Recrutement des cadres: les candidats ont la main sur le marché

Challenges – Quelle est la tendance 2020 pour le recrutement des cadres?

François Leverger – Toutes les fonctions cadres sont en tension, ce qui est extrêmement favorable pour les candidats. Et plus ça va, plus cela se tend, du fait de la conjonction du départ à la retraite des babyboomers, de la conjoncture économique et de la mue digitale.

Tout le monde est à la fête donc?

Non. Les jeunes mettent encore un an en moyenne à trouver un CDI de cadre. Quant aux plus de 50 ans, ils connaissent un taux de chômage élevé du fait du jeunisme ambiant. J’espère que le pouvoir politique va s’emparer de ce sujet-là, qui reste une exception française, comme il l’a fait sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.

En quoi la dynamique actuelle du marché modifie-t-elle les modalités du recrutement?

Ce « marché de candidats » oblige les employeurs à changer de méthode. En quelques années, ces derniers sont passés d’une situation où ils faisaient la loi à la nécessité de séduire les cadres en déployant leur « marque employeur », avec toute la dimension un peu publicitaire que sous-entend le concept. Aujourd’hui, ils doivent vérifier que ce qu’ils disent d’eux-mêmes au moment du recrutement correspond à la réalité. Sinon les gens s’en iront. Cela suppose de donner beaucoup plus d’informations qu’auparavant.

Le recrutement deviendrait-il une sorte d’exercice de vérité, voire d’introspection?

Absolument. Dans le contexte actuel, le pire pour une entreprise serait de vouloir ressembler à celle d’à côté. L’employeur doit donc s’interroger en profondeur sur ce qui fait sa singularité. Du coup, lors du recrutement, les processus s’inversent: la discussion porte d’abord sur l’entreprise, puis sur le candidat. C’est pour cela que les managers opérationnels y participent de plus en plus. Contexte du poste, vie au quotidien, projets, collègues… Tout est abordé. Parfois d’ailleurs, cela met vite fin aux discussions.

Dans ce marché tendu, la volatilité des cadres va-t-elle devenir la règle?

Le marché est entre leurs mains. Si l’entreprise n’est pas capable de les faire évoluer, leur temps de passage entre ses murs sera bref. A l’opposé, les carrières longues existeront toujours dans les entreprises qui ont déjà une idée, lorsqu’elles recrutent quelqu’un, de sa mission suivante.

Quels sont aujourd’hui les profils les plus recherchés?

Dans ce marché en tension, les entreprises misent de plus en plus sur les soft skills (adaptabilité, capacité à apprendre ou à gérer des hommes…). Tout le monde est à la recherche de profils en T, avec des compétences très larges, mais aussi un niveau d’expertise important sur certains sujets. Soit des personnes capables de passer d’un sujet à l’autre, de gérer un projet A puis un projet Z, voire les deux en parallèle. Avant, ils étaient recherchés pour les postes de direction. Désormais, cette demande concerne tout l’encadrement.

Est-ce pour cela que la stature personnelle au moment du recrutement devient essentielle?

Absolument. Aujourd’hui, plus que des diplômés, l’entreprise recherche des personnalités. Dans les offres d’emploi que nous voyons passer en ce moment, la curiosité, l’ouverture d’esprit sont parmi les qualités les plus prisées. D’ailleurs, si j’avais un conseil à donner à un(e) candidat(e), je lui dirais qu’il/elle doit mettre en avant sa capacité à s’adapter dans son parcours et à gérer des projets multi-facettes. C’est ça, la compétence rare que les entreprises recherchent. Et c’est ce qui fait la différence au moment du choix final.

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