Analyse et Stratégie : Italie : le nouveau ministre de l'Economie Giovanni Tria, eurocritique mais au moins ouvert au débat

Il n’est pas eurosceptique, juste eurocritique. Giovanni Tria, bien que lui aussi proche de la Ligue, n’est pas Paolo Savona. Gros ouf ! de soulagement à la Bourse ; la voilà plus rassurée sur le maintien de l’Italie dans la zone euro.

N’empêche que le nouveau ministre de l’Economie, matière qu’il connaît bien pour l’enseigner à l’université romaine de Tor Vergata, soutenait encore récemment les propos de cet anti-euro que le président Mattarella a refusé dimanche d’adouber à ce poste stratégique, rappelle La Repubblica. Pour le journal italien, Giovanni Tria est « le professeur qui donne raison à Savona », l’homme pour qui la zone euro est une « prison allemande ». Raison en quoi ? Quand Paolo Savona, remettant en question l’irréversibilité de l’euro, déclarait, sur le site Formiche.net le 14 mai, que « c’est l’Allemagne qui devrait sortir […] car son excédent de la balance commerciale n’est pas compatible avec le régime de change fixe » et défendait « au moins » le passage « à un régime de taux de change fixes ajustables. » M. Tria qualifie cette analyse de « sérieuse », rien à voir avec « une blague de politiciens anti-euro ». Déjà, en décembre 2016, il avait défendu l’idée partagée par Paola Savona du besoin pour l’Italie de dévaluer sa monnaie, arguant de « la concurrence truquée en Europe qui favorise l’Allemagne. »

Il faut dire que Giovanni Tria, qui considère la zone euro « mal construite », pointe lui aussi du doigt l’excédent allemand comme preuve de l’« échec dans le processus de convergence. » Dans un contexte de politique monétaire expansionniste, cet excédent allemand ne fait qu’alimenter le déséquilibre entre les pays membres, selon lui. Cela dit, comme le fait remarquer Jim Reid, macrostratégiste chez Deutsche Bank, le nouveau ministre de l’Economie « semble plus pro-Europe [que Savona]. » Au moins lui semble ouvert au débat.

La mauvaise « logique » du Brexit

L’agence Bloomberg se souvient que Giovanni Tria, dans une tribune parue dans le quotidien Sole-24 Ore en mars 2017, jugeait que « les gens qui appellent de manière inconditionnelle à quitter l’euro pour remédier à tous les maux n’ont pas raison. N’est pas non plus dans le juste Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, quand il dit que l’euro est irréversible sans clarifier les conditions et le calendrier des réformes nécessaires à sa survie. » D’après lui, le plus grand danger pour la zone euro « n’est pas une sortie, mais une implosion », avait-il écrit avec Renato Brunetta, député italien, ancien ministre de Silvio Berlusconi. « Parlons des propositions, trouvons des solutions qui conviendraient à tous les membres […] plutôt que d’utiliser la logique du Brexit selon laquelle si l’Europe ne te convient pas, que tu ne l’aimes plus, tu l’abandonnes. »

A la question de savoir si le nouveau gouvernement antisystème, qui prêtera serment à 16 heures, est pro ou anti-Europe, Fabio Fois, économiste chez Barclays estime que, au moins au début, jusqu’au vote du budget peut-être, il adoptera une « approche pragmatique. » Giovanni Tria est « plus modéré » que Paolo Savona. Mais, chez Barclays, on ne pense pas que le risque politique a disparu. « Nous nous attendons à ce que les marchés restent prudents face au risque d’élections anticipées qui pourraient tourner au référendum sur l’euro », expose M. Fois selon qui les populistes du Mouvement 5 étoiles et surtout le parti d’extrême droite de la Ligue vont garder un œil sur les sondages d’opinion. « Le coût d’opportunité pour la Ligue [qui gagne en popularité] de rester dans un gouvernement anti-establishment dans lequel il tient un rôle junior [la Ligue, outre l’un des deux postes de vice-premier ministre et le ministère de l’Intérieur pour leur chef Matteo Salvini, a obtenu les portefeuilles de l’Agriculture, la Famille et le Handicap, la Fonction publique) est très élevé », décrypte l’économiste. Mais, pour l’instant, ce nouveau gouvernement, avec tout de même Paolo Savona aux affaires européennes, est « mieux » que celui précédemment proposé.

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