Accord Chine / Sénégal : infrastructures d’acheminement des produits miniers du Mali et du Sénégal vers l’Atlantique

Revenons donc sur le contenu de l’accord passé entre la Chine et le Sénégal vendredi, en plein cœur de la crise ukrainienne. Une période propice pour Pékin, lui permettant de damer le pion à la France, élément moteur de l’intervention militaire au Mali, mais également fortement présente en Ukraine, et ne pouvant être présente sur tous les fronts. Handicap non négligeable pour la partie française, alors que l’accord entre les Chinois et les Sénégalais permet avant tout à Pékin d’obtenir un avantage certain sur le transport des matières premières extraites du Sénégal et du Mali, et donc sur l’approvisionnement en ressources minières elles-mêmes, au grand dam des géants énergétiques français tels qu’Areva et Total.

La visite de Macky Sall, Président sénégalais, à Pékin aura donc été pour le moins fructueuse, puisqu’à l’issue de son déplacement, des accords ont été signés avec des firmes chinoises, pour un montant global d’investissements estimé à plus de 4,5 milliards de dollars. Le tout via un financement de la China Eximbank.

Les huit projets ayant obtenu des accords de financement, déclarés prioritaires par le Sénégal sont relatifs principalement à des infrastructures ferroviaires et routières.

Figure en tout premier lieu la réhabilitation du chemin de fer Dakar-Bamako entre le Sénégal et le Mali. Les travaux seront conduits par la société China railways construction corporation (Crcc). Entreprise qui a d’ores et déjà signé un accord avec le gouvernement du Mali pour le tronçon ferroviaire Kidira-Bamako. Kidira étant une localité frontalière du Sénégal oriental représentant le principal point de passage vers le Mali.

Rappelons à cet égard, qu’en décembre dernier, lors d’un conseil des ministres, le président de la République avait rappelé l’obligation pour le gouvernement de s’atteler, sans délai, à faire le point sur la liquidation de la Société nationale des chemins de fer du Sénégal (Sncs), en vue notamment de déterminer l’état réel du patrimoine ferroviaire national. Invitant parallèlement le gouvernement à engager, en rapport avec les autorités maliennes, l’audit de la concession de la ligne Dakar-Tambacounda-Kidira-Kayes-Bamako. Il avait alors estimé que « la réhabilitation, l’amélioration de l’exploitation et de la fréquentation » de cette ligne demeuraient « essentielles pour l’intégration sous-régionale et le renforcement du leadership de la plate-forme portuaire de Dakar ». Cela avait le mérite d’être clair, les infrastructures ferroviaires devant avant tout permettre d’acheminer les matières premières du Mali vers le port sénégalais.

Macky Sall avait alors rappelé l’impératif d’assurer le financement urgent et la réalisation rapide des projets de lignes ferroviaires Dakar – Diamniadio – noeud de transit routier mais également énergétique permettant de desservir les plates-formes de pétrole off-shore au large de Rufisque – et le nouvel aéroport international Blaise Diagne ainsi que la desserte de Matam, destinée pour sa part « à faciliter l’exploitation des mines de phosphates de la zone. » La construction de nouvelles voies à écartement standard permettant également de répondre aux besoins d’exploitation des mines de fer de la Falémé.  Au final, la China Railways Construction Corporation (CRCC) sera également chargée de la réalisation d’un nouveau tronçon ferroviaire Tambacounda-Kédou­gou, afin de desservir cette région minière.

Alors que certes, le PDG de la China Eximbank, Ruogo Li, a lié le financement de ces projets à la fin des études complémentaires dont certaines n’ont pas été encore finalisées, les études techniques devraient débuter dès la fin du mois de février. En ce qui concerne le tronçon ferroviaire Dakar-Bamako, Amadou Hott, directeur général du Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis), a d’ores et déjà indiqué que pour se conformer au choix du Mali et en vue de réduire les coûts de réalisation, les autorités sénégalaises opteraient pour un type de chemin de fer à écartement métrique.

