Les écoles de commerce dans une « impasse stratégique et financière »

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Le modèle français des écoles de management est au bord de l’implosion. C’est le constat tranché que fait une étude publiée, mardi 19 mars, par la Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises (Fnege) qui regroupe l’essentiel des business schools en France. En cause, l’homogénéisation du système autour d’un modèle normatif unique : le « tout recherche ».

Cette standardisation est due notamment à la course aux accréditations internationales, en particulier l’AACSB, l’AMBA et Equis, des labels qui garantissent la qualité pédagogique. Sur environ 13.670 écoles de commerce dans le monde, 58 ont la triple accréditation dont 13 sont françaises. « Cela a eu des effets très positifs depuis 15 ans, explique Jacques Thevenot, professeur à l’ICN Nancy et coordonnateur de l’étude, mais aujourd’hui, la concurrence nationale et internationale pose de gros problèmes aux institutions qui entrainent parfois une perte de sens. »

Harvard à l’origine de ce modèle unique

Selon la Fnege, cette convergence obligée vers un modèle inspiré par Havard, avec ses études de cas et sa recherche de très haut niveau, est tout simplement suicidaire. Outre l’obtention des accréditations, elle s’explique par les critères des classements internationaux comme celui du Financial Times. Tout cela conduit à une explosion des budgets, en particulier de la masse salariale. Toutes les business schools sont à la recherche de l’oiseau rare: ce professeur-chercheur qui publie dans des revues scientifiques cotées, maîtrise parfaitement l’anglais, rayonne dans sa discipline et accessoirement l’enseigne aux étudiants.

Cette course aux étoiles donne lieu à un « mercato » mondial entre écoles avec des surenchères sur les salaires et l’essor de professeurs-stars qui s’apparentent à des chasseurs de prime. « Les directeurs nous disent qu’ils ne savent plus par quel bout prendre le problème », témoigne Jacques Thevenot.

L’impasse du modèle français

Selon la Fnege, le modèle français fait face à une « impasse stratégique et financière ». Un modèle d’autant plus pénalisé que les écoles de commerce et les universités où se trouvent les laboratoires de recherche se sont longtemps ignorées. Pour éviter la déflagration, la Fondation suggère de modifier le système d’évaluation avec des normes et des critères différenciés selon les établissements. « Il faut réinventer beaucoup de choses, imaginer une offre segmentée différemment », indique Pierre-Louis Dubois, délégué général de la Fnege.

D’autres modèles d’évaluation sont possibles

Sans attendre, des écoles de taille moyenne ont commencé à repenser leur stratégie. En se spécialisant sur une thématique comme l’ESC La Rochelle et le tourisme ou sur un secteur économique comme l’aéronautique et la santé à Toulouse Business School ou encore sur les forces de son territoire comme le vin à l’ESC Dijon. « Les dimensions de qualité de l’enseignement et de la relation aux étudiants, la proximité avec les entreprises, les services rendus à la collectivité peuvent être traduites en critères d’évaluation » suggère l’étude de la Fnege.

Elle prend d’ailleurs en exemple le modèle d’évaluation des professeurs-chercheurs au Québec, d’une très grande transparence, qui valorise la qualité pédagogique au même niveau que le nombre des publications.


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