Analyse et Stratégie : Ces PME françaises en pointe dans l'intelligence artificielle

Cinq dirigeants de sociétés dont l’activité repose en partie sur l’intelligence artificielle (IA) étaient réunies ce matin par Euroland Corporate. Ils ont expliqué devant les nombreux investisseurs présents l’évolution de leur business model induite par le développement de ces technologies. Outre Fortia, non cotée en Bourse, étaient présentes Generix, Medicrea, SES Imagotag et Weborama.

Le patron de Medicrea, Denys Sournac, a expliqué faire le lien entre les chirurgiens et les fabricants d’implants pour soigner les déformations de la colonne vertébrale. Beaucoup de données, bien que disponibles, ne sont pas utilisées au quotidien. Une plateforme a donc été créée pour que les règles de réalignement du patient et de stratégie chirurgicale qui font consensus permettent, à partir des IRM, de proposer des implants sur mesure. Un modèle prédictif a en outre été élaboré, avec une base de données portant sur 3.500 patients suivis pendant deux ans après l’opération. Cela débouche sur des recommandations de stratégies opératoires. Cela permet par exemple de réduire le taux de rupture des tiges. C’est le chirurgien qui recueille le consentement éclairé du malade pour la collecte de ses données, qui sont rendues anonymes. Une centaine de paramètres anatomiques sont collectés. Medicrea travaille en France, où les profils brillants à recruter ne manquent pas, mais l’effort de développement concerne plus les Etats-Unis, où le service proposé permet de facturer un supplément de prix. L’IA concerne un peu plus de la moitié des frais de R&D, soit 1 à 1,5 million d’euros par an. Les grands groupes concurrents se sont beaucoup concentrés sur les robots, qui sont la main du chirurgien, mais pas son cerveau. Denys Sournac a expliqué aussi qu’une petite société française paraît un peu exotique aux Etats-Unis, où les deux tiers du chiffre d’affaires sont réalisés, et que, pour croître beaucoup plus vite, il faudrait que Medicrea s’allie à des américains.

Numériser les magasins

Le dirigeant de SES-Imagotag, Thierry Gadou, a lui aussi mis en valeur l’importance de l’IA dans la digitalisation des magasins, qui sont encore des boites noires regorgeant de données inconnues ou inexploitées. La société introduit des étiquettes électroniques, des capteurs, des puces NFC et plus récemment des caméras. Les data sont ainsi capturées en temps réel. Des outils d’analyse ont été développés, pour déboucher sur une aide à la décision et finalement permettre à des agents numériques de prendre des décisions sur les prix, les approvisionnements. Il s’agit de réduire les ruptures de stocks en rayon (« un trillion dollars problem »), le gaspillage de produits frais, les erreurs de prix… Progressivement, en couvrant le monde physique de capteurs, la connaissance des clients permet de transformer le point de vente en un média interactif. Ce ne sont plus les clients qui parlent des produits, mais les produits qui parlent des clients. D’ici à cinq ans, ces nouveaux services, développés grâce à deux acquisitions et maintenant avec des recrutements, passeront de 10 à 20% du chiffre d’affaires et représenteront un tiers de la rentabilité. SES a déjà équipé plus de 17 000 magasins dans le monde et vise un million d’unités (sur 33 millions). Thierry Gadou entend ainsi contribuer à sauver le commerce physique, premier employeur de la planète et utile aussi pour rendre les villes agréables.

Logistique et publicité

Le président de Generix, Jean-Charles Deconninck, s’est lui aussi montré convaincant. Ce spécialiste de la logistique travaille notamment avec de grands e-commerçants ayant plusieurs millions de références en ligne. Les flux de données (commandes, expéditions…) sont stockés dans un grand réceptacle (data lake) et utilisées pour réduire les stocks et tenir les délais de livraison, grâce à des modèles prédictifs.

Le PDG de Weborama a lui aussi intéressé les investisseurs. Dans son domaine de la publicité ciblée, l’IA est utilisée pour segmenter les consommateurs et identifier ceux susceptibles de réagir le plus favorablement pour prédire la performance des campagnes de promotion. Plusieurs milliards de pages web sont ingérées puis traitées grâce à des techniques de traitement automatique du langage. Désormais, il s’agit aussi de faire avec les images ce que Weborama fait déjà avec les mots. L’IA représente une part importante de la R&D et aide à bien faire le lien entre chercheurs et développeurs pour que les prototypes se transforment en produits. Alain Lévy remarque que le RGPD (Règlement européen pour la protection des données) favorise les géants du Net américains, qu’il faudrait parvenir à cantonner en clarifiant les règles d’application. D’autant qu’ils débordent de plus en plus du marché publicitaire qu’ils dominent, devenant des concurrents pour les annonceurs. Beaucoup des clients de Weborama dépendent beaucoup de Google et Facebook et peuvent avoir intérêt à travailler avec le français.


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