Cette bombe à retardement économique que l'Etat doit désamorcer

Au printemps, la première vague de l’épidémie de Covid-19 a déclenché une forte hausse de la dette brute des entreprises : les flux de crédits atteignent 170 milliards d’euros depuis février en France.

Certes, ces sommes sont loin d’avoir été consommées et ont souvent été stockées sous forme de réserves de liquidités, ce qui fait que la dette nette, en prenant en compte la trésorerie, est stable. Mais cette « dette pandémique » ne correspond pas à un effort d’investissement, gage de revenus futurs. C’est une dette de précaution, se substituant à des revenus perdus sans doute irrévocablement. Ces pertes ne se sont généralement pas encore matérialisées dans les comptes des entreprises, grâce notamment au report de charges. C’est une dette de survie, nécessaire mais improductive.

Pourquoi nécessaire ? Parce que le risque de la « zombification » – le soutien excessif d’entreprises qui ne seraient pas viables – pointé par certains économistes ne tient pas dans les circonstances actuelles.

Pour l’heure, on constate une baisse du nombre de faillites, qui reflète la protection des prêts garantis par l’Etat (PGE) ou du moratoire sur les remboursements des prêts bancaires.

Mais le jugement final sur la viabilité des firmes les plus touchées ne sera possible que lorsqu’un vaccin aura permis de dégager l’horizon sanitaire. Que le gouvernement étende jusqu’à la mi-2021 l’accès aux PGE fait sens.

C’est le potentiel de croissance qui serait touché si des entreprises saines étaient condamnées. Le risque bien sûr est que l’augmentation continue de la dette vienne obérer la reprise, dans un contexte où les entreprises françaises sont déjà très endettées par rapport à leurs concurrentes étrangères (voir graphique). Elargir les délais de remboursement des PGE et en allonger la durée est une réponse utile.

Mais deux autres voies méritent d’être explorées si la crise devait s’accentuer. La première est la conversion de certaines dettes en prises de participation. C’est une approche complexe pour les banques qui portent ces prêts. Cela impliquerait une ingénierie financière encore à définir et supposerait le maintien dans le temps des garanties de l’Etat.

La seconde n’est concevable qu’au niveau de la zone euro : la Banque centrale européenne (BCE) pourrait acquérir certains prêts en ajoutant cette classe d’actifs à son programme de rachat d’obligations d’Etat et d’entreprises. Cela inciterait les banques à maintenir leur soutien aux entreprises en transférant le risque vers la BCE. Qui aurait sans doute besoin d’une forme de garantie par les Etats.

(Axa/SP)

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