Alain Fischer sur la vaccination : « en France, on va commencer prudemment”

Alain Fischer, professeur d’immunologie pédiatrique et chercheur en biologie, est membre du nouveau conseil d’orientation de la stratégie vaccinale contre le Covid-19. Il dirigera la campagne de vaccination dans les Ehpad, qui devrait commencer au 1er janvier. Dans une interview au JDD, il martèle que la prudence est le maître mot.

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Le professeur a indiqué que pour Matignon et l’Elysée, il devait “faire l’articulation entre le pouvoir politique, la population et les agences sanitaires”. “Ma mission porte sur deux aspects : le conseil, ce que l’expertise scientifique peut apporter au politique; et la communication sur la vaccination.”

Prudence

Il est membre du comité vaccin, présidé par Marie-Paule Kieny. Mais là où le comité poursuit “son travail avec les industriels, de recueil d’informations et d’évaluation scientifique”, Alain Fischer souhaite s’entourer d’un comité pour réfléchir collectivement à la vaccination, alliant biologie et sciences sociales.

Le JDD revient sur la prudence du médecin lors de sa présentation jeudi : “il y a deux impressions à ne pas donner : ça y est, on a des vaccins, tout est reglé et on y a. Ou, à l’inverse, on n’en sait pas assez, on n’y va pas. Il faut avancer avec prudence, en expliquant. La base reste une analyse juste, fondée sur les incertitudes et les connaissances acquises.”

Effets secondaires

Les personnes âgées seront les premières à recevoir le vaccin, à partir du 1er janvier. d’après les annonces de Pfizer et Moderna, le nombre de formes sévères est très réduit dans le groupe vacciné par rapport au groupe contrôle.” remarque Alain Fischer à propos des effets du vaccin.

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 “Il n’y aura pas de vaccination sans consentement, et pas d’obligation, bien sûr”, affirme le médecin. “Oui, il va y avoir des effets secondaires. Même s’il est difficile une causalité quand ils sont extraordinairement rares. L’information et la communication tournent forcément autour de l’analyse du bénéfice-risque, centrale dans le processus de décision. Est-ce que les bénéfices attendus pour se protéger d’une maladie potentiellement grave sont bien supérieurs au risque éventuel d’une pathologie liée à la vaccination ? de petites marges d’incertitude persistent, mais d’après les données partielles dont on dispose, ce risque est très faible.” Il indique, « en France, on va commencer prudemment”. Quitte à prendre du retard sur d’autres pays comme l’Angleterre, qui a commencé lundi 7 décembre.

Le professeur Fischer s’est voulu rassurant : en France, les personnes vaccinées seront suivies par l’ANSM (agence médicale de sécurité du médicament) et les médecins, qui feront remonter l’information en cas de problème.” l’Inserm (institut national de la santé et de la recherche médicale) suivra aussi des cohortes pour identifier d’éventuels événements indésirables. “Notre système de pharmacovigilance est désormais un outil très puissant.”

Eviter les arguments d’autorité

A la question de quelles leçons tirer sur la défiance vaccinale, le professeur d’immunologie pédiatrique, qui a piloté une concertation en 2016, estime que la France est marquée par les crises liées au vaccin. l’alerte  in fine infirmée – sur le lien entre hépatite B et sclérose en plaques ; le recours à de grands centres de vaccination contre le H1N1 sans impliquer les généralistes, les attaques infondées sur l’adjuvant aluminium.. Une partie de la population reste sensible à des rumeurs glanées sur Internet”. 

Pour rétablir la confiance, “il faut des messages bien faits, ciblés, répétés, en évitant les arguments d’autorité, les injonctions émanant des responsables sanitaires. On peut s’inspirer de ce qui a été bien fait en 2018 pour accompagner l’obligation vaccinale chez les enfants,” maintient l’épidémiologue.

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La campagne de vaccination ne pourra pas éviter une troisième vague : “elle va concerner au mieux 3 millions de personnes”, analyse Alain Fischer. “Ce sera sans impact sur la dissémination du virus et ça ne doit pas apparaître comme une protection collective.

Mais ces incertitudes n’empêcheront pas Alain Fischer de se faire vacciner : “en tant que professionnels, nous devons nous montrer exemplaires. Le danger, chacun le perçoit: nous connaissons tous des personnes décédées ou gravement malades du Covid.”

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