L’attentat de Sousse menace l’équilibre économique de la Tunisie

C’est clairement l’économie tunisienne qui a été visée à travers l’attentat de Sousse. Faire plier le pays en frappant ce qu’il a de plus précieux en terme de ressources : le tourisme.
La Tunisie redoute désormais de perdre un quart de ses revenus touristiques annuels à la suite de l’attaque perpétrée vendredi dernier, revendiquée par le groupe extrémiste Etat islamique, Daesh.

Le ministère tunisien de la Santé a annoncé mardi avoir identifié 27 corps pour l’instant. Il s’agit de 19 Britanniques, 3 Irlandais, 1 Belge, 2 Allemands, 1 Russe et 1Portugais. Une porte-parole du Premier ministre britannique David Cameron a pour sa part annoncé que le nombre des victimes britanniques était désormais de 21. Cet attentat sanglant survient trois mois après l’attentat contre le musée du Bardo à Tunis, lequel avait fait 21 morts.

La Tunisie s’attend à ce que l’attentat commis à Sousse vendredi lui fasse perdre environ 515 millions de dollars (480 millions de francs), a déclaré la ministre du Tourisme, Selma Elloumi Rekik. . « Si ce secteur s’écroule (…), l’économie s’écroule », a-t-elle mis en garde.

Le choix de l’hôtel Imperial Marhaba pour commettre ce crime est loin d’avoir été choisie au hasard. Il est en effet détenu par Zohra Driss, députée de Nida Tounès, le parti au pouvoir. De même que la clinique des Oliviers où sont soignés plusieurs blessés. Il s’avère en effet que le personnel politique tunisien est en grande partie originaire de Sousse. Les terroristes ont donc frappé un symbole à la fois politique et touristique.

Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le samedi 27 juin 2015, à l’hôtel ciblé par l’attentat, Zohra Driss a déclaré que les professionnels du tourisme demandaient la création d’un fonds de sauvetage du tourisme tunisien, et ce avec la participation de pays étrangers. Elle a ainsi adressé un message aux pays étrangers en ces termes : « La Tunisie sera le dernier rempart contre le terrorisme ! » soulignant que si l’Europe voulait se prémunir contre d’éventuels attaques d’extrémistes, il faudra commencer par sécuriser la Tunisie.

La directrice de l’hôtel a également lancé un appel aux forces de l’ordre, pour prendre des mesures exceptionnelles et établir un système sécuritaire qui soit en adéquation avec cette situation de crise. Un système qui se doit d’être « performant et discret » a-t-elle ajouté.

Zohra Driss a été élue dans sa circonscription de Sousse lors des dernières élections législatives, devenant ainsi la seconde professionnelle du secteur à être députée (après Abderrazak Cheraït) pour un mandat de 5 ans. Elle est actuellement à la tête de trois grands établissements hôteliers à Port El Kantaoui et à Sousse, le Tour Khalef, l’Impérial Marhaba et le Diar El Andalous, outre ses activités dans d’autres domaines, notamment l’agronomie et au sein de l’UTICA (en tant que présidente du Comité Tunisie-France).

Issue d’une grande famille d’hôteliers (fille de M’Hamed Driss, fondateur entre autres de la chaîne Marhaba), elle constitue l’un des porte-paroles et des porte-drapeaux de tout un secteur.

Zohra Driss est également la fille de M’hamed Driss , l’un des grands promoteurs-bâtisseurs de l’histoire de l’hôtellerie tunisienne. Sa formation académique en fait une grande promoteur de projets agricoles modernes selon la presse tunisienne.

« En tant que future députée , je la vois défendre bec et ongles les intérêts d’une hôtellerie et d’un tourisme balnéaire de masse qui constituent , quoiqu’on dise, l’ADN même du tourisme tunisien » avait-elle déclarée à l’automne 2014.

« Ceux qui veulent et peuvent nous aider sont d’ailleurs les bienvenus, mais nous allons de toute façon faire le maximum par nos propres moyens, » a déclaré quant à lui mardi le président de la République tunisienne Béji Caïd Essebsi dans une interview accordée à la Radio privée française Europe 1.

Mettant l’accent sur les efforts déployés également par la société civile tunisienne en matière de sensibilisation de la jeunesse, Caid Essebsi a fait observer qu’il s’agit aujourd’hui « d’un combat de taille », d’autant plus que « quelque 3000 jeunes Tunisiens seraient engagés aujourd’hui aux côtés de l’Organisation de l’Etat Islamique ».
Le Président de la République a par ailleurs tenu à souligner que « la Tunisie n’a pas les moyens financiers pour attribuer 2000 euros à chaque chômeur » faisant allusion aux sommes importantes allouées aux « jeunes recrus par l’Etat Islamique ». Elements repris également dans l’émission Capital sur M6 diffusée il y quelques jours.

Des propos qui interviennent alors que le président américain Barack Obama, tout en présentant ses condoléances à la Tunisie, a proposé l’aide américaine pour mener l’enquête.

Dans une déclaration au journal El-Bilad, parue samedi dernier, le général-major à la retraite et analyste politique Abdelaziz Medjahed, a estimé quant à lui que l’attentat terroriste qui a endeuillé la Tunisie, et revendiqué par Daesh, constitue « une forme de pression exercée sur ce pays pour l’amener à accepter l’installation d’une base militaire américaine sur son sol ».

« Ainsi, juge le général Medjahed, les États-Unis pourraient enfin mettre en place l’Africom (Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique) au Maghreb, dix ans après sa création. » Selon cette analyse, l’attentat de Sousse « participerait d’un plan visant à créer le climat favorable en Tunisie pour prendre cette décision ». Nous y reviendrons.

Sources:AFP, presse tunisienne

Elisabeth Studer – 30 juin 2015 – www.leblogfinance.com

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