Pourquoi le lancement raté de Galileo va coûter cher à l’Europe

Programme maudit, Galileo ? Après les multiples retards et surcoûts qui ont jalonné ce projet à 5 milliards d’euros, le « GPS européen » a connu un nouveau coup dur vendredi 22 août avec l’échec du lancement des deux premiers satellites opérationnels par une fusée Soyouz, qui les a placés sur une orbite trop basse. Cette opération ratée, probablement dû à un problème de l’étage supérieur Fregat du lanceur russe, risque de rendre ces satellites au mieux partiellement inopérants, au pire totalement inutilisables. Si ceux-ci disposent d’un système de propulsion pour les maintenir sur la bonne orbite, ces propulseurs chimiques ne sont pas conçus pour rattraper un écart de plusieurs kilomètres.

Le risque est donc grand de voir ces deux bijoux technologiques, estimés à 40 millions d’euros pièce, passer par pertes et profits. Certes, le système Galileo doit intégrer à terme trente satellites en orbite, dont trois de rechange, ce qui relativise la perte de deux machines. Mais le coup reste rude : en intégrant le prix du lancement de Soyouz depuis la Guyane, 70 millions d’euros environ, la facture totale pourrait s’élever à 150 millions d’euros pour la Commission européenne et l’Agence spatiale européenne (ESA) s’il faut fabriquer et en lancer deux nouvelles.

Les institutionnels s’assurent rarement

Le problème, c’est que l’Europe ne pourra pas se retourner vers les compagnies d’assurances pour compenser le préjudice financier. « Les satellites institutionnels ne sont que rarement assurés, souligne Pascal Lecointe, spécialiste des risques spatiaux chez l’assureur Hiscox. Ce budget n’est pas intégré dans les financements de départ. » Interrogé par Challenges, un porte-parole de l’ESA confirme que les satellites Galileo ne font pas l’objet d’une assurance.

Le marché de l’assurance spatiale, qui a représenté 750 millions de dollars en 2013, reste donc focalisé sur les satellites de télécommunications des grands opérateurs (Intelsat, SES, Eutelsat…), qui peuvent assumer des primes d’assurances représentant 20% du coût total d’un satellite sur sa durée de vie.

Une trentaine de compagnies (SpaceCo, Hiscox, Axa, Marsh…), assurent ainsi environ trente satellites par an, la plupart du temps en pools, au regard de l’importance des sommes en jeu. « La valeur assurée typique d’un satellite est de 250 à 350 millions de dollars, construction, lancement et assurances comprises », calcule ainsi Pascal Lecointe. En cas de pépin, le remboursement peut concerner l’intégralité de la valeur du satellite s’il est inutilisable, ou un pourcentage de ce chiffre s’il peut être utilisé partiellement. L’ESA, elle, devra donc faire sans cette protection financière. « Il n’y a pas besoin de 30 satellites pour avoir un système totalement opérationnel », relativise un porte-parole de l’agence.


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