Analyse et Stratégie : JPMorgan au plus haut, les banques européennes à la rue, six mois de Bourse qui ne se sont pas passés comme prévu

Le bilan n’est pas glorieux. Déjà six mois se sont écoulés depuis l’entrée dans 2018, année qui promettait, selon les économistes, les stratégistes, les analystes, tout le monde, d’être à l’avantage des actions européennes… Eh bien c’est loupé. Là où le Cac 40 bataillait vendredi pour rester gagnant depuis le début de l’année (+0,2% au final), le S&P 500 et le Nasdaq Composite, eux, se pavanent sur la cote mondiale avec des gains respectifs d’environ 2% et 9% (+5% et +12% en euros) ; le MSCI World est, lui, perdant de 0,67%.

Wall Street a des atouts de poids pour faire la différence. Les Apple, Google, Microsoft, Amazon et Facebook, les cadors de la Bourse mondiale, ont tous encore signé des records en juin. En pleine guerre commerciale, un comble que les valeurs de la « tech » soient considérées comme défensives ! A Paris, si le Cac 40 fait mieux que bien d’autres indices mondiaux, c’est grâce au secteur du luxe. Mais la flambée de 75% de Kering (Gucci ou Yves Saint Laurent) et celle de 30% de LVMH (Louis Vuitton, Dior, Givenchy…) a bien du mal à compenser la chute des banques.

BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole dévissent entre 15% et 20% depuis fin décembre. L’action BNP ne vaut plus que la moitié de ce qu’elle valait avant les crises des subprimes et de la dette ; c’est pire pour Société Générale dont le cours reste 75% en dessous de son pic d’avril 2007 à plus de 143 euros. Au mieux de cette année, en janvier, l’indice européen Stoxx des banques était à 174% de son niveau d’avant le krach. Oubliés l’accélération de la croissance (qui montre finalement des signes d’essoufflement) et le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) qui devaient profiter à fond – espérait-on – aux actions des banques.

Taux négatifs, fintechs et réticences en tout genre

Au lieu d’une pentification de la courbe des taux qui devait permettre aux établissements bancaires d’améliorer leurs marges d’intérêt (en prêtant plus cher à long terme ce qu’ils empruntent à court terme), les investisseurs sont forcés de constater que l’écart entre les taux longs et les taux courts est, fin juin, plus maigre encore qu’en janvier. Maintenant des économistes, comme ceux de chez Bank of America-Merrill Lynch, commencent à penser que jamais la BCE ne relèvera ses taux l’année prochaine. C’est tout le business model des banques qui est en péril, elles qui doivent aussi faire face à une réglementation plus sévère, à concurrence des fintechs, du e-paiement. Et pourtant, pendant ce temps-là aux Etats-Unis, JPMorgan (9e plus grosse capitalisation mondiale) et Wells Fargo (16e) sont à des sommets en Bourse.

L’action JPMorgan (en vert) a plus que doublé depuis janvier 2007 (base 100). Plus globalement, l’indice américain des banques (en blanc) a renoué avec ses niveaux crise avant de retomber à 20% de ce prix. L’indice européen du secteur (en jaune et en dollars) est, lui, perdant de 80% depuis.

L’action JPMorgan (en vert) a plus que doublé depuis janvier 2007 (base 100). Plus globalement, l’indice américain des banques (en blanc) a renoué avec ses niveaux crise avant de retomber à 20% de ce prix. L’indice européen du secteur (en jaune et en dollars) est, lui, perdant de 80% depuis.

L’action JPMorgan (en vert) a plus que doublé depuis janvier 2007 (base 100). Plus globalement, l’indice américain des banques (en blanc) a renoué avec ses niveaux crise avant de retomber à 20% de ce prix. L’indice européen du secteur (en jaune et en dollars) est, lui, perdant de 80% depuis. | Crédits photo : Bloomberg

JPMorgan flirtait, fin février, avec les 120 dollars (x4 par rapport à novembre 2008, plus de deux fois au-delà de son cours du printemps 2007) quand l’indice sectoriel S&P des banques n’était qu’à 11% de son record de 2007. Profitant que la Fed, la banque centrale américaine, relève ses taux directeurs, les revenus d’intérêts de la plus grosse banque cotée au monde (elle pèse deux fois plus lourd que BNP, Société Générale et Crédit Agricole ensemble, plus que LVMH et Total réunis) ont progressé de 15% en 2017 et de près de 18% au premier trimestre 2018, selon les données compilées par FactSet (ceux de BNP ou de Société Générale n’ont plus augmenté depuis l’année 2015). Et contrairement aux banques européennes – et même japonaises – les établissements américains ne subissent pas les taux de dépôt négatifs que la BCE et la BoJ ont mis en place (une taxe de 0,4% en zone euro est appliquée aux réserves excédentaires des banques, c’est-à-dire aux encours qui dépassent le montant des réserves obligatoires). En plus, fait remarquer Louis-Vincent Gave du cabinet d’analyses économiques appliquées à la Bourse, « l’Europe et le Japon se sont distingués au fil des ans par leur réticence à en finir avec les ‘zombies’, à reconnaître les créances douteuses, à recapitaliser les banques, à repartir de zéro. » Or, vu le poids des banques dans les indices européens, la Bourse a besoin d’elles pour monter.


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