Coronavirus : votre banque est-elle en danger ?

Parce qu’elles financent les entreprises, les ménages et même les Etats, les banques sont un maillon essentiel de l’économie. Le coronavirus, qui provoque un arrêt brutal de l’activité et un krach boursier, peut-il les mettre en péril ?

La pandémie du coronavirus va asséner « un coup d’arrêt puissant, massif et brutal à notre économie ». C’est le très sombre tableau dressé par le Premier ministre Edouard Philippe, devant les sénateurs, le 19 mars dernier. En effet, alors que l’exécutif tablait il y a encore quelques semaines sur une croissance de 1,3% en 2020, il anticipe désormais une récession. La richesse produite devrait cette année reculer de 1% par rapport à 2019. Et ce « coup d’arrêt » est susceptible de toucher toutes les entreprises : du commerce de proximité, contraint de baisser le rideau pour respecter le confinement, à la multinationale confrontée à la fermeture des frontières.

Un triple choc et des pertes potentielles colossales

« Cette crise est bien plus complexe que celle des subprimes »

« Cette crise est bien plus complexe que celle des subprimes, nous explique l’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. En 2007-2008, nous avons vécu une crise systémique engendrée par les excès de la finance. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un triple choc. La crise sanitaire provoque une paralysie de la production (choc d’offre) et un effondrement de la consommation le temps du confinement (choc de demande). Ces deux chocs provoquent une crise économique qui déclenche une crise financière. Cette dernière va elle-même aggraver la crise économique, qui va nécessairement se traduire par des défauts de paiement et des faillites d’entreprises », poursuit cette spécialiste du système bancaire et de la régulation financière.

Or, le non-remboursement des crédits (les créances douteuses dans le jargon bancaire) et la chute des marchés financiers fragilisent directement les banques. Les établissements de taille moyenne, principalement actifs dans la banque de détail et le crédit aux PME, comme le CIC ou les caisses régionales des établissements mutualistes, vont directement pâtir des défauts de remboursement. Mais les grands groupes (BNP Paribas, Société Générale…) ou encore des acteurs spécialisés comme Natixis (BPCE) sont quant à eux également très exposés aux pertes sur les marchés financiers de par leurs activités de banque de financement et d’investissement (BFI).

D’après le chiffrage de Goldman Sachs, repris par Bloomberg le 10 mars, les établissements bancaires européens pourraient voir leurs résultats nets cumulés chuter de 34 milliards de dollars (30 milliards d’euros) au cours des trois prochaines années à cause de l’épidémie de Covid-19. Cette érosion équivaut à une baisse de 7% de leurs bénéfices sur cette période.

Les banques plus solides qu’en 2008

Les banques en capacité d’absorber des pertes « représentant 6% de leurs actifs »

Dans ce contexte, est-ce que les banques ont les ressources suffisantes pour supporter des revenus en nette baisse voire des pertes sèches si la situation empire ? Pour la Fédération bancaire française (FBF), la réponse est oui. « Les banques sont totalement sûres. […] La grande différence avec la crise de 2008, c’est que les banques disposent d’un montant de fonds propres cumulé considérable [les fonds propres correspondent à l’argent qui appartient à la banque comme les capitaux versés par les actionnaires ou la part des bénéfices non redistribuée, ndlr] , multiplié par 2,5 en dix ans, et de réserves de liquidité gigantesques qui se comptent en centaines de milliards », expliquait le 15 mars aux Echos le président de la FBF Frédéric Oudéa, également directeur général de Société Générale.

Même ton rassurant du côté de la Banque de France : « Toutes les banques françaises sont aujourd’hui dans une situation solide, assure François Villeroy de Galhau. Si on regarde les deux grands éléments de santé d’une banque, la solvabilité et la liquidité, leur situation est beaucoup plus favorable qu’en 2008. Leur capital a plus que doublé et leur situation de liquidité est extrêmement favorable », poursuit le gouverneur de la Banque de France.

