Affaire Volkswagen: les avocats parisiens veulent récupérer le gros lot

L’affaire Volkswagen prend une tournure judiciaire. Le Barreau de Paris a mis en ligne jeudi 12 novembre une plate-forme en ligne proposant de mener des actions conjointes sur certains contentieux.  Et notamment contre le constructeur allemand. Un moyen pour les avocats de contourner les dispositions de la loi Hamon de 2014 qui réservent aux seules associations de consommateurs la possibilité de lancer une action de groupe.

Un jour après la mise en ligne, l’initiative rencontrait l’intérêt de plus de 1.300 consommateurs. « La plate-forme lancée vise à permettre le regroupement de justiciables autour d’un même sujet. Cela permet au consommateur, quoi qu’il se passe, de mutualiser les coûts en se regroupant » explique Charles Constantin-Valet dont le cabinet parisien portera l’action des propriétaires de véhicules Volkswagen et qui bénéficie ainsi d’une très belle exposition gratuite. 

Une plainte au pénal contre X devrait être déposé la semaine prochaine auprès du procureur de Paris pour « tromperie » et « pratique commerciale trompeuse ». L’avocat propose au consommateur un forfait de 600 euros TTC comprenant le « dépôt d’une plainte qui fera l’objet d’une convention d’honoraires forfaitaire ».  Ce qui, si les 1300 personnes qui ont manifesté de l’intérêt se confirmait, déboucherait sur un joli pactole de 780.000 euros… « Nous lançons une action pénale car la preuve sera rapportée par l’enquête. Cela va permettre au justiciable de faire valoir ses droits avec un coût raisonnable » avance Charles Constantin-Valet.

« Pas sûr qu’ils fassent gagner de l’argent aux consommateurs »

Ce lancement fait sourire les membres d’Action Civile. Ce site internet permet également de regrouper les actions de consommateurs afin de donner naissance à une action civile. A la différence de la démarche initiée par le Barreau de Paris, ils soulignent que leur système ne coûte rien au consommateur et qu’Action civile ne se rémunère qu’avec un pourcentage des résultats en cas de succès. « Je ne suis pas sûr que cette initiative fasse gagner de l’argent aux consommateurs. Ce qui est certain,  c’est qu’elle en fera gagner aux avocats car ils veulent faire financer leur action au pénal par des centaines de parties civiles » lâche Léonard Sellem, directeur général d’Action civile.

« Toute défense a un coût, réplique Charles Constantin-Valet. Une société commerciale ne peut pas proposer quelque chose de comparable à un avocat. Cela n’existe pas une défense de qualité, qui ne coûte rien ». A ceci près qu’Action civile mandate effectivement des avocats, mais en jouant les intermédiaires auprès des clients. 

Le climat est loin d’être idyllique entre le Barreau de Paris et ce site internet car Pierre-Olivier Sur, bâtonnier du Barreau de Paris, a longtemps exploré une collaboration avec Action civile avant de mettre fin aux discussions et créée une plate-forme leur faisant concurrence. « Le plagiat de notre site par le Conseil de l’Ordre est un hommage du vice à la vertu, qui valide la licéité de notre modèle » considère même Jérémie Assous, avocat et cofondateur d’Action civile.

L’épineuse question du préjudice dans l’affaire Volkswagen

Pour l’avocat qui compte porter plainte contre Volkswagen, le préjudice ne fait aucun doute pour le consommateur. « Rien que le fait d’avoir été trompé sur les caractéristiques constitue un préjudice. Mes clients me disent qu’ils ne se seraient pas tournés vers leurs véhicules s’ils n’avaient pas les qualités techniques promises. En termes de sanction de cette tromperie, nous pourrions obtenir l’annulation de la vente ou une indemnisation à hauteur du préjudice subi (10 à 20% du prix d’achat). » Mais une procédure pénale, cela peut prendre des mois, voire de nombreuses années. Sauf à se servir de la menace d’un juge d’instruction pour obtenir une bonne négociation…

Au contraire pour le directeur général d’Action civile, dans l’affaire Volkswagen, « il est compliqué d’évaluer le préjudice. La solution la plus simple serait de regarder une éventuelle décote à l’Argus d’ici quelques années mais cela prendra du temps afin de la mesurer. Au contraire des Etats-Unis, en France les procès ne donnent pas lieu à des dommages punitifs et il faut indemniser un préjudice réel ».

« Ne pas donner de faux espoir aux consommateurs »

Les associations de consommateurs sont pour le moment les grandes absentes des développement judiciaires de l’affaire Volkswagen. Alors même qu’elles sont les seules à disposer de l’action de groupe pour faire entendre leurs voix.  « Pour l’instant il n’y a pas réellement matière à engager une action de groupe, développe Alain Bazot, président de l’UFC Que Choisir. On veut lever toutes les difficultés pour ne pas donner de faux espoirs aux consommateurs. D’autres ont moins de scrupules et surfent sur le buzz médiatique ».

Et le président de l’UFC Que Choisir de pointer deux problèmes que pose l’affaire Volkswagen: l’indemnisation et la transparence des frais d’avocats.  « Charles Constantin-Valet annonce de 10 à 20% du prix d’achat du véhicule. On se demande bien comment il sort un tel chiffre. Cela fait estimation au doigt mouillé. » attaque Alain Bazot. Avant de poursuivre: « il n’y a pas de visibilité sur la réalité de la prestation et sa nature pour les 600 euros demandés. Si ce n’est que déposer plainte, cela nécessite un courrier simple au Procureur. Il n’y a pas d’investigation à mener » ajoute-t-il.

Quant à Action civile, le président de l’UFC Que Choisir s’étonne « qu’une société, qui fait des propositions, plus farfelues les unes que les autres, émettent des doutes pour une fois. Peut être est-ce parce que c’est le Barreau de Paris qui lance cette action… »

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