USA : bientôt premier producteur mondial de pétrole grâce aux schistes bitumineux ?

Dans la série profitons de la faiblesse des concurrents …  Alors que nombre d’Etats doivent faire face à des critiques acerbes des écologistes contre le gaz de schiste, les Etats-Unis tentent d’atteindre la première place du podium en laissant entendre qu’ils pourraient être bientôt le leader mondial de production du pétrole … toutes techniques confondues.

Simple hasard de calendrier ? Cette annonce intervient alors même qu’en France, le Conseil Constitutionnel vient de valider vendredi la loi qui interdit l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste par la technique de la fracturation hydraulique sur le territoire français.

En tout état de cause, l’Agence internationale de l’énergie (AIE)  a publié vendredi un rapport indiquant que les Etats-Unis devraient ravir à la Russie la place de premier producteur mondial de pétrole dès 2014 … et ce grâce à l’exploitation des schistes bitumineux.

Selon l’Administration américaine d’information sur l’énergie (EIA), la production américaine est en progression constante, dopée par le fort développement des pétroles non conventionnels présents en grande quantité dans les Rocheuses et le Dakota du Nord.

Gros bémol cependant : si l’AIE mentionne certes un volume de production US « sans précédent depuis des décennies de plus de 10 millions de barils par jour au cours des deux derniers trimestres », la médaille d’or ne pourrait revenir aux Etats-Unis au 2eme trimestre 2013, et ce devant la Russie … que si l’on fait abstraction des membres de de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole.

Autre bémol et non des moindres : les projections de l’AIE, comme celles du département de l’Energie américain additionnent à la production de pétrole celle de gaz naturel liquide (en anglais NGL, pour Natural Gas Liquid ). Lesquels ne peuvent dans la plupart des cas, se substituer au pétrole …. un tiers – voire même un quart selon certains – des NGL pouvant au final servir de carburant à un moteur.
Or, si ces NGL ne sont plus comptabilisés, la production américaine de pétrole brut au sens strict du terme n’atteint plus que 6,2 Mb/j … celle de l’Arabie Saoudite s’élèvant quant à elle à 9,9 Mb/j.
D’après Chris Nelder, un expert pétrolier américain, dire que la production américaine va bientôt égaler la production saoudienne « revient à dire qu’un café-crème contient autant de café qu’un expresso ».

En tout état de cause, des propos qui permettent également d’affirmer à qui veut l’entendre que la dépendance énergétique des Etats-Unis s’amoindrit … situation qui devrait grandement influer sur sa politique internationale. Et ce, d’autant plus si son poids énergétique devient supérieur à celui de son rival russe, et si les importations chinoises augmentent (nous y reviendrons).

Autre élément notable : les volumes supplémentaires mis sur le marché devraient avoir un impact non négligeable sur le prix du baril, de quoi amoindrir politiquement des pays tel notamment l’Iran, le Venezuela, l’Algérie, ainsi que les monarchies du Golfe. Contrées où la manne pétrolière permet notamment de financer la paix sociale. Ne l’oublions pas.
En effet, toujours selon l’AIE, la croissance du secteur pétrolier US devrait entraîner une hausse moyenne de la production globale hors Opep de 1,7 million de barils par jour en 2014.

Reste que la fracturation hydraulique des roches en vue de libérer les gaz de schiste fait appel à d’importantes quantités d’eau et de produits chimiques. Impact non négligeable sur l’environnement et les ressources naturelles de la planète, l’or bleu pouvant à terme remplacer l’or noir …. si ce n’est déjà fait.

Certains affirment par ailleurs que le développement des schistes bitumineux aux Etats-Unis  a pu accroître la compétitivité de l’économie outre Atlantique en réduisant le prix de l’énergie, argument souvent utilisé en Europe par les partisans de son exploitation.
Néanmoins, en mars dernier, le chef de la holding russe Gazprom, Alexeï Miller, avait indiqué que la production de gaz de schiste aux États-Unis n’était pas rentable, affirmant même que cette « bulle » allait éclater bientôt. Principales raisons pouvant expliquer une telle situation si l’on en croit le dirigeant russe :  les contraintes liées  à l’aspect sécuritaire.
D’après lui aucun projet sur le gaz de schiste ne serait efficace, ce dernier affirmant au contraire que tous les puits ont « une valeur négative ».

Allant dans le même sens, certains spécialistes affirment quant à eux que le profil type du cycle d’exploitation des puits de pétrole de schiste se caractérise par un déclin quasi immédiat et extrêmement rapide des extractions.
La fracturation de la roche ne permet en effet de libérer les hydrocarbures que dans un périmètre restreint. Maintenir une production élevée implique donc de creuser constamment de nouveaux puits. Selon le géant pétrolier français Total, la production d’huile de schiste nécessite de forer de dix à cent fois plus de puits que pour le pétrole conventionnel.

Sources : AFP, Reuters, blog le Monde