La baisse du coût de la dette doit servir à financer les réformes (Pisani-Ferry)

L’argent économisé par l’Etat grâce à la baisse du coût de la dette doit servir à financer les réformes de fond plutôt que le pouvoir d’achat ou le désendettement, estime l’économiste Jean Pisani-Ferry, qui propose la création d’un « fonds dédié » à cette tâche.

« La conjoncture financière offre une fenêtre » pour « appuyer des transformations porteuses d’amélioration pérennes », estime le chercheur, responsable du programme d’Emmanuel Macron durant la présidentielle de 2017, dans une tribune publiée samedi sur lemonde.fr.

En cause : le maintien à un faible niveau des taux d’intérêts, actuellement proches de 0,35% pour un emprunt à dix ans, soit un niveau sensiblement inférieur à ce qui était attendu il y a encore quelques mois.

Cette situation a permis d’alléger la « charge de la dette » de la France, c’est-à-dire les intérêts versés chaque année par l’État à ses créanciers, désormais attendue à 37 milliards d’euros en 2019 et 2020, au lieu de 40 milliards l’an dernier.

« Le montant de l’aubaine correspondante est significatif », souligne Jean Pisani-Ferry. Pour 2020, c’est-à-dire le prochain budget, Bercy anticipe une économie de 2 milliards par rapport à la prévision retenue à l’automne.

Mais « cela pourrait même être davantage » au vu de l’évolution actuelle des taux d’intérêts, souligne Jean Pisani-Ferry, pour qui « l’économie pourrait atteindre 4 milliards par rapport » au chiffre prévu à l’automne, et « 10 milliards par rapport aux prévisions d’il y a un an ».

Que faire de cet argent ? Pour l’économiste, « la bonne stratégie » ne consiste ni à « financer à crédit une action purement distributive » ni à « sacrifier les réformes à la réduction des déficits ».

Plus de redistribution « ne s’impose pas économiquement, car le pouvoir d’achat par tête va déjà croître de 2% cette année ». Et se focaliser sur le déficit « serait faire courir à la France le risque italien », à savoir « celui d’un pays budgétairement sérieux depuis trente ans mais qu’une performance économique lamentable a enfermé dans un cercle vicieux », juge-t-il, en pointant le niveau d’endettement record (plus de 130% du PIB) de l’Italie.

L’ancien chef d’orchestre du programme d’Emmanuel Macron propose donc d’« affecter à un fonds dédié » les sommes économisées grâce aux faibles taux d’intérêts « et de les allouer ensuite à des investissements matériels et immatériels précisément définis ».

« Notre incapacité récurrente à tenir nos engagements budgétaires invite à verrouiller le dispositif, en sorte qu’il ne soit pas détourné », insiste toutefois M. Pisani Ferry, qui propose de retenir « trois critères » d’utilisation de ces fonds : l’amélioration de l’emploi, la transition écologique, et l’accroissement de l’efficacité des services publics.

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