Devises et taux : POINT HEBDO-Les marchés regardent au-delà du chaos pour attaquer l'année

(Répétition sans changement d’une dépêche transmise vendredi)

par Patrick Vignal

PARIS, 11 janvier (Reuters) – L’invasion du Capitole par une foule déchaînée n’a pas entamé l’optimisme des investisseurs, qui portent leur regard au-delà des frayeurs du moment pour anticiper un rebond économique et des mesures supplémentaires de relance budgétaire aux Etats-Unis sous la présidence de Joe Biden.

La colère des partisans de Donald Trump et les scènes surréalistes observées à Washington ont marqué ce début d’année sans toutefois ébranler les marchés financiers, qui ont préféré retenir la prise de contrôle pacifique du Sénat par le camp démocrate.

Cette « vague bleue », qui avait paru s’éloigner après avoir longtemps été anticipée, a des allures de cadeau de Noël tardif pour les intervenants de marché puisqu’elle devrait faciliter l’adoption, sous l’administration Biden, de nouvelles mesures destinées à soutenir la première économie du monde.

Les Bourses mondiales ont applaudi avec des records pour les trois grands indices de Wall Street comme pour les actions asiatiques et, en Europe, des progressions supérieures à 2% pour le CAC 40 et pour le Stoxx 600 sur la première semaine de l’année.

Tout n’est pas rose pour autant, tempère Gilles Guibout, responsable des actions européennes chez AXA IM, en soulignant les tensions observées sur les emprunts d’Etat américains et sur les valeurs de la technologie.

« La perspective d’un plan de relance plus important comme souhaité par le nouveau président Biden, bien que positif pour la croissance économique, pourrait faire craindre une remontée des anticipations d’inflation et provoquer une remontée des taux à 10 ans américains », note-t-il.

LES BANQUES CENTRALES TRÈS SURVEILLÉES

« Un tel mouvement, s’il était vérifié, et même si nous le pensons limité à ce stade, pourrait provoquer des dégagements sur les secteurs à duration longue comme la consommation durable ou la technologie », poursuit Gilles Guibout.

Les marchés entrent dans une période charnière avec des espoirs légitimes de rebond économique déjà intégrés dans les cours et des valorisations élevées que devront justifier les résultats des entreprises au quatrième trimestre, dont la saison se profile, prolonge Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France.

« Les investisseurs vont forcément s’interroger sur les niveaux de valorisation après avoir ‘payé’ le scénario d’un rebond rapide de l’économie depuis début novembre et les premières annonces d’avancées scientifiques sur le front des vaccins », dit-il avant d’insister sur la persistance du risque sanitaire, illustrée récemment par la polémique sur les débuts poussifs de la vaccination en France.

« La situation économique ne pourra que s’améliorer en 2021 mais la question est de savoir à quelle vitesse on sortira des phases de confinement ou de restrictions et cela dépendra donc en très grande partie du succès des campagnes de vaccination », fait valoir l’analyste.

La remontée des anticipations d’inflation traduit notamment la crainte d’un moindre soutien de la part des gouvernements et des banques centrales, une menace qui ne paraît pas imminente mais mérite cependant d’être surveillée.

Dans ce contexte, les annonces que feront la Banque centrale européenne (BCE), le 21 janvier, puis la Réserve fédérale américaine, le 27 janvier, sont très attendues par les marchés.

LE RISQUE SOCIAL POURRAIT PESER

Du côté des résultats des entreprises, pas de panique à l’horizon puisque le consensus FactSet attend un rebond de 22% des bénéfices du S&P-500 en 2021 après une baisse des bénéfices anticipée à près de 14% en 2020.

Le chômage reste cependant élevé et des faillites sont à prévoir après avoir été retardées par les mesures de soutien mises en oeuvre un peu partout par les gouvernements.

Le risque social demeure lui aussi bien présent, comme vient d’en témoigner la foule des partisans de Donald Trump en contestant violemment le résultat d’une élection démocratique.

Le climat politique américain témoigne de deux courants qui ne cessent de s’éloigner l’un de l’autre, souligne Hervé Goulletquer, stratégiste la Banque postale Asset Management, dont l’analyse pourrait s’appliquer à d’autre pays où la fracture sociale paraît également s’accentuer.

La foule en colère de Washington pourrait, selon lui, ne pas avoir dit son dernier mot.

« Si l’expérience Biden ne devait pas réussir, la vie politique américaine reprendrait son cours vers une polarisation de plus en plus marquée », écrit-il dans une note. « C’est loin d’être impossible et la thèse d’une simple parenthèse Biden, dont on a déjà parlé, serait vérifiée. »

(édité par Blandine Hénault)

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