Cannes-2015 : en attendant la Palme d’or, notre palmarès des prix qui n’existent pas

Alors que la compétition du 68e Festival de Cannes s’est achevée sur un décevant « Macbeth », les festivaliers peinent à faire leurs pronostics. Avant l’annonce du gagnant, France 24 vous dévoile son palmarès des prix qui ne verront jamais le jour…

C’est acquis : le palmarès que le jury du 68e Festival de Cannes annoncera dimanche 24 mai fera des mécontents. Aucun des 19 films présentés en compétition n’est parvenu à mettre tout le monde d’accord. Si ce ne sont « La Forêt des songes » de Gus Van Sant et « Marguerite et Julien » de Valérie Donzelli, qui ont fait l’unanimité contre eux.

Quelques œuvres tiennent cependant la corde dans cette course à la Palme d’or. Pour certains festivaliers, le jury présidé par les frères Coen ne se déshonorerait pas en sacrant l’élégance d’un Todd Haynes et de sa très raffinée romance lesbienne « Carol ». D’autres, plus catégoriques, considéreraient comme un sacrilège de ne pas couronner « The Assassin », bijou contemplatif de l’orfèvre taïwanais Hou Hsiao-hsien.

Il ne faudrait pas non plus oublier l’éprouvant et frappant « Fils de Saul » du Hongrois László Nemes qui, pour son premier film, a eu le cran d’interroger, de manière radicale, la représentation de la Shoah au cinéma. En lui décernant le Saint-Graal, les neuf Sages consacreraient en même temps l’audace dans une compétition qui en manque cruellement. Mais peut-être se contenteront-ils d’un prix de la mise en scène.

Du côté des performances d’acteurs, Vincent Lindon, impeccable, comme d’habitude, dans « La Loi du marché », figure parmi les favoris du prix d’interprétation masculine. Idem pour Michael Caine dont le dandysme désuet apporte un surplus de charme à « Youth ». Il se dit que Tim Roth, infirmier en soins palliatifs dans « Chronic », et Benicio del Toro, mystérieux dégommeur de narcotrafiquants dans « Sicario », constituent de sérieux candidats au titre.

Chez les dames, le consensus voudrait que l’Australienne Cate Blanchett(« Carol ») quitte la Croisette avec les honneurs. Sont également pressenties l’Italienne Margherita Buy (« Mia Madre ») et la Chinoise Zhao Tao (« Mountains May Depart »). Convoquée en fin de compétition, Marion Cotillard dans les habits de Lady Macbeth pourrait être consacrée. Les Anglophones adorent sa prestation dans cette adaptation quelque peu désincarnée du chef d’œuvre de William Shakespeare. D’autres ne pardonnent pas au réalisateur australien Justin Kurzel d’avoir relégué l’épouse pousse-au-crime au second plan.

Michael « Macbeth » Fassbender et son épouse pousse-au-crime Marion Cotillard. © Mehdi Chebil

Les membres du jury ont jusqu’à dimanche pour départager tout ce beau monde. Suspense, suspense. En attendant, nous avons décidé de jouer, nous aussi, aux faiseurs de roi en constituant notre palmarès des prix que le Festival aurait été bien inspiré d’inventer.

– Le Prix de la plus belle scène de la compétition

S’il fallait ne retenir qu’une séquence, ce serait incontestablement ce silencieux regard caméra d’Isabelle Huppert dans « Louder Than Bombs ». Ce face-à-face entre l’actrice et les 2 000 spectateurs du théâtre Debussy demeurera comme l’expérience la plus forte de ce Festival. Las, le reste du film de Joachim Trier, pourtant très attendu, ne parviendra jamais à réitérer ce coup de force émotionnel.

Sinon, la danse exécutée par Zhao Tao sur le tube « Go West » à la fin de« Mountains May Depart » de Jia Zhangke vaut, elle aussi, son pesant de frissons.

– Le Prix du film qui ne recevra pas de prix

Bien avant le coup d’envoi du Festival, d’aucuns s’offusquaient de l’absence du « dernier Arnaud Desplechin » en compétition. Présenté dans la Quinzaine des réalisateurs, « Trois souvenirs de ma jeunesse » méritait effectivement d’être en sélection officielle. Cette fausse suite de « Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) » met en scène les premières amours de Paul Dédalus, le double de cinéma du réalisateur français. Le résultat est enivrant, facétieux, tenace, délicieux, labyrinthique…

Du Desplechin pur sucre et taillé sur mesure pour les deux révélations françaises de ce Festival : les jeunes Quentin Dolmaire et Lou Roy-Lecollinet, tous deux impressionnants de décontraction.

