Savoir pivoter : pourquoi Baracoda a finalement choisi le BtoB

Au CES de Las Vegas, en janvier, son miroir connecté CareOS a fait fureur. C’est la directrice de la communication de Baracoda, Chloé Szulzinger, qui s’est chargée de la démonstration. Dans le miroir, elle vérifie d’un seul coup d’œil la météo, l’état de sa peau, sa consommation d’eau sous la douche, la qualité de sa vision, avant de regarder quelle tête elle aurait si elle changeait de couleur de cheveux. Puis, elle joue avec sa brosse à dents connectée à un jeu de réalité virtuelle qui apprend aux enfants à bien se brosser les dents. Autant de possibilités imaginées par Baracoda, un groupe industriel français qui conçoit et produit des objets connectés axés sur la santé et le bien-être. Inconnu du grand public, il compte déjà 200 salariés et réalise presque 20 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Le B to C a été « une grosse erreur »

Fondé en 2001 par Thomas Serval, Matthieu Delporte et Olivier -Giroud, incubé à Télécom ParisTech, Baracoda a connu des débuts aussi fulgurants qu’hésitants. Le nom provient de sa première invention : des lecteurs Bluetooth de codes-barres pour identifier les objets. Dans la foulée, l’entreprise a lancé le premier produit « live radio » en partenariat avec Orange et d’autres initiatives dans l’IoT (Internet des objets) avec plus ou moins de succès. Lassés, les fondateurs revendent leur entreprise en 2010 par morceaux : les codes-barres sont récupérés par Ingenico, le bureau d’études Kaertech part à Hong-kong. Les trois confrères entament une deuxième carrière dans des grands groupes de la tech. Pourtant, ces curieux entrepreneurs suivent l’évolution de leurs anciens actifs, devenus des bureaux d’études en panne d’innovation et décident finalement de les racheter. « C’était des boîtes de services, ça ne valait pas grand-chose », élude le PDG, Thomas Serval.

En 2014, ils se lancent dans un nouveau projet phare : Kolibree, la première brosse à dents connectée, après une levée de fonds de 4 millions de dollars auprès de CapHorn Invest, Dental Investment Group for Health et Seb Alliance. Les ventes décollent. « Pourtant, s’adresser directement aux consommateurs a été une grosse erreur, c’est trop coûteux de faire connaître une marque », analyse Thomas Serval a posteriori. Les entrepreneurs pivotent. La brosse à dents sera vendue en marque blanche à des groupes, dont Colgate et l’assureur dentaire Delta Dental aux Etats-Unis. « Les assurances vont financer l’IoT de santé dans le futur, anticipe le PDG. Les soins préventifs chez soi permettent d’économiser sur les soins dentaires très coûteux. »

Royalties sur les brevets

Désormais, Baracoda se présente donc comme une plateforme logicielle. Wella, le groupe allemand de cosmétique, avec qui il développe un prototype de miroir connecté, est « ravi de ce partenariat et du système de plateforme qui permet une meilleure adaptation aux besoins des clients ».

Les prochaines idées sont préparées dans l’incubateur maison. Comme Séraphin, un terminal à lumière orange sur écran développé avec l’Hôtel-Dieu, qui améliore la qualité des nuits en mesurant l’apnée du sommeil ou les ronflements. Autre atout, Baracoda mise sur l’intelligence artificielle. « Détecter que la vue baisse à partir des plissements des yeux ou dire où doit aller la brosse à dents à 1 centimètre près, ça repose sur de l’IA. » L’entreprise se rémunère sur les royalties qu’elle touche de ses brevets. Enfin, elle défend la privacy by design, soit le fait que les données sont conservées par l’utilisateur et ne se baladent pas dans le cloud ou ne sont pas fournies aux assureurs et clients. Un sérieux atout en 2019.

Les chiffres clés de Baracoda

100 millions
d’euros de valorisation.

20 000 euros,
le prix d’un miroir connecté pour l’industrie.

30
brevets environ.

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