Uberisation

Néologisme créé à partir du nom de l’entreprise californienne de transport, le terme Uberisation a fleuri depuis peu dans notre vocabulaire économique. Il correspond à l’émergence de plateformes digitales mobiles sur lesquelles clients et prestataires peuvent entrer en contact directement, gratuitement et en temps réel. Et qui bouscule certains pans de l’économie traditionnelle.

Selon l’Observatoire de l’Uberisation, le terme Uberisation (nf) désignerait un « changement rapide des rapports de force grâce au numérique ». Plus militante que pédagogique, cette définition met l’accent sur la rupture technologique à l’origine de cette « révolution ». Mais qu’y a-t-il donc derrière cette terminologie ?

Ce modèle vient bouleverser les prestataires et intermédiaires historiques car il permet à des particuliers et semi-professionnels d’annoncer gratuitement des services à des bases de clientèle très larges. La monétisation de ces applications vient en aval quand le prestataire reverse un pourcentage de son chiffre d’affaires à la plateforme (20 % en moyenne).

Ce sont les dernières innovations mobiles qui constituent les principales «  disruptions   Définition Innovation qui vient bouleverser un marché.
 » engendrées par l’Uberisation (accès partout et à toute heure, géolocalisation, notation, réservation immédiate, flexibilité totale du travail).

Les ancêtres d’Uber

La mise en relation directe sur internet entre clients et professionnels existait depuis longtemps. Par exemple, Dell vend directement aux consommateurs depuis les années 90. Depuis plus longtemps encore, la vente par correspondance (La Redoute, les Trois Suisses…) ont été les précurseurs d’Amazon. L’Uberisation s’applique, elle, à des services.

Un accroissement de l’offre et de la concurrence

En permettant à des particuliers et semi-professionnels de prendre part à la création de valeur dans certains marchés, l’Uberisation contribue à augmenter l’offre. Ceci a pour effet d’accroître la taille des marchés quand la demande n’est pas entièrement satisfaite.

  • Airbnb a permis d’augmenter la capacité d’accueil touristique dans de nombreuses villes. Cet afflux supplémentaire de touristes accroît les revenus du tourisme et profite à beaucoup d’autres secteurs.
  • L’introduction des VTC à Paris a permis de rééquilibrer un marché des taxis en forte pénurie (les VTC doivent passer une formation donc ce ne sont pas des particuliers stricto sensu).
    Avant l’arrivée des VTC à Paris, il y avait, pour 1 000 habitants, quatre fois moins de taxis en comparaison avec New York.

Chauffeurs de taxi et VTC à New York, Paris et Londres et 2007

Un développement exponentiel de certains marchés

L’innovation des plateformes mobiles a permis dans certains cas de débloquer des marchés qui existaient déjà mais avaient du mal à décoller.

Le marché des livraisons de plats cuisinés à domicile était réduit avant l’arrivée d’acteurs comme Deliveroo ou Foodora. C’est une possibilité de chiffre d’affaires complémentaire pour les restaurants et une opportunité financière pour les particuliers qui effectuent ces livraisons. Dans cet exemple, l’Uberisation agit comme intermédiaire entre professionnels et particuliers.

La concurrence a certaines vertus ! Elle oblige les professions « attaquées » à se remettre en cause. Les taxis offrent plus de services, les hôtels traditionnels devraient baisser leurs prix.

Un accès plus facile aux liquidités pour les nouveaux projets

Dans le domaine de la finance, l’Uberisation prend essentiellement la forme du crowdfunding   Définition La finance participative est un mode de financement ou d’investissement alternatif, qui privilégie le lien social et de proximité en recourant aux réseaux sociaux sur internet pour collecter des fonds. Les modèles de financement sont de quatre types : dons, prêts solidaires, prêts rémunérés et investissement en fonds propres.
. En mettant face à face des porteurs de projets et des particuliers, il réduit le rôle des intermédiaires.

Les limites de ce nouveau modèle

L’Uberisation est devenue un phénomène au cours des dernières années, que ce soit au travers de ses répercussions sur les habitudes des consommateurs ou le succès de certaines sociétés : Uber est évaluée par les marchés financiers à 70 milliards de dollars, soit sept fois la valeur de Peugeot SA. Néanmoins, des réserves subsistent.

Des sociétés dans le rouge

La première réserve est simple et très objective : rares sont les entreprises qui participent à l’Uberisation et parviennent à dégager des résultats financiers positifs. Ces sociétés sont parvenues à enregistrer des croissances très fortes de leurs ventes, mais tardent à démontrer qu’elles ont un modèle financier pérenne.

  • Depuis sa création, Uber cumule 4 milliards de dollars de pertes. Si elle n’était pas parvenue à lever des fonds régulièrement, la société aurait fait faillite depuis longtemps.
  • Take Eat Easy, une société de livraison de plats cuisinés, a fait faillite en juillet 2016. L’entreprise était présente dans 20 villes européennes.

Une précarisation du marché du travail

Ces nouvelles sociétés créent de l’emploi, mais il s’agit d’un travail essentiellement mal rémunéré et à temps partiel. Il s’agit d’un modèle aux antipodes du salariat classique. Le travailleur commence et finit de travailler quand il veut. C’est une flexibilité totale mais également un mode de vie précaire, et peu à même de mobiliser une force de travail sur du moyen-long terme.

D’après une étude réalisée par Alternatives Economiques en 2016 (« Uber : le mirage entrepreneurial »), un chauffeur locataire chez Uber gagne environ 750 euros nets par mois pour 70 heures travaillées par semaine. Le groupe enregistre par conséquent une rotation très importante des chauffeurs, dont les gains sont insuffisants.

L’intervention nécessaire des pouvoirs publics

Les Etats ont souvent été pris de court et contraints d’agir a posteriori lorsque des déséquilibres sont apparus. L’Uberisation avance à un rythme très rapide, et il est difficile pour les pouvoirs publics de faire la balance entre les avantages et les inconvénients.

La révolte des taxis en France

Le service UberPop donnait la possibilité aux particuliers de transporter d’autres particuliers, avec très peu de contraintes. Face au tollé suscité au sein des taxis traditionnels, le gouvernement a décidé d’interdire ce service. Depuis, les barrières à l’entrée pour les VTC ont été augmentées (fin 2016, les taxis et les VTC devraient avoir un examen commun).

La distorsion des marchés immobiliers

Le développement d’Airbnb a, dans certains cas, eu un effet néfaste sur le marché du logement. La rentabilité d’une location sur Airbnb étant supérieure à une location traditionnelle, de nombreux propriétaires sont tentés de louer leur(s) bien(s) exclusivement sur Airbnb. Ceci provoque une pénurie de l’offre dans le logement locatif traditionnel et pénalise la population locale (loyers plus élevés,  exode du centre-ville). Symétriquement, cela nuit à l’hôtellerie traditionnelle, soumise à davantage de contraintes.

Dans le cas parisien, la mairie interdit de louer un bien sur Airbnb plus de 120 jours par an (depuis 2016). A Berlin, il est seulement possible de louer une chambre dans l’appartement ou la maison du propriétaire (depuis 2016 également).

La régulation de la finance participative

Dès 2014, un nouveau cadre réglementaire a été mis en place par les pouvoirs publics. Les plateformes de prêts ou de titres doivent avoir un statut, contrôlé, pour les premiers par l’ACPR et pour les seconds par l’AMF.

Créé le 29 septembre 2016 – Dernière mise à jour le 29 septembre 2016
© IEFP – la finance pour tous

La finance pour tous