– Le « Prix Tom Selleck » de la plus belle moustache

Un véritable festival de moustaches, cette compétition. Il y eut celle, d’abord, très VRP multi-cartes de Colin Farrell dans « The Lobster ». Puis celle du quinquagénaire de la classe moyenne arborée par Vincent Lindon dans « La Loi du marché ». Et celle, très hypster, du jeune Paul Dano dans « Youth ». Aucune d’entre elles ne rivalisent toutefois avec la longue tignasse blanche immaculée qui sert de bacchante au sorcier conspirateur de « The Assassin ». Un monument pileux qui ferait passer les membres de ZZ TOP pour des imberbes.

– Le Prix du meilleur photo-call

Salma Hayek, Cate Blanchett, Catherine Deneuve, Rachel Weisz, Marion Cotillard, Emily Blunt, Jake Gyllenhaal, Matthew McConaughey Vincent Cassel, Colin Farrell, Tim Roth… Fidèle à sa réputation de festival glamour, Cannes a vu défiler pléthore de stars endimanchées sur le tapis rouge. Mais c’est bien souvent dans le cadre plus intime du « photo-call » que les célébrités se révèlent davantage. À en croire notre source parmi les photographes accrédités, l’exercice 2015 restera marqué par les tentatives de bisous de Gérard Depardieu sur les joues d’Isabelle Huppert. Un moment de grâce entre la Belle et la Bête du cinéma français.

Séance « photo-call » pour Isabelle Huppert et Gérard Depardieu, à l’affiche de « Valley of Love ». © Mehdi Chebil

Les actrices Emma Stone et Diane Kruger, toujours selon notre source, ont elles aussi illuminé ce rituel promotionnel par leur bonne humeur et leur spontanéité. Reste que cette édition manquait un peu de piquant. De toute façon, pour les photographes, rien ne semble aujourd’hui en mesure de pouvoir dépasser l’euphorie provoquée, l’an passé, par le tonitruant débarquement des « Expendables 3 » sur la Croisette. Sylvester Stallone, Harrison Ford, Mel Gibson, Antonio Banderas et consorts bodybuildés avaient enflammé le tapis rouge. Et ce, sans talons hauts.

– Le Prix du plus grand pourvoyeur de musique de film

Non, il ne s’agit pas d’Alexandre Desplat. Mais d’Arvö Part. Plus une compétition ne se déroule maintenant sans qu’un film nous serve un bout de son « Spiegel im Spiegel » ou de « Für Alina ». « This Must Be the Place » en 2011, « Foxcatcher » en 2014… Cette année, l’œuvre du compositeur estonien a été entendue dès l’ouverture du Festival avec « La Tête haute », puis dans « Mia Madre » de Nanni Moretti. On frise l’indigestion.
Côté soirée, il va falloir également penser à arrêter avec Rihanna. Et Lykke Li. Et Rage Against the Machine. Et Britney Spears. Dites-donc, les DJ, vous n’êtes pas au courant que Francis Cabrel a sorti un nouvel album.

– Le Prix « 30 millions d’amis »

Ça fleurait bon la cueillette aux champignons sur la Croisette. Répondant à l’appel du vert, nombre de cinéastes ont choisi, cette année, de s’établir dans la forêt. Monde à la marge où l’Homme brave l’interdit (« Marguerite et Julien »), se soustrait à l’autorité (« The Lobster »), renoue avec sa jeunesse (« Tale of Tales »), se perd puis se retrouve (« La Forêt des songes »).

Léa Seydoux et son verrat de « The Lobster ». © DR

La nature, ses mystères, ses secrets, ses animaux. Ses innombrables animaux. Aussi avons-nous vu des ânes dans « The Lobster » et « The Assassin ». Des cerfs et des hiboux dans « Marguerite et Julien ». Un éléphant qui souffle énormément dans « Dheepan ». Un monstre marin dans « Tale of Tales ». Et des chevaux, beaucoup de chevaux dans « Macbeth ». Mais notre préférence va pour le poney de « The Lobster » dont l’improbable crinière blonde semble avoir fait l’objet d’un méga-brushing.

En ce qui concerne le plus fidèle de nos compagnons, sachez que des journalistes britanniques lui consacrent chaque année un prix, la fameuse Palme Dog, qui récompense la meilleure prestation canine dans un film présenté à Cannes, toute sélection confondue. Le trophée a été attribué, samedi, à Dixie, le chien des « Mille et une nuit » du Portugais Miguel Gomez (Quinzaine des réalisateurs). Et personne n’y a trouvé à redire.