Pied de nez à l’Opep : la Côte d’ivoire annonce un doublement de sa production de pétrole

Pied de nez à l’Opep ? Alors que le cartel vient d’annoncer mercredi un accord en vue de réduire sa production, la Côte d’Ivoire vient d’indiquer que les volumes produits dans le pays ont doublé entre juin 2015 et juin 2016. A l’issue du conseil des ministres à Abidjan, le porte-parole du gouvernement Bruno Koné, a annoncé le même jour que sa production pétrolière atteignait désormais 45.000 barils/jour (b/j).
Le ministre a précisé que cette hausse était due à la mise en exploitation de nouveaux puits sur les champs Baobab (CI-40), Espoir (CI-26) et Marlin (CI-27) . Il a par ailleurs souligné que l’ambition de la Côte d’Ivoire de produire 200.000 b/j d’ici 2020 demeurait d’actualité.  Bruno Koné a également indiqué que la production de gaz du pays avoisine 235 millions de pieds cubique jour) soit une hausse de 4,20% par rapport à 2015 et supérieure de 10% par rapport aux prévisions. Précisons que les champs pétroliers ivoiriens sont essentiellement situés en off-shore près de la frontière avec Ghana.

Parallèlement l’Opep revigorait le moral des investisseurs en s’accordant sur une baisse de 1,2 million de barils par jour de sa production, le plafond étant désormais fixé à 32,5 millions de barils par jour. Certes les volumes ne sont pas comparables mais de telles annonces appellent à la vigilance quant à une réelle baisse des volumes mis sur le marché au niveau mondial.

En septembre dernier, le groupe gazier et pétrolier RAK Petroleum (Dubaï) a finalisé un investissement de 850 millions de dollars (755 millions d’euros) en Côte d’Ivoire, finalisant son programme de développement sur quatre ans du champ pétrolier et gazier du bloc CI-27, situé au large de Jacqueville, la cité gazière à l’ouest d’Abidjan. En plus du puits gazier exploité par la compagnie depuis 1998, qui approvisionne les centrales thermiques d’électricité du pays, cet investissement a permis la mise en production de nouveaux gisements gaziers.

Les investissements ont déjà permis d’augmenter la production de gaz naturel de 4 à 4,8 millions de mètres cubes par jour en août 2016, et celle de pétrole de 1 140 à 3 000 barils par jour. Néanmoins, ces éléments sont insuffisants pour permettre à la Côte d’Ivoire d’être auto-suffisante en gaz naturel. Les centrales du pays continuent d’importer du carburant HVO (heavy vaccum oil) pour compenser leur déficit.

La semaine dernière, le géant pétrolier français Total, l’Etat ivoirien et quatre autres entreprises pétrolières ont officiellement formé un consortium en vue de la construction d’un terminal de regazéification de gaz naturel liquéfié (GNL). Ce terminal doit répondre à une demande croissante d’électricité du pays.

Total sera l’opérateur du projet avec une part de 34%. Le terminal, dont le coût est estimé à 100 millions de dollars (94 millions d’euros), aura une capacité de trois millions de tonnes par an. Derrière Total, les actionnaires en sont la compagnie pétrolière nationale de l’Azerbaïdjan SOCAR avec 26%, les compagnies pétrolières nationales ivoiriennes Petroci (11%) et CI énergies (5%), l’anglo-néerlandais Royal Dutch Shell (13%) et les américains Golar LNG (6%) et Endeavor Energy (5%). La demande d’électricité en Côte d’Ivoire augmente de quelque 10% par an.

A l’heure actuelle, l’agriculture (dont le cacao) pèse pour 40% du PIB de la Côte d’Ivoire, première puissance économique d’Afrique de l’Ouest francophone. Le pays a connu une croissance moyenne de 8% sur les trois dernières années et ambitionne d’être un pays émergent en 2020.

Mais les retombées de ces performances économiques ne semblent se répercuter sur la population. Des millions d’Ivoiriens demeurent dans une extrême pauvreté. Aussi, les denrées alimentaires de première nécessité ne cessent d’être hors de prix. Certains observateurs redoutent également que la malédiction du pétrole ne frappe le pays, des tensions pouvant se raviver autour des zones de production. Rappelons que la Côte d’Ivoire et le Ghana ont évité de justesse un conflit frontalier qui avait pour origine l’accès aux réserves pétrolières.

En mai 2015, après cinq ans et de nombreuses tentatives de conciliation bilatérale, la  Côte d’Ivoire et le Ghana  ont pu annoncer un accord sur le tracé de leur frontière maritime.

Le 25 avril 2015, le Tribunal international du droit de la mer (TIDM), installé à Hambourg en Allemagne, avait ordonné l’interdiction provisoire de forer de nouveaux puits de pétrole dans la zone contestée. Les deux pays « doivent poursuivre la coopération et s’abstenir de toute action unilatérale qui pourrait conduire à une aggravation du conflit », insistait par ailleurs l’instance internationale.

Dans son arrêt, le tribunal ne s’est pas prononcé sur le fond de l’affaire, il devra trancher de façon définitive sur le litige frontalier en 2017.

L’enjeu est considérable pour les deux pays qui cherchent à accroître leur production pétrolière. Selon les experts, le territoire litigieux pourrait renfermer environ deux milliards de barils de pétrole, ainsi qu’une quantité importante de gaz.

Sources : AFP, Presse Africaine, Le Monde

Elisabeth Studer – 1 décembre 2016 – www.leblogfinance.com

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