Gaz : plan d’action de l’UE pour réduire sa dépendance face à la Russie … mission impossible ?

Voeu pieu, rêve, utopie, beau discours ou réelle volonté ? Alors que selon des statistiques publiées mardi, la part du gaz russe dans la consommation des 28 pays de l’Union européenne a atteint 27% en 2013 – contre 23% en 2012 – le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a annoncé vendredi que l’Union européenne allait élaborer pour le mois de juin un plan d’action destiné à réduire sa dépendance énergétique, en particulier vis-à-vis de la Russie.

Reste que cette volonté est affichée d’ores et déjà depuis de nombreux mois, sans réellement se concrétiser bien au contraire, puisque les nouveaux chiffres publiés récemment démontrent que la Russie demeure bel et bien le premier fournisseur énergétique de l’Union européenne.

Quoiqu’il en soit, M. Van Rompuy a indiqué que les dirigeants de l’UE avaient demandé à la Commission européenne un plan d’action concret pour le mois de juin. Soulignant par ailleurs qu’il fallait accélérer pour réduire la dépendance, particulièrement à l’égard de la Russie. Mais le point crucial demeure de définir les différentes stratégies et les différents scénarios possibles.

Le président du Conseil européen a tenu par ailleurs à souligner qu’en l’absence de réaction de l’UE, sa dépendance vis à vis de l’extérieur atteindra 80% d’ici 2035 pour sa consommation de gaz et de pétrole.

« 64 ans après la création de la Communauté du Charbon et de l’Acier, nous devons évoluer vers une Union de l’énergie », a par ailleurs insisté M. Van Rompuy.

Parmi les solutions possibles envisagées par le Président du Conseil européen figurent la réduction de la consommation, la diversification des sources, le développement des renouvelables ainsi qu’une amélioration des interconnexions en Europe, chose réclamée notamment par l’Espagne et le Portugal. M. Van Rompuy a également évoqué d’éventuels achats de gaz de schiste américain. Comme quoi, la crise ukrainienne  est loin de  n’avoir que des désavantages pour les Etats-Unis et ses majors pétrolières

Certes, pour la troisième année de suite, la consommation de gaz de l’UE a reculé en 2013, selon l’étude d’Eurogas, qui regroupe des acteurs gaziers européens, baissant de 1,4% à 462 milliards de mètres cubes, après des baisses de 10% et 2% en 2011 et 2012. La baisse de la consommation européenne résulterait avant tout de la baisse de la demande des centrales électriques fonctionnant au gaz, d’un climat économique encore médiocre.

Mais, parallèlement, la production de gaz sur le territoire de l’Union européenne (principalement en mer du Nord) a baissé quant à elle de 1% à 156 milliards de mètres cubes. Elle demeure néanmoins la première source d’approvisionnements, représentant 33% de la consommation de l’UE.

Si la Russie a augmenté sa part, tel est le cas également de la Norvège, avec 23% contre 22% en 2012. L’Algérie, qui constitue le troisième fournisseur, a vu sa part baisser de 9 à 8%.

La part du Qatar n’a représenté que 4 % en 2013 contre 6% en 2012. Une baisse qui semble liée au mode d’acheminement retenu par les entreprises qataries, lesquelles privilégient le transport du gaz sous sa forme liquéfiée (GNL). Solution qui au final semble plus rémunératrice vers des marchés asiatiques.

Suite à la crise ukrainienne, la Commission européenne tente par ailleurs des discussions actuelles autour du gazoduc South Stream pour faire pression sur la Russie. Le commissaire européen à l’Energie Gunther Oettinger a ainsi annoncé la suspension des négociations sur le gazoduc.

Mais plus facile à dire qu’à faire … Notons tout d’abord que la construction de la partie maritime du gazoduc est prise en charge par la société South Stream Transport, dont les actionnaires sont le géant gazier russe Gazprom (50%) … mais également la compagnie française EDF, le holding allemand Wintershall (15% chacun) et le groupe italien Eni ( 20%).

Gazprom a d’ailleurs conclu un accord avec la société italienne Saipem, filiale d’Eni, pour construire le premier tronçon du gazoduc South Stream sous la mer Noire, entre la Russie et la Bulgarie. L’installation du premier pipeline est prévu pour l’automne 2014 pour une mise en service d’ici la fin 2015.
La presse russe souligne quant à elle que South Stream Transport a récemment signé un accord pour la livraison de 75 000 conduites pour la construction du deuxième pipeline du South Stream … pour un montant estimé à 800 millions d’euros. La finance risque encore une fois de dicter la politique … dans un tel contexte.

Le projet de construction de South Stream est appelée à diversifier les itinéraires de livraison du gaz russe sur le territoire européen. Ce projet devrait ainsi permettre de contourner l’Ukraine et fournir 63 milliards de mètres cubes de gaz par an à l’Europe, soit environ 15% de la demande européenne. Difficile donc de s’en priver …

Des accords ont d’ores et déjà été signés avec la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Grèce, la Slovénie, la Croatie et l’Autriche pour la construction de la partie terrestre. Le coût approximatif du South Stream dépasse 15 milliards d’euros, il devrait être pleinement opérationnel d’ici 2018.

A noter que conformément à la législation européenne le propriétaire du gazoduc ne peut pas être à la fois l’exportateur à part entière, un sujet de discussion supplémentaire …

Sources : AFP, Ria Novosti

Elisabeth Studer – 23 mars 2014 – www.leblogfinance.com

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