Rafale : échec au Brésil

Comme nous le redoutions en fin de semaine dernière, le Brésil vient de retoquer le rafale de Dassault. Le gouvernement brésilien vient en effet de choisir le Gripen du suédois Saab en réponse à l’appel d’offres concernant l’achat de 36 avions de combat. La transaction représentant une valeur de 4 milliards de dollars. Une déconfiture d’autant plus cinglante pour l’avionneur français que Nicolas Sarkozy avait pu un temps annoncer  que l’affaire était dans le sac.

Mais l’aventure semble bien devoir s’achever là. Le ministre brésilien de la défense, Celso Amorim, vient en effet d’annoncer mercredi soir l’acquisition de 36 avions de chasse Gripen. « Nous avons procédé à une analyse de la situation, et nous sommes parvenus à la conclusion que l’avion que nous devions acheter est le Gripen NG Gripen NG » a-t-il ainsi déclaré.
Justifiant son choix par la recherche de « l’équilibre » entre la performance de l’avion, le transfert de technologie et son coût. Sans toutefois accepter de dévoiler le classement final entre les appareils de Saab, de Boeing et de Dassault, ces trois sociétés ayant répondu à l’appel d’offres.
Reste que ce pourrait être bien le prix demandé par la France qui aurait fait tousser le Brésil.

« La France n’emportera pas un contrat d’avions de chasse de plusieurs milliards de dollars avec le Brésil, car son offre est trop chère », avait ainsi laissé entendre samedi le quotidien brésilien Folha de São Paulo. Ajoutant que la somme de 4 milliards de dollars (2,9 milliards d’euros) avancée par Dassault était jugée trop élevée. La presse brésilienne affirmant dès cette date que le Brésil aurait écarté l’appareil conçu par Dassault, et ce en faveur des avions proposés par les Etats-Unis et la Suède.

Alors que les élections générales de 2014 approchent à grands pas au Brésil, Dilma Roussef a pu également être tentée de choisir la solution la moins onéreuse. Ses adversaires critiquant d’ores et déjà son gouvernement en raison des sommes importantes engagées par le pays pour le Mondial de football, dont le coût est estimé à huit milliards d’euros.

Suite à l’annonce de sa mise à l’écart, Dassault Aviation a fait part quant à lui sa déception. Dans des propos que certains pourraient qualifier de mauvais perdants, l’avionneur a par ailleurs précisé regretter que le Brésil se soit tourné vers le Gripen, pointant du doigt le fait que l’appareil suédois soit « doté de nombreux équipements d’origine tierce, notamment américaine ». Dassault a par ailleurs tenu à relever que le Gripen n’appartenait pas à la même catégorie que le Rafale. « Monomoteur et plus léger, le Gripen n’est pas équivalent en termes de performances et donc de prix », a au final conclu le constructeur français. Histoire de dire que les deux appareils ne « jouaient pas dans la même cour ».

Précisons que l’appareil français était un temps placé parmi les favoris, Nicolas Sarkozy ayant même pu considérer la vente comme acquise en 2009 … …. avant que le gouvernement de la présidente Dilma Rousseff ne reporte sa décision suite aux coupes budgétaires mises en oeuvre pour 2011.

En septembre de la même année, la dirigeante brésilienne avait indiqué à Nicolas Sarkozy en marge de l’assemblée générale des Nations Unies à New York que le Brésil n’était « pas en mesure de s’engager sur l’achat d’avions de guerre » . « Si choix il devait y avoir, il se ferait en faveur du Rafale », s’était toutefois alors engagée la présidente. Dassault Aviation affirmant parallèlement être prête à faire d’importantes concessions , le constructeur ayant déclaré qu’il était prêt à « transférer 100% de l’ensemble des technologies civiles et militaires du Rafale au Brésil » en cas de victoire finale.

Mais les liens très étroits établis entre Saab et le brésilien Embraer et le pôle aéronautique de la région de São José dos Campos, près de São Paulo auront très certainement pesé dans la balance. Boeing faisant quant à lui les frais des affaires d’espionnage concernant le Brésil, récemment mises en avant par Edward Snowden.

