Sous-marins vendus à la Malaisie : mise en examen de l’ancien patron de la DCNI

Malaise autour de la Malaisie ? L’ancien président de la DCNI, filiale internationale de la Direction des constructions navales (DCN), Dominique Castellan, a été mis en examen pour corruption dans l’enquête – débutée en 2010 – sur des ventes de sous-marins à la Malaisie en 2002. Une information recueillie par l’AFP auprès de sources concordantes. Lesquelles ont précisé que l’ancien dirigeant a été mis en examen le 1er mars pour corruption active d’agents publics étrangers et abus de biens sociaux.

Dans le cadre de cette affaire, la justice soupçonne que l’ancien ministre de la Défense malaisien, Najib Razak, aujourd’hui Premier ministre, ait pu être corrompu via l’un de ses conseillers, Abdul Razak Baginda à travers des commissions, le tout sous couvert de contrats de consultant.

A noter qu’en décembre 2015, l’ancien président de Thalès International Asia (Thint Asia), Bernard Baïocco, a quant à lui été mis en examen pour corruption d’agents publics étrangers, en l’occurrence Najib Rakaz et Abdul Razak Baginda.

Le cœur du dossier initié par la plainte d’une ONG malaisienne, Suaram : la vente, en 2002, après plusieurs années de négociations, par Armaris, filiale commune de DCN et de Thales, associée à l’espagnol Navantia, de deux sous-marins Scorpène et d’un sous-marin Agosta à la Malaisie, pour près d’un milliard d’euros (920 millions). Ainsi  que la signature, dans la foulée par Kuala Lumpur d’un contrat de 115 millions d’euros avec une entreprise malaisienne, Perimekar, chargée d’assurer le « soutien logistique » de l’opération.

En marge de la négociation, un contrat signé en août 2000 et baptisé « C5 ingénierie commerciale », prévoyait quant à lui le versement par la DCNI – filiale de la DCN détenue totalement à l’époque par l’Etat français – de 30 millions d’euros à Thalès International Asia. Mais,selon les résultats de l’enquête, une autre société, Terasasi, dont l’actionnaire principal était le conseiller du ministre malaisien de la Défense, Abdul Razak Baginda, avait reçu une somme d’un montant quasi identique pour des consultations sur le dossier.

Les enquêteurs soupçonnent ces « consultations » d’être ni plus ni moins que des stratagèmes permettant de maquiller des pots-de-vins. Lors des auditions, le juge Roger Le Loire se serait ainsi interrogé à plusieurs reprises sur l’utilité des rapports rédigés au sein de Terasasi pour justifier le versement de la somme.

« Nous réservons nos déclarations au juge d’instruction », a toutefois déclaré à la presse l’avocat de M. Castellan, Me Alexis Gublin. « Le périmètre des responsabilités se dessine. Reste à identifier les bénéficiaires des commissions », a déclaré pour sa part l’avocat de l’ONG Suaram, Me William Bourdon.

Rappelons que depuis 2000, il est interdit aux entreprises françaises de corrompre des agents publics étrangers en vue de décrocher plus aisément contrats et marchés internationaux. La même année, la France a ratifié la convention anticorruption de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), entrée en vigueur onze ans plus tôt. Désormais, les contrevenants encourent jusqu’à dix ans de prison et une amende de 150 000 euros.

A noter également qu’un autre contrat, prévoyant le versement par la Malaisie à la société locale, Perimekar, de 115 millions d’euros, intéresse les juges, l’entreprise étant dirigée à l’époque par l’épouse du conseiller du ministre. Ce volet du dossier pourrait toutefois échapper à l’enquête dans les cas où les faits ne s’étant pas déroulés en France.

Or, si cette société a été créée de toutes pièces en 1999 … que ses dirigeants ne connaissent rien au soutien logistique .. et que les forces armées malaises détiennent 20% de son capital, aux côtés de Mme Baginda, l’épouse du conseiller du ministre … rien ne prouve que les 115 millions d’euros viennent de Paris et non de Kuala Lumpur. « Ce montage a été conçu de telle manière qu’il est, juridiquement, malaiso-malaisien, donc inattaquable », observait déjà en 2013 une source proche du dossier.

A noter enfin, qu’en tant qu’ancien patron de la DCNI, Dominique Castellan a déjà été renvoyé en procès dans le volet financier  de l’affaire de Karachi. Le 10 février dernier, la Cour de cassation a toutefois demandé un réexamen de l’enquête par la cour d’appel de Lyon.

Rappelons à cet égard que l’affaire dite de Karachi porte sur des soupçons de rétrocommissions sur des contrats d’armement avec l’Arabie Saoudite et le Pakistan  en vue de  financer la campagne présidentielle d’Edouard Balladur. Les juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire  avaient acquis la conviction que 327 millions d’euros de commissions indues sur ces contrats avaient été versés à un réseau d’intermédiaires visant, entre autres, à financer cette campagne grâce à des rétrocommissions.

En juin 2014, ils ont renvoyé en correctionnelle les six protagonistes de cette affaire : il s’agit des hommes d’affaires Ziad Takieddine et Abdul Rahman El-Assir, du conseiller au ministère du budget de Nicolas Sarkozy dans les années 1990, Thierry Gaubert, du directeur du cabinet d’Edouard Balladur à Matignon, Nicolas Bazire, du conseiller de François Léotard à la défense, Renaud Donnedieu de Vabres, et de Dominique Castellan.

La justice soupçonne que des rétrocommissions aient été établies sur des contrats d’armement avec le Pakistan et l’Arabie saoudite en vue de  financer la campagne de Balladur. Ziad Takieddine a quant à lui fini par concéder qu’il avait financé la campagne de ce dernier pour prêt d’1 million d’euros, affirmant avoir été sollicité par Nicolas Bazire, via Thierry Gaubert, élément que les deux hommes contestent.

L’une des thèses envisagées, mais non démontrée, dans l’enquête terroriste, est que cet attentat ait été causé par l’arrêt du versement des commissions sur les ventes d’armes au Pakistan.

Sources : AFP, le Monde