Kenya : quand la découverte de pétrole provoquait espoir et inquiétude

Nouvelle « frappe »de la malédiction du pétrole ? Un article de mai 2012 – que certains pourraient qualifier de prémonitoire – publié sur le site internet des Nations Unies (lesquelles tenaient toutefois à mentionner que cet article ne reflètait pas nécessairement ses vues), faisait état d’espoir et d’inquiétude suite à la découverte de pétrole à quelques centaines de kilomètres de Nairobi, dans le comté de Turkana.
Un discours qui résonne de manière toute particulière aujourd’hui, alors que le pays est le théâtre d’un acte de terrorisme particulièrement sanglant, mené par des extrémistes.

A cette date, les indicateurs socio-économiques montraient l’existence de fortes inégalités entre les habitants de Turkana et le reste de la population kényane. Terrain malheureusement propice à d’éventuelles tensions … 96 % de la population du comté, principalement composée de pasteurs, étant considérée pauvre, la proportion la plus élevée de tout le pays.

Une situation à l’équilibre incertain que la découverte de pétrole assortie des conséquences induites par l’élaboration d’une nouvelle constitution ne pouvait que menacer.
Et ce d’autant plus que les aléas climatiques, les razzias frappant le bétail et le développement de l’agriculture remettent en cause le pastoralisme.
Dans des promos prémonitoires, Christopher Ekaru Loskipat, coordinateur de la Commission catholique Justice et Paix (CCJP) de Lodwar avait indiqué que si le pétrole était certes « considéré comme un atout » permett(ant) à la population « de gravir les échelons », des conflits verraient le jour en l’absence de création d’emplois locaux par les majors pétrolières.

Reste que l’industrie pétrolière ne requiert pas une forte intensité de main-d’oeuvre, générant peu d’emplois non qualifiés ou semi-qualifiés contrairement à l’industrie minière.
Autre élément non négligeable : les modes de partage des bénéfices entre le gouvernement et la communauté, l’industrie pétrolière kényane devant relever le défi de mettre en œuvre une stratégie qui profite à toutes les parties intéressées. Vaste sujet …

Patrick Imana, un responsable de l’Agency for Pastoralist Development (APaD), ONG locale, redoutait alors que des milices ne se forment comme au Nigeria, s’inquiétant d’un éventuel pillage des richesses tirées du pétrole.

Certes, le gouvernement kenyan s’est engagé à ce que « le pays et en particulier les communautés hôtes profitent à long terme des bénéfices économiques et sociaux générés par l’exploitation des ressources naturelles ». Ajoutant qu’une révision du cadre juridique et réglementaire existant était nécessaire « afin de se conformer aux meilleures pratiques internationales et de l’aligner sur le nouvel ordre constitutionnel ».

Les analystes indiquaient également qu’à long terme, la découverte de pétrole aurait un impact sur le prix des terres et les recettes publiques. … dans un pays où les titres fonciers sont le plus souvent réduits à leur plus simple expression et où la communauté pastorale était jusqu’à présent pas attachée à la valeur pécuniaire de la terre. Des personnes vulnérables pouvant alors être conduites à céder leurs biens pour une bouchée de pain.
Des observateurs craignaient également que les Pokot, les voisins avec lesquels ils ont toujours été en concurrence pour l’utilisation des ressources, ne tentent de s’approprier les terres proches des installations pétrolières. Certains ONG notant la présence de nombreuses armes légères dans la région.
Rappelons qu’en mars 2012, le président kényan avait annoncé que du pétrole a été découvert dans son pays, avertissant toutefois que la viabilité commerciale de cette « percée majeure » demeurait incertaine.
La compagnie pétrolière britannique Tullow Oil, qui a mené les travaux de prospection, avait alors précisé que le pétrole découvert était de haute qualité et avait été trouvé sur un site baptisé Ngamia-1, dans le comté de Turkana, près de la frontière avec l’Ouganda et le Sud-Soudan.
La découverte constitue un « excellent départ » pour la campagne d’exploration lancée par Tullow au Kenya et en Ethiopie, avait déclaré pour sa part Angus McCoss, un responsable de la firme. D’autant plus que d’autres sites potentiels similaires avaient été identifiés.
Désormais, les estimations de Tullow font état de 10 milliards de barils, de quoi alimenter le Kenya pendant trois siècles.

Reste, qu’une nouvelle fois, la malédiction du pétrole pourrait bien avoir frappé …

En mars 2013, le journal « Jeune Afrique »  indiquait que le Kenya avait le potentiel pour devenir l’une des premières puissances pétrolières africaines. Ajoutant : « a condition de mener à bien un projet de pipeline d’un coût total de 5 milliards de dollars afin d’accéder aux marchés asiatiques ».
Vaste sujet aux larges conséquences …. sur lequel nous reviendrons, soyez-en assurés.

Sources : IRIN (Nations Unies), Asspciated Press, Jeune Afrique

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 24 septembre 2013


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