La zone euro est-elle entrée en déflation ?

Les prix ont reflué en décembre, mais la zone euro est-elle pour autant en déflation ? Rien n’est moins sûr, affirment les analystes, qui soulignent qu’une inflation négative ne rime pas toujours avec déflation et peut même être un phénomène vertueux.

Les prix ont baissé de 0,2% sur un mois en décembre, leur premier recul depuis octobre 2009.

Ce recul, lié en grande partie à l’effondrement du cours du pétrole, a ravivé en Europe les craintes d’un scénario de déflation, spirale auto-entretenue de baisse des prix et des salaires. Le Japon est confronté depuis vingt ans à ce phénomène.

L’ennemi à abattre pour la BCE

Synonyme de dépression de l’économie, la déflation est, au même titre que la sur-inflation, l’ennemi à abattre pour la Banque centrale européenne (BCE), qui situe l’inflation idéale à un peu moins de 2%.

Mais pour les économistes, baisse des prix ne rime pas automatiquement avec déflation.

Comme la récession (deux trimestres consécutifs de baisse du PIB), la déflation obéit à une définition technique précise. Mais celle-ci est nettement plus difficile à vérifier que celle de la récession.

La déflation est « un processus prolongé et général de baisse des prix ». Il n’y a pas déflation si seulement certains prix baissent, selon une définition de la Banque de France.

Autre critère clé: en situation de déflation, les ménages reportent leurs achats dans l’espoir de faire de meilleures affaires plus tard. La demande se tasse, du coup les entreprises sont tentées de réduire la production et le travail, s’ensuivent hausse du chômage et baisse des salaires.

Autre écueil, le poids de la dette privée s’accroît de facto. Un ménage qui a emprunté pour acheter un appartement voit la valeur de son bien et ses revenus baisser, mais ses remboursements restent identiques, et lui coûtent donc plus, en proportion de son revenu.

Le même ménage peut alors devoir consommer moins pour rembourser, voire être contraint de brader son appartement. Et voilà le mécanisme de baisse des prix installé.

Reste encore à savoir si un report des achats est actuellement à l’oeuvre en zone euro.

« Les prix progresse partout »

« Reporter la sortie du dimanche en voiture à cause du prix de l’essence, qui pourrait être moins chère la semaine prochaine… Ah bon, vraiment ? Evidemment non », décrypte Erik Nielsen, économiste en chef chez UniCredit. « Et mis à part l’énergie, les prix continuent de progresser partout », c’est ce qui compte dans les anticipations des ménages, ajoute-t-il.

Il juge d’ailleurs qu’un « choc de prix négatif est une bonne chose » pour les consommateurs qui voient leur revenu réel augmenter.

Même son de cloche chez son confrère Holger Schmieding, de la banque Berenberg, pour qui la confiance des consommateurs reste élevée. Il affirme ne « pas du tout » craindre la fameuse « spirale déflationniste ».

Pourtant les indicateurs qui mesurent les anticipations d’inflation – cinq ans par exemple – se dégradent, pointent les analystes de Capital Economics. Selon eux, « avec d’importants ralentissements dans l’économie, un taux de chômage très élevé et des attentes d’inflation qui reculent, il y a un danger clair d’une période prolongée de déflation ».

La hausse des prix en zone euro – même toilettée de l’énergie et d’autres facteurs volatils – reste de toute façon faible au regard de l’objectif de la BCE.

Donc déflation ou pas, l’institution monétaire, ne peut « pas se permettre le luxe » de rester passive, avait prévenu mi-décembre Peter Praet, son économiste en chef. Elle s’apprête à passer à la vitesse supérieure dans son soutien à la zone euro via un nouveau programme de rachats massifs d’actifs, la semaine prochaine ou au plus tard en mars.

(Avec AFP)


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