Renault: l’héritage Ghosn en question

Le cours de l’action Renault a encore baissé en début de semaine sur la foi de rumeurs sur un divorce d’avec Nissan. Même si l’information a été démentie avec force par Jean-Dominique Senard, le président, le titre n’est pas remonté, entraînant la question qui est sur toutes les lèvres : pourquoi le cours de Renault (tout comme celui de Nissan) a-t-il autant reculé ces quatorze derniers mois ?

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Le constat fait par Carlos Ghosn au cours de sa tonitruante conférence de presse du 8 janvier – « La capitalisation de Renault perd 20 millions par jour » – ne souffre pas de doute. Mais l’origine de cette chute n’est pas forcément dans la « destruction de l’image des deux entreprises » liée à l’arrestation du patron déchu, comme celui-ci le laisse entendre. En réalité, la Bourse avait déjà sanctionné Renault de près de 40% dans les six mois qui ont précédé l’incarcération du PDG, le 18 novembre 2018, une chute qui s’est effectivement prolongée (- 37%) depuis, alors que tous les autres grands constructeurs, sauf Nissan (également – 37%), connaissaient, il est vrai, une évolution inverse : PSA a ainsi progressé de 5% depuis, tandis que le groupe Volkswagen bondissait de près de 30% !

« Bourrer les concessions américaines »

L’année 2018 a marqué en fait un tournant pour l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Si Carlos Ghosn pouvait se féliciter d’avoir porté le groupe à la première place mondiale des constructeurs automobiles, la trace de cette offensive commerciale, notamment aux Etats-Unis, s’est profondément fait sentir dans les comptes de Nissan, et par ricochet dans ceux de Renault : « Il fallait bourrer les concessions américaines pour maintenir la part de marché au-delà des 8% », se souvient un allié du groupe japonais.

Et même si Beyrouth « n’est pas le lieu pour parler de Renault », Carlos Ghosn ne s’est pas privé de dire que face aux difficultés, « ses solutions seraient très différentes ». Bien sûr, il pensait au pilotage de l’Alliance – « le consensus ne fonctionne pas » – mais aussi aux différents moyens de « création de valeur ». Car celle-ci a effectivement chuté, et la restauration d’un flux de trésorerie positif – il était devenu devenu négatif au premier semestre 2019  – n’est pas garantie pour l’année complète 2019. Cette soudaine faiblesse a effectivement peu à voir avec l’ère Ghosn. Mais sur des sujets plus structurels et récurrents – incapacité de vendre la marque Renault au prix de Peugeot ou Volkswagen, dégringolade du haut de gamme, retard dans l’électrique, quasi-absence en Chine -, Carlos Ghosn aurait tort de s’exonérer de toute responsabilité.

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