Autre projet et non des moindres : le projet intégré Mines-Rail-Port minéralier de Bargny, lequel est provisoirement estimé à 2,6 milliards de dollars. Précisons que ce dossier a lui tout seul d’appréhender le caractère stratégique de toutes les infrastructures à mettre en œuvre, l’enjeu final étant bien d’acheminer de bien précieuses matières premières du Mali et du Sénégal vers les ports sénégalais … en vue de leur permettre de parcourir le monde par la suite.

C’est ainsi qu’un conglomérat d’entreprises chinoises, à savoir China railways, China steel et Sino hydro interviendra dans ce projet, mêlant les trois secteurs économique directement concernés, rail, acier et construction.

La Chine a également signé un autre accord avec le gouvernement du Sénégal pour la réalisation d’un chemin de fer destiné aux trains d’une vitesse de 120 km/h en vue de relier Dakar au nouvel aéroport international Blaise Diagne de Diass. Ce chemin de fer dont l’investissement s’établit autour de 200 millions de dollars desservira également la banlieue dakaroise.
En décembre dernier, la presse sénégalaise indiquait que Macky Sall semblait accorder beaucoup de crédit au projet de construction d’un tramway et d’un TGV permettant de relier la capitale au futur aéroport de Diass. Le journal sénégalais « le Quotidien » indiquait que l’Agence française de développement (AFD) était prête à financer l’ouvrage que la compagnie française Alstom était disposée à réaliser. Le dossier aurait même été l’un des sujets abordés lors du dernier séjour du chef de l’Etat sénégalais à Paris, le 6 décembre dernier. Le projet serait mené le cas échéant en parallèle à celui du prolongement de l’autoroute à péage jusqu’au site du nouvel aéroport, dans lequel la société Eiffage est partie prenante.

Les autoroutes Diamniadio-Thiès-Touba et Thiès-Tivaouane ont également trouvé une belle opportunité de financement avec la société China road and bridge corporation pour un investissement de 700 millions de dollars. Projets non négligeables, les villes de Touba et de Tivavouane étant des lieux de pélérinage extrêmement fréquentés lors des fêtes religieuses telles que le grand Magal, l’un des plus grands événements religieux au Sénégal.

Touba est en effet la capitale de la confrérie musulmane des mourides, laquelle détient un pouvoir non négligeable dans le pays. Pouvoir religieux mais également politique et financier, que les Chinois, bien renseignés, ne négligent pas de prendre en compte. Quant à Tivavouane, il s’agit de la capitale de la confrérie des tidjanes (ou tidianes), autre confrérie influente. On y commémore chaque année avec ferveur la naissance du Prophète Mahomet, fête du calendrier musulman appelée la Maouloud ou Gamou.

Enfin, la China great wall devra également réaliser neuf ponts de désenclavement, pour un investissement de 200 millions de dollars, tandis que China first highway engineering devrait réhabiliter les aéroports régionaux de Ziguinchor, Saint-Louis, Tamba­counda, Kédou­gou, Ourossogui et Kaolack. La China Machinery Import & Export se positionne quant à elle sur un projet de renouvellement du parc des camions. Huawei, lee géant chinois de la téléphonie, offrant de réaliser la plate-forme de passage au numérique.

En vue d’associer l’acte à la parole, la Chine a d’ores et déjà accordé une subvention budgétaire de 100 millions de yuans ainsi qu’un prêt sans intérêts de 200 millions de yuans.

Des discussions devraient également se poursuivre en vue de finaliser le projet de réalisation d’une ligne d’extension du réseau électrique sur une longueur de 1 140 kilomètres. Sujet sur lequel nous reviendrons, la production électrique étant d’une importance majeure pour le pays, situation qui n’a pas échappée au Mali et à la Mauritanie, ses voisins.

Sources : Leral.net, Rewmi, Presse sénégalaise

Elisabeth Studer – 22 février 2014 – www.leblogfinance.com


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