Les désinsectiseurs se mobilisent contre les punaises de lit

Elles prolifèrent dans la literie, le linge et les meubles, et leur présence dans une chambre ou un logement peut très vite virer au cauchemar. Les punaises de lit ont fait leur grand retour en France depuis 20 ans. Alors qu’elles avaient été presque éradiquées au milieu du XXe siècle, elles investissent à nouveau les habitations de l’hexagone. Une aubaine pour les entreprises de désinsectisation… mais surtout pour les moins scrupuleuses d’entre elles. Le gouvernement a annoncé ce jeudi 20 février un « plan de prévention et de lutte contre ces punaises de lit« . En ligne de mire: de la prévention, mais aussi une meilleure organisation des professionnels à travers une certification spécifique, en partenariat avec CS3D, la Chambre syndicale des industries de désinfection, désinsectisation et dératisation, c’est-à-dire des professionnels de la « gestion du risque nuisible », résume son porte-parole Stéphane Bras.

Face au fléau des punaises de lit, seul un professionnel peut venir à bout du problème. Selon le dernier rapport de branche, le secteur de « l’hygiène antiparasitaire » regroupe 850 entreprises, pour un marché d’environ 850 millions d’euros, détaille Stéphane Bras. CS3D regroupe 200 de ces entreprises, dont tous les grands groupes, soit 80% des techniciens du secteur. Mais ce marché attire aussi des escrocs: traitements fumeux, promesses intenables ou prix exorbitants… Et face à l’urgence, le consommateur désemparé s’oriente parfois vers la première entreprise venue. « Les punaises de lit sont un problème qui affecte les gens de manière urgente, c’est un petit peu le problème du serrurier le dimanche soir », soupire Stéphane Bras qui alerte aussi: attention aussi aux produits vendus en grande surface, pas toujours bien manipulés et souvent inefficaces voire contre-productifs.

Pour prévenir toute arnaque, le professionnel des nuisibles conseille d’ores et déjà de consulter CS3D pour trouver une entreprise, de comparer les devis, et de se méfier des solutions miracles. Il est déconseillé d’accepter un devis en ligne ou au téléphone (il faut se déplacer pour effectuer un diagnostic fiable) et la promesse d’un traitement efficace en une seule application d’insecticide ne sera probablement pas tenue. Le syndicat ne tient pas de liste noire des charlatans, « ces sociétés disparaissent aussi vites qu’elles apparaissent », mais veille au moins aux bonnes pratiques de ses adhérents.

Comité scientifique et technique

Outre la partie informationnelle du plan (campagne d’information, site et numéro dédié), le gouvernement veut donc structurer la filière. Afin d’orienter les victimes de punaises, le ministre du Logement Julien Denormandie, lui même concerné personnellement par le sujet, a signé ce vendredi 21 février un partenariat avec CS3D, pour la mise en place d’une certification spécifique. Toute personne manipulant des produits biocides doit déjà être certifiée, mais le principe est ici d’instaurer une forme de spécialisation en punaises de lit. Une instance scientifique et technique, composée notamment d’entomologistes devra voir le jour d’ici le 30 juin 2020 pour établir des protocoles-types de traitement, selon la nature et l’ampleur de l’infestation. Ce comité devra ensuite élaborer des formations spécifiques pour les techniciens. Toutes les entreprises certifiées seront alors répertoriées sur le site de CS3D. 

« Il y a déjà des protocoles de désinsectisation, mais là nous faisons un focus sur les punaises de lit. Il faut se doter d’interlocuteurs sérieux compte tenu de l’évolution de ce fléau ». En 2016-2017, CS3D avait enregistré 180.000 sites infectés, 400.000 en 2018-209 ; aujourd’hui, selon les premières remontées, Stéphane Bras note déjà une hausse de 35% des cas depuis les dernières données. Un chiffre qui ne reflète que les sites traités par les adhérents du syndicat… et donc forcément sous-estimé.

Conséquences économiques

Or si les punaises de lit ne sont pas mortelles, elles peuvent tout de même avoir de graves conséquences. Ces insectes minuscules (5 à 8 millimètres) se nourrissent de sang humain. Leurs piqûres provoquent notamment des démangeaisons mais peuvent aussi avoir des conséquences psychologique (trouble du sommeil voire dépression) ou même économiques. Difficile de donner une idée de prix pour un traitement, « c’est au cas par cas, il faut voir en fonction de la surface et de l’ampleur du problème », explique Stéphane Bras. Mais pour ce professionnel, une intervention (souvent en plusieurs fois) peut se chiffrer de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros, « jusqu’à 2.000/3.000 euros ». Un fléau qui affecte aussi particulièrement l’industrie du tourisme. « Quand on déconseille, sur internet notamment, un hôtel ou une ville à cause de punaises de lit, il peut y avoir des conséquences durables en termes de fréquentation », souligne Stéphane Bras.

Lui prône surtout une meilleure prévention. « La logique d’anticipation n’est pas dans les gênes en France, nous ne faisons toujours que du curatif », regrette le porte-parole de CS3D, pour qui il faudrait instaurer des contrôles réguliers dans les immeubles et les hôtels, comme on contrôle déjà les chaudières ou les ascenseurs. « Il faut une vraie prise en compte de ce risque lié aux nuisibles. Vu les conséquences pour l’économie, la santé… in fine ça coûterait moins cher à la société », tranche Stéphane Bras.

Comment les punaises ont réinvesti nos foyers
Pratiquement éradiquées au milieu du XXème siècle, les punaises de lit ont fait leur grand come-back en Occident à la fin des années 1990. En cause: les achats de vêtements et meubles d’occasion, l’explosion du tourisme, et le succès des locations de meublés pour les vacances. « En vingt ans, les punaises de lit n’ont fait que progresser en France. Au début leur développement est faible, mais à un certain seuil, elles se diffusent à grande échelle. Quand les transports sont touchés, ou les résidences d’étudiants (qui rapportent des punaises chez leurs parents), il y a un coup d’accélérateur dans la diffusion et là on est en plein dedans, analyse Stéphane Bras, porte-parole de la chambre syndicale des industries de désinfection, désinsectisation et dératisation. D’autant que certains insecticides ont été interdit, alors que les punaises peuvent aussi développer une résistance à certaines molécules ».

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