Reste que si les adversaires du Gripen font valoir que l’appareil contient des pièces de fabrication américaine, et que par conséquence le transfert de technologie pourrait être plus complexe qu’il ne paraît compte-tenu des aspects sécuritaires, Celso Amorim a d’ores et déjà affirmé qu’une telle situation ne devrait pas poser de problème majeur en ce qui concerne la turbine, fournie par General Electric. Ajoutant : « nous avons de bonnes relations avec les États-Unis. Il n’y aucun souci de ce côté-là ».

Il convient toutefois de préciser que la production du Gripen NG n’a pas encore commencé … Si cela pourrait en inquiéter plus d’un, le contexte semble satisfaire les Brésiliens … lesquels espèrent être associés au développement du projet. Se voulant fort optimiste, le ministre brésilien a déclaré pour sa part être confiant sur le bon fonctionnement – futur – de l’appareil. On en espérait pas moins d’un pays déboursant la bagatelle de 4 milliards de dollars pour un « achat sur plan », en quelque sorte.

Les livraisons devant intervenir entre 2018 et 2023. D’ici là, Gripen pourrait fournir des appareils de deuxième main pour remplacer le 12 Mirage 2000 – qui ne seront plus opérationnels à partir de la fin de l’année 2013 – et les F5 modernisés par Embraer.

Rappelons par ailleurs que fin septembre, les sénateurs helvétiques ont – au grand dam du constructeur du Rafale – donner leur approbation à l’achat du Gripen, concurrent direct de l’appareil de Dassault en réponse à un appel d’offres. Le Conseil des Etats a ainsi accepté de libérer le crédit de 3,126 milliards de francs suisses (l’équivalent de 2,6 milliards d’euros) en vue d’acquérir 22 avions de combat Gripen au groupe suédois Saab. Lesquels sont destinés à remplacer les F-5 Tiger.

C’est au final, le prix qui aura permis de départager les différents concurrents, le Gripen s’avérant moins coûteux que le Typhoon, conçu par le consortium Eurofighter (BAE, Finmeccanica et EADS ), et le Rafale de Dassault Aviation.

Il n’en demeure pas moins que le Gripen avait obtenu de mauvaises notes lors de ses évaluations. Lesquelles auraient dû rester confidentielles …. mais ont été publiées par la presse, laquelle a parallèlement mis en doute le processus ayant abouti à la sélection de l’avion de Saab.

Un rapport d’une sous-commission parlementaire avait émis de sérieuses réserves au sujet du contrat Gripen, sans pour autant le remettre en cause. “Le choix de l’appareil opéré par le Conseil fédéral est celui qui comporte le plus de risques – de nature technique, commerciale, politique, financière ou en lien avec le respect du calendrier”, avait-il souligné.
Mais Saab – qui a impérativement du contrat suisse pour continuer le développement de son Gripen – a su faire les concessions qu’il fallait, notamment en matière industrielle, en vue de gagner la bataille …. mais peut-être pas la guerre.

«Pourquoi est-ce qu’on achète le Gripen? A cause des retombées économiques pour l’industrie de l’armement. Donc, on achète un avion inutile et inutilisable à cause de ses basses performances pour aider une industrie en difficulté», a résumé le conseiller national Jacques Neirynck (PDC/VD), lors d’une conférence de presse à Berne le 6 novembre dernier.

Réservons le mot de la fin à Eric Trappier, le patron de Dassault Aviation, lequel avait déclaré lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense que les Suisses en achetant le Gripen  « admettent eux-mêmes qu’ils se déclassent en division d’honneur. Leur choix stratégique est de faire semblant d’avoir une aviation de combat tout en achetant le modèle le moins cher ». Ajoutant : « tant que l’on ne fait pas la guerre, ce n’est pas très grave”.

Sources : ats, Reuters, AWP, Opex360

Elisabeth Studer – 18 décembre 2013 – www.leblogfinance.com

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