Pourquoi Bernard Tapie est encombrant pour Nicolas Sarkozy

Bernard Tapie, boulet de Nicolas Sarkozy, le retour. A cause de lui, l’un des derniers chapitres de « La Chute de la Maison Sarkozy » est peut-être en train de s’écrire. La Cour d’appel de Paris vient en effet de décider la rétractation de l’hallucinante sentence rendue en faveur de l’homme des affaires le 7 juillet 2008, lui attribuant 408 millions d’euros à titre de dédommagement dans le cadre du litige qui l’opposait au Crédit Lyonnais au sujet de la revente d’Adidas.

Où l’on va reparler des relations Tapie-Sarkozy.

Depuis six ans, cet arbitrage étonnant a toujours été contesté, au point de se retrouver au cœur d’une enquête pénale dans laquelle six personnes, dont Bernard Tapie, son avocat, Maurice Lantourne, et l’un des juges, Pierre Estoup, ont été mis en examen pour escroquerie en bande organisée. On peut ajouter à cette liste celui qui était alors le directeur de cabinet à Bercy, aujourd’hui président d’Orange, Stéphane Richard, et l’actuelle directrice générale du FMI, alors ministre de l’Économie, Christine Lagarde, qui fait l’objet d’une procédure devant la Cour de Justice de la République pour « négligence ». Bien évidemment, ces personnages en évoquent un autre, celui dont l’ombre insistante plane sur cette affaire depuis ses débuts : Nicolas Sarkozy.

On sait que durant la période précédant la décision arbitrale favorable à Bernard Tapie, ce dernier fut souvent un visiteur du soir de l’Elysée. Mais l’homme d’affaires a toujours proclamé que s’il venait là, ce n’était pas pour y rencontrer Nicolas Sarkozy, mais d’autres personnages.

Bernard Tapie est « encombrant » pour Nicolas Sarkozy.

L’affaire revenant à la case départ de la Justice, la saison 5 (ou 6 ? Ou 7 ? On ne sait plus très bien, il y a eu tant) de l’aventure s’engage. Encore et toujours Bernard Tapie, de nouveau en vedette. On imagine déjà que le personnage, avant le nouveau procès prévu dans quelques mois, ne manquera pas de se ruer sur les plateaux de télévision. Pour s’expliquer. Pour se justifier. Pour s’innocenter.

Tapie a toujours considéré qu’un plateau du 20 heures était valait salle d’audience correctionnelle. A ses yeux, convaincre David Pujadas ou Gilles Bouleau, sur France 2 ou TF1, à grands coups de menton et de petits arrangements avec la réalité, c’est déjà gagner le procès. Depuis l’affaire OM/VA de 1993, cette tactique confusionnelle lui a apporté bien plus d’ennuis que de faveurs, mais peu importe, il continue.

Tapie est de ceux qui pensent que la télé, c’est leur affaire. Il pense qu’il la maîtrise, qu’elle est son amie alors qu’en vérité, elle le dessert. Impitoyable télévision qui toujours révèle la vérité des prestidigitateurs qui pensent que leurs trucs ne se voient pas alors que l’on ne voit que ça. Les interventions de Tapie à la télévision quand il est mis en cause, d’une façon ou d’une autre par la Justice, c’est du perdant/perdant/perdant. La majorité de l’opinion, qui le suit depuis trente ans, connaît son bonhomme ? Cela énerve les juges appelés à se prononcer sur son cas. Enfin, cela nuit collatéralement à d’autres acteurs de l’affaire, directs ou indirects.

Donc, Bernard Tapie va, encore, faire parler de lui. Et l’épineux sujet de sa relation avec Nicolas Sarkozy va de nouveau être débattu, discuté, disputé. Que savait le Chef de l’Etat en 2008 ? Que lui avait-on dit ? Et pourquoi Tapie venait-il à l’Elysée ? Questions déjà posées, depuis six ans, et qui vont l’être de nouveau.

Mélange des genres

L’ancien président de la République peine à s’imposer à une opinion publique peu enthousiaste de l’avoir vu revenir en politique, au point qu’il continue d’accumuler les erreurs, comme en atteste la conférence à Abu-Dahbi en pleine crise interne à l’UMP. Du coup, il aurait bien besoin de présenter un visage empreint d’humilité et de modestie, mais voilà que Bernard Tapie va rappeler à la France entière que les années Sarkozy furent assimilables aux années Tapie.

Le nom de Sarkozy de nouveau associé à celui de Tapie, ce n’est pas une bonne affaire pour l’ancien président -qui aspire à le redevenir. Dans une France suspicieuse et soupçonneuse, la relation entre les deux hommes de pouvoir, sur fond d’opération louche, n’est pas de nature à ranimer dans l’électorat, notamment l’électorat populaire, ce sentiment que l’on nomme confiance.

On s’interroge : combien d’électeurs, de l’UMP ou d’ailleurs, tentés par le vote Front national, sont prêts à croire sur parole que Bernard Tapie venait à l’Elysée en un temps où jouait son affaire d’arbitrage, mais qu’il n’y rencontrait pas Nicolas Sarkozy ?

Ce n’est pas seulement la vérité que Nicolas Sarkozy doit redouter avec le retour de Bernard Tapie sous les feux de la rampe judiciaire, mais aussi et surtout le bruit médiatique que cela va engendrer, inévitablement.

Qui dira « Sarkozy » dira « Tapie ». Qui entendra « Tapie » pensera « Sarkozy ». Encore eux. Toujours eux. On prend les mêmes et on recommence. Comme une histoire dont on désespère de voir la fin parce que l’on connaît les personnages et les rebondissements par cœur. Mélange des genres. Association des noms. Assimilation des destins. Confusion des peines ? 


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