Pipeline Iran/Pakistan : Islamabad demande le soutien financier de Téhéran

Affaire à suivre de près alors que des voix de plus en plus nombreuses laissent entendre que le conflit actuel en Syrie et le dégel des relations Etats-Unis/Iran  sont fortement liés au gaz et au pétrole, et tout particulièrement aux pipelines oeuvrant pour leur transit.
Le Pakistan vient de demander à l’Iran 2 milliards USD en vue de financer sa propre portion d’un gazoduc on ne peut plus stratégique, faisant fi des sanctions américaines. Selon le ministre pakistanais du pétrole, Shahid Khaqan Abbasi, plan et tracé de la portion pakistanaise seraient d’ores et déjà élaborés … mais le plus dur reste à faire, à savoir : le lancement – concret – des travaux sur le terrain, alors qu’en mars dernier, les présidents iranien et pakistanais avaient inauguré le chantier de la partie pakistanaise du pipeline.

Si le Pakistan a ouvertement exprimé son souhait de rencontrer la partie iranienne d’ici la fin du mois d’octobre en vue d’aborder la question financière, les Iraniens n’a pas encore répondu à sa requête.

Précisons que le pipeline – dont le coût de construction est évalué à 7,5 milliards de dollars – doit relier sur 1.800 kilomètres le champ gazier iranien de South Pars – situé en offshore – et Nawabchah, au nord de Karachi, la métropole économique pakistanaise.
La chaîne publique iranienne Irib avait quant à elle indiqué en mars dernier que la construction des 900 km de la partie iranienne du gazoduc était achevée, ajoutant que les 780 km traversant le territoire pakistanais demeuraient à construire. A cette date, Téhéran avait accepté de prêter 500 millions de dollars à Islamabad, soit le tiers du coût estimé de la portion pakistanaise.

Mais le Pakistan est actuellement confronté à des problèmes financiers pour pouvoir poursuivre la construction du tronçon le concernant, lequel devrait lui permettre d’acheminer à terme, en 2014, 21,5 millions de mètres cubes de gaz par jour à partir de son voisin iranien.
L’affaire pourrait prendre une ampleur financière importante dans les prochains mois, Islamabad pouvant être amené à verser des indemnités à Téhéran si le Pakistan ne parvient pas à achever avant décembre 2014 la partie du gazoduc qui lui revient.

Tendant la perche à Téhéran, le ministre pakistanais a par ailleurs précisé que les délais pourraient être respectés si l’Iran mettait la main au portefeuille. Laissant toutefois entendre que les biens précieux subsides devraient être rapidement mis rapidement sur la table pour pouvoir assurer la disponibilité des équipements techniques nécessaires à la réalisation du pipeline.

–  Un dossier stratégique soumis à de fortes pressions US

Reste que Washington voit la « chose » d’un très mauvais œil. Le projet, qui a vu le jour dans les années 1990, a longtemps été différé, du fait notamment des pressions exercées par les Etats-Unis sur le Pakistan et sur l’Inde, laquelle était initialement partie prenante au sein du projet IPI (Iran – Pakistan – Inde). 

Depuis maintenant une décennie, les Etats-Unis ont tenté de lier le dossier aux sanctions prises contre le programme nucléaire controversé de l’Iran, mettant en garde contre les risques de même ordre que pourraient engendrer une éventuelle participation.
Face à de telles pressions, New Delhi s’est retiré du projet en 2009, faisant valoir des aspects financiers et des problèmes de sécurité. Après avoir préalablement signé un accord nucléaire avec Washington.
Néanmoins, soutient aujourd’hui Shahid Khaqan Abbasi, les Etats-Unis n’auraient pas évoqué l’épineux dossier de ce pipeline « à quelque niveau que ce soit ».

Reste qu’en juillet 2012, lors d’un entretien avec les médias pakistanais, l’ambassadeur américain à Islamabad, Cameron Munter, avait exprimé l’inquiétude de Washington de voir le projet du gazoduc transitant le gaz iranien vers l’Inde, via le  Pakistan, se réaliser. Proposant parallèlement au gouvernement pakistanais de s’associer avec le Turkménistan – et non plus avec l’Iran – au sein du projet de construction du pipeline TAPIO.

En mars dernier, Mahmoud Ahmadinejad, alors président iranien avait accusé des « éléments étrangers » de chercher à nuire aux relations de l’Iran avec le Pakistan. Ajoutant : « je veux dire à ces gens que le gazoduc n’a aucun lien avec le dossier nucléaire« . Et poursuivant : « on ne peut pas fabriquer des bombes atomiques avec du gaz naturel. C’est pourquoi ils ne devraient avoir aucune raison de s’opposer à ce gazoduc. »
Tentant ainsi de dissocier géopolitique et dossiers énergétiques … ce qui ne s’est jamais vu, ne rêvons pas.
La porte-parole du département américain d’Etat n’avait quant à elle aucunement cherché à oeuvrer dans ce sens, indiquant même que si ce projet allait de l’avant, un déclenchement de sanctions serait fort probable.

 – La crise énergétique pakistanaise dans la balance

Mais le Pakistan n’aura peut-être pas les moyens de sa politique. En effet, le pays est actuellement confronté à une baisse de sa production de gaz naturel, problème d’autant plus crucial que sa demande intérieure a plus que doublé.
Pour faire face à cette pénurie, les stations services vendant du gaz naturel compressé (CNG), carburant low-cost utilisé par les taxis, les autobus, les motos et les automobilistes de la classe moyenne fermeront leurs portes de novembre à janvier prochain.  Les volumes ainsi économisés devraient permettre d’obtenir d’assurer le chauffage des maisons pendant l’hiver.  A l’heure actuelle, le Pakistan limite d’ores et déjà l’ouverture des pompes à quelques jours seulement par semaine, provoquant de longues files d’attente et des mouvements d’irritation de la population.

 – La Chine avance ses pions

Mais la Chine pourrait être tentée de profiter de l’occasion pour avancer de biens stratégiques pions sur l’échiquier énergétique mondial …. à moins que cela ne soit déjà fait …
En mars dernier, les  autorités chinoises ont en effet annoncé leur soutien financier au gazoduc reliant l’Iran au Pakistan. Pékin proposant alors aux autorités pakistanaises de leur octroyer un crédit de 500 millions de dollars en vue de mettre en œuvre le gazoduc. Le quotidien pakistanais Tribun ajoutant alors  que le solde de 500 millions de dollars nécessaires à l’achèvement du projet, pourrait être financé par les taxes payées par les consommateurs. Le journal ajoutant également qu’une firme chinoise  fournissait les équipements nécessaires, ainsi que les compresseurs et des turbines.

– Le Qatar aussi dans la bataille

Le Qatar qui partage avec l’Iran le plus gros champ gazier du monde, a tenté lui aussi de dissuader  le Pakistan de s’engager dans un tel projet en lui proposant de lui vendre 2 millions tonnes de gaz liquéfié naturel à un prix inférieur à celui des marchés. Transaction qu’Islamabad a néanmoins refusé.

Sources : AFP, Reuters, Presse pakistanaise

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 10 octobre 2013


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