure jamais encore utilisée à l’heure actuelle. Une décision qui a d’ores et déjà fait réagir les responsables des Banques centrales, le chef de la Bundesbank allemande Jens Weidmann s’y montrant peu favorable.

Mario Draghi – président de la BCE et néanmoins ancien de la sulfureuse banque US Goldman Sachs – a lui-même réagi en affirmant dans un entretien paru jeudi : « ce n’est pas comme si nos possibilités étaient infinies ».
Selon le journal allemand « Der Speigel », le patron de la BCE aurait  présenté mercredi ses plans à la chancelière allemande Angela Merkel.

Autre hasard de calendrier   ?

N’oublions pas que parmi les victimes de l’attentat perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo  figure Bernard Maris … un décès quelque peu oublié des medias grands publics et qui a pourtant son importance au delà du deuil des familles, bien entendu.

Qui était Bernard Maris ? Un brillant économiste, actionnaire de Charlie Hebdo  … et membre du Conseil général de la Banque de France …

Ses récentes propositions ?

Nous indiquions ici-même récemment que le site italien de Claudio Messora, Byoblu, n’y allait pas par quatre chemins, clamant que « Bernard Maris, l’économiste de la Banque de France qui voulait annuler la dette » était mort assassiné. Une phrase qui pourrait en surprendre certains mais qui ne fait que refléter la réalité.

Si certes, certains medias français nous rappellent que Bernard Maris, mort sous les balles d’humains déshumanisés était éditorialiste et actionnaire de Charlie Hebdo, brillant économiste et qui plus est, membre du conseil général de la Banque de France, peu nombreux sont ceux qui rappellent les récentes propositions qu’il avait faites, relatives à une sortie éventuelle de la France de la zone euro, omettant la plupart du temps d’ajouter la référence à son plaidoyer pour annuler la dette des pays membres de l’Union européenne.

Rappelons que les récents propos du journaliste-économiste sur l’euro et l’annulation de la dette ne lui ont pas attiré que des amis au sein de la finance mondiale.

En pleine crise financière, Bernard Maris avait ainsi plaidé pour un effacement d’une partie de la dette des États membres de l’UE afin de leur permettre sur des bases assainies. « Tous les pays européens devront, tôt ou tard, se résigner à effacer une partie de leur dette. Il faut la renégocier au-delà du seuil de 60 % du PIB pour de nouveau respecter les critères de Maastricht. Les créanciers, et donc les banques, devront évidemment consentir un effort important. Même les grands pays comme l’Allemagne et la France n’y échapperont pas. C’est le seul moyen de permettre aux États de la zone euro de relancer leur économie », expliquait-il ainsi fin 2011 dans une interview au Journal du dimanche.

Ajoutant : « sans croissance, ils n’arriveront pas à faire face à leur endettement. Comme l’ont fait les pays africains pendant plusieurs décennies, ils rembourseront indéfiniment une dette qui étouffera l’Europe ». Pour lui, c’était « le seul moyen d’éviter quinze ans de stagnation de l’économie comme au Japon ou au Portugal sous Salazar. Le seul moyen aussi de prévenir une chute très forte du pouvoir d’achat des ménages et des conflits sociaux majeurs ».

Affirmant par ailleurs « le choix de l’Allemagne ruinera aussi son économie à long terme. Ce n’est pas un cercle vertueux mais vicieux. Elle préfère abaisser le niveau de vie des Allemands pour être compétitive. Cette politique, comme celle de la Côte d’Ivoire dans les années 1960, s’appelle la ‘croissance appauvrissante’. »

Elisabeth Studer – 18 janvier 2015 – www.leblogfinance.com

Sources :  JDD, AFP, L’Express, le site de Claudio Messora, Byoblu

http://www.leblogfinance.com/2015/01/bce-rachat-massif-dactifs-des-jeudi-politique-desesperee-ou-strategie-bien-ordonnee.html

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