Cuba : la levée de l’embargo US pourrait rentabiliser l’exploration de pétrole

La visite de Laurent Fabius à Cuba, fait historique s’il en est, aurait-elle notamment pour objectif de sécuriser l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne, voire de préparer le terrain à des compagnies telles que Total  ? Qui sait … Notons en effet que le pays pourrait être doté d’atouts précieux dans la guerre énergétique que se livrent actuellement les grands de ce monde.

Si certes les campagnes d’exploration menées dans les eaux territoriales cubaines n’ont pas été fructueuses jusqu’à présent, la levée de l’embargo américain pourrait ouvrir la porte à l’utilisation d’équipements et de matériels permettant de rentabiliser les opérations.

Reste qu’une nouvelle fois Russes et Américains pourraient s’opposer sur le terrain, les Etats-Unis pouvant monnayer la levée de leur embargo en échange d’un accès « favorisé » aux champs pétrolifères cubains. Et ce, alors même que la Russie a d’ores et déjà avancé ses pions dans la région. Une « contrepartie » que Moscou pourrait être « amené »  à accorder en guise de concession pour son annexion de la Crimée et  son oukase sur l’Ukraine.

De quoi également justifier le déplacement historique de Laurent Fabius sur le sol cubain, l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne pouvant au final être l’ultime enjeu du dossier, alors que les pays européens sont fortement dépendants de la production de gaz russe et de la voix de transit énergétique ukrainienne.  Le dossier cubain devenant alors – via la levée de l’embargo US – une manière de satisfaire toutes les parties associées au conflit ukrainien.

En tout état de cause, rappelons que des études américaines estiment que les réserves de pétrole off-shore de Cuba – contenues dans ses eaux territoriales du golfe du Mexique – se situent dans une fourchette compris entre 5 et 9 milliards de barils, La Havane allant même jusqu’à une estimation de 20 milliards de barils.

La zone économique cubaine du golfe du Mexique (d’une superficie de 112 000 km2) a été divisée en 59 blocs pétroliers, dont 22 ont d’ores et déjà fait l’objet de contrats avec des majors internationales.

Grâce à la plate-forme italienne de recherche en eaux très profondes Scarabeo-9, 3 groupes pétroliers internationaux – Repsol (Espagne), PDVSA (Venezuela), PC Gulf (Malaisie) ont mené ces derniers mois des recherches dans la zone maritime cubaine du golfe du Mexique. Sans toutefois obtenir des résultats. A l’heure actuelle, aucune date n’a été fixée pour la poursuite de leurs travaux, tandis que la plate-forme a été acheminée en Afrique occidentale.

– La Russie largement investie dans le potentiel pétrolier cubain – 

Au premier semestre 2013, la société étatique russe Zarubezhneft s’est livrée sans succès à l’exploration du pétrole dans le bloc « L » de la zone économique exclusive cubaine dans le golfe, située dans le nord de la province centrale de Ciego de Avil. Une opération menée via l’aide de la plate-forme Songa Mercur, construite par la Russie et gérée par la Norvège.

La société étatique cubaine Cubapetroleos (Cupet) et Zarubezhneft avaient par la suite planifié de forer de nouveau dans le bloc « L » de la zone économique exclusive cubaine à compter de 2014.

Zarubezhneft a ainsi planifié de nouvelles recherches au large de la côte centre-est de Cuba. La société d’Etat cubaine y a lancé l’exploration de 10 nouveaux puits en semi-off-shore, dont un d’une profondeur de 8.200 mètres, ce qui constitue un record pour Cuba.

En novembre 2013, lors d’une rencontre avec le président du groupe pétrolier russe Rosneft Igor Setchine,le président cubain Raul Castro avait quant à lui exprimé son intérêt pour le renforcement de la coopération bilatérale avec la Russie dans les secteurs du pétrole et de l’énergie.

– Un essor freiné jusqu’à présent par l’embargo américain – 

Mais l’embargo économique et financier pour le moins drastique que Washington impose à Cuba depuis plus d’un demi-siècle constitue un frein important au développement du secteur pétrolier cubain.

En effet, la majeure partie de la technologie et du savoir-faire du domaine est détenue par des entreprises américaines. Selon Jorge Piñon, expert pétrolier cubain basé aux Etats-Unis, toute entreprise pétrolière internationale qui voudrait opérer à Cuba doit faire face à un surcoût de 15 à 20%, tous les équipements et les techniques devant venir d’Europe ou du Canada.

A noter également que toute technologie pétrolière utilisée à Cuba doit compter moins de 10% de composants des Etats-Unis.

– Le Venezuela, fournisseur unique de pétrole de Cuba – 

En matière énergétique, l’embargo impose ni plus ni moins à Cuba de s’approvisionner auprès d’un seul pays, le Venezuela. Lequel fournit à Cuba quelque 100 000 barils/jour – soit les deux tiers de la consommation cubaine – selon des conditions avantageuses octroyées dans le cadre de l’alliance politique entre les deux pays.

Fin janvier, le président vénézuélien Nicolas Maduro a conclu à La Havane des accords d’une valeur de 1,26 milliard de dollars, concernant 56 projets économiques, notamment dans le secteur pétrolier et pétrochimique.

– Une hausse de 50 % de la production pétrolière d’ores et déjà possible selon un expert – 

Si l’on en croit Jorge Piñon, Cuba pourrait d’ores et déjà augmenter de 50% sa production pétrolière à l’aide de technologies de récupération améliorée, domaine dans lequel le français Total est très investi. Reste qu’à l’heure actuelle, le recours à de telles méthodes se heurte à l’embargo américain.

Si l’on en croit, Jorge Piñon, ancien président d’Amoco Oil Amérique latine et aujourd’hui expert à l’université du Texas, en appliquant les techniques de récupération améliorée, Cuba pourrait augmenter sa production de 20 000 à 25 000 barils par jour, par rapport aux 50 000 actuellement produits.

Précisons que la récupération améliorée – qui peut utiliser diverses techniques, notamment d’injections de gaz – permet de réduire la viscosité du pétrole, laquelle est particulièrement forte dans les puits exploités à Cuba.

Selon l’expert, si le facteur de récupération primaire est de 7% pour les puits cubains, à l’heure actuelle, c ces techniques permettraient de l’étendre à 17 ou 20%.

– La Chine pourrait tirer son épingle du jeu – 

Toujours selon Jorge Piñon, indépendamment de l’exploitation de la manne pétrolière du pays, l’infrastructure pétrolière cubaine pourrait générer d’importants revenus. Selon lui, le port de Matanzas, la raffinerie de Cienfuegos et l’oléoduc qui les relie au centre du pays pourraient servir de centre de raffinage et de stockage de brut et de produits dérivés pour les Caraïbes et le golfe du Mexique.

Une opportunité que la Chine pourrait saisir, Cuba pouvant constituer un hub idéalement placé pour à la fois traiter la production locale et exporter les produits dérivés, à quelques encablures du plus important consommateur au monde, les Etats-Unis.

Sources : lemaghrebdz.com, AFP, french.china.org.cn

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 11 avril 2014

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