Ukraine : Fitch dégrade la note souveraine à CCC, l’instabilité politique mise en cause

La situation économique et financière de l’Ukraine se noircit chaque jour un peu plus, elle-même plombée par la crise politique qui secoue le pays. Rappelons que depuis fin novembre, l’Ukraine est le théâtre d’un vaste mouvement de contestation contre le président Viktor Ianoukovitch. Des troubles issus notamment de la rupture des négociations avec l’UE en vue d’un éventuel accord d’association.

L’agence de notation Fitch Ratings a ainsi dégradé d’un cran vendredi la note souveraine de l’Ukraine, cette dernière passant de B- à CCC contre B-, assortie parallèlement d’une perspective négative.

Arguments invoqués par l’agence de notation : l’instabilité politique accrue dans le pays et la baisse des réserves en devises étrangères du pays. Lesquelles passant de 20,4 milliards de dollars fin 2013 à 17,8 milliards fin janvier. Ce qui, selon Fitch, amoindrit les capacités du pays à financer sa dette extérieure, déjà élevée.

La situation politique actuelle affaiblit également la monnaie nationale ukrainienne, la hryvnia, laquelle s’est dépréciée de 7% contre le dollar américain depuis début janvier. Les efforts de la banque centrale ukrainienne pour soutenir sa monnaie n’ont pas permis à l’heure actuelle de changer la donne.

La note de l’Ukraine avait déjà été dégradée par les agences Standard & Poor’s, le 28 janvier dernier, et par Moody’s le 31.

L’agence de notation américaine Standard & Poor’s a ainsi abaissé d’un cran la note de l’Ukraine de B- à CCC+, avec une perspective négative, pointant elle aussi du doigt l’instabilité politique du pays. « Selon nos critères, l’Ukraine est désormais considérée comme une nation dont la société civile est en détresse et les institutions politiques affaiblies », avait-elle argumenté. Ajoutant que l’Ukraine était « un pays vulnérable et dépendant des évolutions politiques et économiques pour le service de sa dette ». Pourtant le 26 décembre dernier, S&P annonçait au contraire qu’elle ne prévoyait plus d’abaisser la note de Kiev, relevant de « négative » à stable » sa perspective.

La situation est loin de s’arranger alors que dimanche les unités antiterroristes ont été placées en état d’alerte en Ukraine. Une mesure exceptionnelle prise à la suite de menaces contre des installations sensibles, telles que des centrales nucléaires, des aéroports, des oléoducs, des gazoducs ainsi que des gares routières et ferroviaires.

« La décision a été prise en accord avec la législation antiterroriste », note la SBU, la Sécurité d’Etat. « L’objectif des forces de sécurité est d’assurer la sécurité de la population et de mettre fin aux activités à visée terroriste. Ce sont des mesures par nature préventive », souligne par ailleurs la SBU.

Alors que le centre de Kiev est occupé par des contestataires depuis 80 jours, l’un des principaux dirigeants de l’opposition, Vitali Klitschko a appelé les Ukrainiens à observer une grève générale d’une heure jeudi matin.

Le 22 novembre dernier, à la suite du renoncement par Kiev à l’accord avec l’UE, Jovita Neliupsiene, la principale conseillère en politique étrangère de la présidente lituanienne Dalia Grybauskaite, avait déclaré que le président ukrainien Viktor Ianoukovitch avait plié devant les menaces russes de couper les importations ukrainiennes si Kiev signait à Vilnius un accord d’association avec l’Union européenne.

« L’Ukraine n’a pas résisté à la pression économique et au chantage » avait-t-elle ainsi déclaré. Précisant que de tels motifs avaient été cités par le président Ianoukovitch lors d’une conversation téléphonique avec Mme Grybauskaite, alors que la Lituanie assurait alors la présidence de l’UE.  D’éventuelles limitations russes des importations de marchandises en provenance de l’est de l’Ukraine – région dotée d’une importante industrie employant des centaines de milliers de salariés – auraient pu notamment peser dans la balance.

Alors que le gaz semble être le véritable enjeu d’un  éventuel rapprochement entre l’Ukraine et  l’Union européenne, la Russie voyant d’un très mauvais œil une telle « association », en décembre dernier, Moscou avait joué – officiellement – la carte de l’apaisement – en annonçant être prêt à des concessions sur ses tarifs gaziers pratiqués en Europe centrale et orientale. Des propos qui font suite à une enquête des autorités européennes initialisée en septembre 2012, la Commission européenne soupçonnant Gazprom de mener des pratiques anticoncurrentielles.

Parallèlement, le groupe public ukrainien Naftogaz – via la voix de son PDG, Evguéni Bakouline – garantissait un transit stable de gaz russe vers l’Europe durant cet hiver. Ajoutant que les stocks souterrains ukrainiens s’élevaient à 17,2 milliards de m³ de gaz.

Le vice-président de Gazprom, Vitali Markelov, avait auparavant déclaré que le groupe gazier et ses clients européens étaient préoccupés par les prélèvement de gaz effectués par l’Ukraine à partir de ses réservoirs souterrains. Gazprom estimant que le recours à de telles pratiques risquait de perturber le transit de gaz vers les pays de l’UE et de conduire ces derniers à la pénurie cet hiver. Selon M.Markelov, ces réservoirs devraient contenir 21,5 milliards de m³ de gaz pour pouvoir assurer l’approvisionnement. Des propos dont l’objectif pourrait être d’effrayer l’Union européenne … histoire de l’amadouer sur le dossier tarifaire, l’Ukraine étant le principal pays de transit du gaz russe exporté vers l’UE.

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 09 février 2014

Sources : AFP, Reuters, Ria Novosti, Libération

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