Espagne : Caritas s’alarme de l’extrême pauvreté et de la montée des inégalités

Le gouvernement espagnol serait il tenté d’embellir la situation socio-économique du pays ? Fort possible.

Alors qu’il a récemment annoncé que le budget 2014 sera «le premier budget de la reprise» pour l’Espagne, le gouverneur de la Banque  Centrale espagnole  se réjouissant pour sa part du fait que son pays semblait « sortir de la deuxième récession de cette crise prolongée » –  tout en y apportant certes de sérieux bémols – l’organisation catholique Caritas vient de lancer un nouveau cri d’alarme sur l’extrême pauvreté qui frappe la population espagnole, les inégalités progressant quant à elles de manière importante.

Selon Caritas, en Espagne, plus de 3 millions de personnes – sur un total de 47 millions d’habitants –  vivent avec moins de 307 euros par mois. Le nombre de pauvres est lui encore plus élevé. Si l’on en croit  l’office de statistiques INE, 13% des ménages espagnols seraient en très grande difficulté.
Situation qui ne devrait pas s’améliorer à court terme, contrairement aux affirmations du gouvernement espagnol, censées rassurer ses créanciers. En effet, l’organisation espagnole pointe du doigt un processus d’appauvrissement de la société espagnole, le taux de pauvreté s’établissant à 21,1% (selon un calcul incluant les personnes ayant des revenus inférieurs à 7.355 euros par an) tandis que le taux chômage s’élève à 26,26%.
« Alors que beaucoup d’analystes, d’hommes politiques et d’économistes parlent de la lumière au bout du tunnel, ce que nous voyons en observant la réalité, c’est que nous sommes dans le tunnel de l’injustice et de la pauvreté », a ainsi déclaré Sebastian Mora, le secrétaire général de Caritas, lors d’une conférence de presse à Madrid.  Estimant que les indicateurs économiques sont loin de la réalité du terrain, comptabilisant des situations macro-économiques, les très bons chiffres annoncés par les dirigeants actuels du pays ne lui semblent malheureusement pas incompatibles avec le quotidien douloureux de la population la plus pauvre.

Bien au contraire, une valeur moyenne satisfaisante pouvant cacher le fossé colossal qui sépare les riches et les pauvres.  Selon une étude publiée mercredi par la banque Crédit Suisse, en 2012, l’Espagne comptait 402.000 millionnaires, (personnes possédant un patrimoine supérieur à plus d’un million de dollars), ce qui correspond à 47.000 individus de plus qu’en 2011. La crise ne faisant qu’accroître les inégalités.

Selon Caritas, l’Espagne remporte ainsi une bien triste médaille d’or en Europe : 20% de la population la plus riche concentre sept fois et demie plus de richesse que les 20% les plus pauvres.  Un phénomène qui devrait prendre de l’ampleur si l’on en croit l’organisation, l’augmentation du nombre de chômeurs de longue durée et les politiques d’austérité étant deux facteurs propices à l’arrivée d’une seconde vague de pauvreté. Voire une seconde étape dans le processus d’appauvrissement des Espagnols.

Concernant actuellement des cas individuels, la pauvreté pourrait à très court terme s’étendre aux aux cercles familiaux. Si jusqu’à présent l’entraide générationnelle a pu apporter une réponse au désarroi de tel ou tel membre de la famille, les ressources – financières et physiques – des plus âgés commencent à s’épuiser.
Situation qui pourrait également être aggravée par la récente réforme du système des retraites, laquelle permet de ne pas indexer les pensions par rapport au taux d’inflation. Caritas rappelant que des familles entières vivent de la pension d’un seul retraité.

Si le taux de pauvreté avoisine 16,9%, les chômeurs, les familles monoparentales, les enfants figurent parmi les catégories socio-économiques les plus affectées.  Plus d’un quart (26,7%) des moins de 16 ans se trouvent ainsi en situation de pauvreté. Sans compter les immigrants, lesquels représentent près de la moitié des 1,9 million de personnes soutenues par Caritas en 2012.

Dans un rapport européen présenté jeudi, la Croix-Rouge a indiqué pour sa part qu’elle assistait désormais 2,4 millions de personnes en Espagne et y distribuait un million de colis alimentaires par an, contre 500.000 en 2009.

Rappelons que depuis l’éclatement de sa bulle immobilière en 2008, l’Espagne a lancé un vaste plan de rigueur, en vue d’assainir ses comptes publics mais avant tout de rassurer marchés et partenaires européens.
En 2012, Madrid a annoncé un programme d’économies de 150 milliards d’euros jusqu’en 2014. Lequel contient des coupes budgétaires drastiques, notamment dans la santé et l’éducation.
En 2014, les salaires des fonctionnaires seront seront gelés pour la quatrième année consécutive, après avoir baissé en 2010. Parallèlement, le gouvernement vient d’adopter le projet de réforme des retraites qui supprime l’indexation des pensions sur l’inflation.
Alors que la dette publique devrait atteindre 92,2% du PIB en 2013 et 98,9% en 2014, l’hiver s’annonce donc une nouvelle fois rude pour les Espagnols.

Sources : AFP, Libre.be

Elisabeth Studer – 12 octobre 2013 – www.leblogfinance.com


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