Le casse-tête de la reprise dans les transports publics

Comment assurer la reprise du trafic à la fin du déconfinement ? C’est le casse-tête général pour la SNCF, RATP, Keolis et autre Transdev qui doivent présenter leurs scenarios à Matignon d’ici la fin du mois. En Ile-de-France, région la plus dense avec 5 millions de voyageurs quotidiens dans les transports publics habituellement -mais  500.000 aujourd’hui- sa présidente Valérie Pécresse, également en charge d’IDF Mobilités, plaide pour le port du masque obligatoire et la poursuite du télétravail.

Tout le monde a fait ses calculs : maintenir un écart d’un mètre entre chaque voyageur est irréalisable aux heures de pointe. Notamment à la RATP : si l’exploitant des bus et des métros parisiens doit assurer 50% de son offre de transport (contre 30% aujourd’hui) en appliquant les règles de distances sanitaires, elle ne pourra transporter que 10% à 20% de voyageurs. Et encore faut-il s’assurer que l’ex-régie du métro parisien puisse avoir le nombre d’agents de conduite suffisant. Pour l’heure, l’entreprise publique tourne avec seulement 10.000 salariés sur 45.000.

Dans ce contexte, une idée poussée par la SNCF depuis des années revient en force : décaler les horaires de travail des salariés. « Jusqu’ici, cela avait eu un succès plutôt mitigé, observe Arnaud Aymé, du cabinet Sia Partners, mais désormais les entreprises ont intérêt à ce que les salariés soient rassurés en prenant les transports en commun ». Selon le consultant, l’étalement du pic du trafic entre 8h et 10h du matin (contre 8h30-9H30), permettrait d’atteindre 30% d’usagers en moins dans les trains.

Distanciation sociale « compliquée » également dans les TGV

En revanche, il sera « compliqué » de pratiquer la distanciation sociale dans les TGV, Thalys ou Eurostar, prévient Jean-Pierre Farandou, le PDG de la SNCF, qui espère arriver à 100% de TGV sur les rails au début de l’été et 50% en juin. Seul le « port du masque obligatoire » permettrait d’éviter le rationnement des sièges, a-t-il expliqué au Sénat le 15 avril. Garantir un espacement supérieur à un mètre, impliquerait de réduire au quart la capacité d’une rame, or les trains à grande vitesse ne sont rentables qu’au delà de 60% de taux de remplissage.

Des exemples pourraient être pris à l’étranger. En Corée du Sud, notamment, où la compagnie Korail maximise le nombre de personnes aux fenêtres et le nombre de banquettes doubles avec un seul siège réservé. Du gel hydroalcoolique est également offert dans les gares. La maire de Paris, Anne Hidalgo, veut installer des réceptacles de gels dans les trams et les abribus de la ville et devant les stations de métro. « Mais, la SNCF et la RATP n’y sont pas très favorables, glisse-t-on à la Région Ile-de-France, car cela risque de créer des attroupements et créer des nids à virus ». La RATP pourrait sinon s’inspirer de la ville de Shenzhen, en Chine, où des marquages au sol dans les bus, remplis seulement à 50%, aident à respecter les distances.

Des robots pour nettoyer les trains

Le nettoyage du matériel roulant reste crucial pour rassurer les voyageurs. En Espagne, TMB a recours à la projection d’ozone pour assainir ses bus. A Séoul, les équipes de nettoyage du métro ont été augmentées de 20% pour assurer la désinfection des rames et des tourniquets, tandis qu’à Hong Kong, ce sont des robots, contrôlables à distance, qui désinfectent en quatre heures un train de huit voitures, détaille le cabinet Sia Partners, dans une note sur le sujet.

En France, les entreprises ont également pris des mesures. SNCF Transilien met ainsi en place du nettoyage systématique chaque jour de ses trains, tandis que la RATP a doublé la fréquence du nettoyage avec 1.300 agents mobilisés par jour.

Le recours à la voiture individuelle

L’enjeu du retour à la confiance des voyageurs est immense pour les entreprises de transports et les pouvoirs publics. « Si la voiture individuelle est la grande gagnante, c’est que nous avons raté quelque chose », prévient Jean-Pierre Farandou, alors que des embouteillages monstres ont paralysé les rues à Pékin et à Wuhan au lendemain du déconfinement.

Afin d’éviter cela, la Fédération nationale des associations d’usagers (Fnaut) préconise « une hausse des taxes sur le carburant que facilitera la forte baisse du prix du pétrole. Les bénéfices de cette baisse doivent être partagés entre automobilistes et usagers des transports publics », précise l’association dans un communiqué. Pas sûr que le gouvernement osera suivre cette recommandation.