Un constat partagé mais seulement en partie par Jézabel Couppey-Soubeyran. « La capitalisation des banques européennes s’est effectivement accrue depuis la crise de 2007-2008. Elles affichent un ratio de fonds propres prudentiels [fonds propres rapportés aux actifs pondérés en fonction du risque. L’idée étant que plus la banque a des activités risquées – prêts ou achats d’obligations à des entreprises peu solvables -, plus elle doit mettre de l’argent en réserve, ndlr] aux alentours de 15%. Sauf que ce chiffre surestime la capacité de résilience des banques puisque ce sont elles qui produisent les mesures de risque, souligne-t-elle. Si on regarde les choses plus simplement, en rapportant les fonds propres au total des actifs bancaires, le ratio tombe alors à 6% ». Autrement dit, d’après cette économiste, les grandes banques ont la capacité d’absorber des pertes représentant 6% de la valeur de leurs actifs.

Plans de soutien de la BCE et des Etats

1 000 milliards d’euros débloqués par la BCE

C’est pourquoi, pour freiner les faillites d’entreprises, faire revenir les investisseurs sur les bourses et préserver ainsi le secteur bancaire, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un plan de soutien. Au départ, le 12 mars, la BCE comptait injecter dans la zone euro 120 milliards d’euros en 2020 en rachetant des obligations d’entreprises et de la dette publique. Cette annonce n’ayant pas eu l’effet escompté sur les marchés financiers – ceux-ci ont continué à dévisser -, la BCE a musclé son plan d’urgence et annoncé le 18 mars qu’elle débloquerait 750 milliards d’euros supplémentaires. A titre de comparaison, pour soutenir la zone euro, elle avait acheté pour un total de 2 600 milliards d’euros de titres entre mars 2015 et fin 2018.

Son plan d’action prévoit également d’accorder aux banques commerciales des LTRO pour « long term refinancing operations » ou, en français, des opérations de financement de long terme…. L’objectif étant ainsi d’inciter les banques à continuer de prêter aux ménages et aux entreprises. « Ces mesures sont nécessaires mais insuffisantes, déplore Jézabel Couppey-Soubeyran. L’enjeu ici n’est pas de soutenir l’investissement mais de faire face à des pertes potentiellement colossales. La BCE doit mobilier d’autres leviers que le seul refinancement des banques ». L’économiste plaide, notamment, pour un « drone monétaire ». C’est-à-dire une distribution directe d’argent aux ménages et aux entreprises, sans passer par le canal bancaire. Ou, sinon, « il faudrait que la BCE finance directement l’effort budgétaire très important que les Etats vont devoir mobiliser ».

Effectivement, en France, les premières mesures prises se chiffrent déjà à plusieurs dizaines voire centaines de milliards d’euros. Le projet de loi d’urgence, adopté hier par le Parlement, prévoit un arsenal immédiat de 45 milliards d’euros pour venir en aide aux entreprises en difficulté et financer le chômage partiel des salariés. En outre, le projet de loi de finances rectificative pour 2020 comprend une garantie de l’État de 300 milliards d’euros sur les prêts octroyés aux entreprises par les banques. De quoi, là encore, soulager le bilan des banques en cas de défauts de remboursement en chaîne.

Faillite bancaire : des procédures d’indemnisation des déposants existent

Au regard des vastes plans de soutien annoncés ces derniers jours, les banques centrales et les gouvernements semblent avoir pris la mesure des conséquences qu’aura le Covid-19 sur l’économie mondiale. Indépendamment de ces mesures conjoncturelles, il existe des mécanismes de protection pour les épargnants. La France et l’Europe se sont ainsi dotées de fonds pour indemniser les clients en cas de faillite de leur établissement à hauteur de 100 000 euros par client. Pour une banque de taille restreinte (caisse de banque mutualiste), c’est le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) qui assure l’indemnisation. En cas de faillite d’une banque dite systémique (BNP, Société Générale…), c’est via le Fonds de résolution unique que cette couverture s’opère.

Consulter à ce propos : Le Fonds de garantie des dépôts est-il de taille si votre banque fait faillite ? et ces 4 garanties qui protègent votre épargne malgré le krach

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