Le triple risque de la rentrée au bureau

Rentrée des entrepreneurs ce 26 août avec les deux journées traditionnelles organisées par le Medef à Longchamp. Coup de chance pour Geoffroy Roux de Bézieux, son président, il avait eu du nez en transportant l’Université d’été du Medef des bancs de HEC à Jouy-en-Josas à la tribune de l’hippodrome : il n’y a pas de meilleur endroit pour accueillir un tel rassemblement, en extérieur, en respectant les règles sanitaires. Mais à quoi va ressembler la rentrée dans les tours de bureaux ? Un simple chiffre illustre combien la persistance de la pandémie complique le jeu, notamment dans les immeubles de grande hauteur : si la Tour Maine-Montparnasse à Paris devait accueillir tous ses occupants le 1er septembre, pas moins de deux heures et demie seraient nécessaires pour les faire grimper à leur étage respectif en veillant aux normes sanitaires prévoyant seulement quatre personnes maximum par ascenseur ! Heureusement le télétravail est toujours officiellement « recommandé » par le protocole sanitaire mis en place dans les entreprises par la ministre du Travail. Cette rentrée hors-norme est cependant révélatrice d’un triple risque.

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A court terme, si les règles sanitaires s’imposent, elles sont génératrices de sous-productivité – on parle de 10 % dans l’industrie -, et le masque obligatoire partout sauf dans les bureaux individuels est révélateur d’un « climat de méfiance qui s’installe insidieusement », comme le regrette André Comte-Sponville dans le prochain numéro de Challenges. Jusqu’à quand allons-nous supporter d’être des zombies de couloirs ?

La tentation de « télétransformer » le contrat de travail

A moyen terme, si la mise en place ultra-rapide du télétravail en période de crise est une des heureuses surprises du confinement, sa généralisation montrerait les limites de l’exercice. Certes l’aspiration de cohortes de salariés à travailler chez eux souligne à la fois le gâchis des heures perdues en transport et en réunions inutiles, et la demande d’autonomie de tout un chacun. Voilà un beau défi de management ! Mais le télétravail n’est pas tout bénéfice. Les échanges par Zoom sont plus des modèles d’efficacité que de créativité. Et les employeurs n’assisteront pas sans réagir à la dispersion de leurs effectifs : sauf pour les entreprises les plus prospères, les surfaces de bureaux vont se rétrécir, et la tentation va bientôt surgir de « télétransformer » le contrat de travail. Combien de temps faudra-t-il pour que le télétravailleur soit invité à prendre le statut de « télé-auto-entrepreneur » ?

Enfin, la question la plus prégnante pour le « monde d’après » est l’adaptation du modèle de bureau en vigueur au XXe siècle. Déjà, deux grands du CAC 40 (Orange et Total), qui déménagent de leurs tours dans les prochaines années, revoient leurs plans à grande vitesse. Et le choix des campus du Crédit agricole ou de Dassault systèmes, sans immeuble de grande hauteur, sont des illustrations prémonitoires du « bon sens près de chez vous ». C’est le nouveau combat du Guillaume Poitrinal, l’homme qui, à la tête d’Unibail Rodamco, a construit des tours à La Défense, et qui s’est reconverti en entrepreneur-promoteur du « bureau encore plus sympa que chez soi », avec son projet de l’Arboretum (125.000 mètres carrés, un investissement de 650 millions d’euros entre la Seine et La Défense). Derrière le rêve, son incroyable constat : dans le « monde d’avant », personne ne s’était « jamais posé vraiment la question du bien-être de l’occupant » !

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