Analyse et Stratégie : La France « est en guerre » ! Les Bourses ferment pendant les guerres, rappelle Deutsche Bank

L’économie mondiale est en quarantaine, les chaînes de production à l’arrêt, mais pas la Bourse. Forcément, les marchés financiers ne peuvent que s’effondrer. En un mois, depuis le pic du 19 février, le Cac 40 a plongé jusqu’à 40%, tout comme l’indice Stoxx 600 des plus grandes valeurs européennes, tandis que le S&P 500 des Etats-Unis a chuté d’un peu plus de 30%. Les Bourses des pays émergents ont également décroché de 30% par rapport à leur pic qui, dans leur cas, avait été atteint à la fin janvier, avant que les marchés chinois ne dévissent.

« Garder les marchés ouverts alors que les économies ferment est assez inéquitable », juge Jim Reid, stratégiste chez Deutsche Bank qui explique aussi rapidement qu’« il existe aussi des arguments très valables pour les garder ouverts. » Le premier d’entre eux étant de dire que la fermeture de la Bourse n’empêcherait pas la chute puisque, comme le fait remarquer Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne, l’« inconvénient majeur » d’une telle décision est « la nécessité de les rouvrir après. Or, la chute peut être encore plus sévère après un blocage. Les investisseurs, pour se prémunir d’une nouvelle fermeture, vendront alors leurs titres. » La Bourse de Manille aux Philippines en a fait l’amère expérience. Hier, après avoir été bouclé deux jours, le PSE, son principal indice, a chuté de 24% dans les premiers échanges, pour terminer en forte baisse de 13%. -17,5% sur la semaine.

Lundi, alors que les grands indices boursiers américains connaissaient leur plus gros plongeon depuis le krach de 1987, la présidente de la Bourse de New York, Stacey Cunningham expliquait sur Twitter que « la fermeture des marchés ne changerait pas les causes sous-jacentes du déclin du marché, supprimerait la transparence et réduirait l’accès des investisseurs à leur argent. Cela ne ferait que renforcer aggraver l’anxiété actuelle du marché. » Pour endiguer la propagation du coronavirus, la Bourse de New York est toutefois passée au tout électronique cette semaine ; plus aucun ordre n’est passé depuis le trading floor du 11 Wall Street, tous les échanges se font désormais par ordinateurs.

A ce stade, personne ne sait quand l’économie mondiale pourra repartir. L’Etat de Californie, qui serait la cinquième puissance s’il était un pays, a été placé, à son tour, en confinement. Et l’Europe, désormais plus gros foyer de l’épidémie, pourrait rester sous cloche plus longtemps que prévu. Rien ne dit que, si la situation devait temporairement s’empirer, les opérateurs de Bourse ne prendraient pas la décision de garder portes closes. « Dans le passé, cela a été fait en raison de catastrophes naturelles, de terrorisme et de guerres, rappelle Jim Reid de chez Deutsche Bank. Et vu le nombre d’hommes politiques qui disent que nous sommes sur le pied de guerre, il n’est pas impossible que les questionnements autour de la fermeture de la Bourse perdurent. »

« La pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale »

La France « est en guerre », a martelé, lundi, le président Emmanuel Macron lors de son allocution télé. « Nous devons agir comme un gouvernement de temps de guerre, a déclaré mardi le Premier ministre britannique, Boris Johnson, et faire tout ce qu’il faut pour soutenir notre économie. » Mercredi soir, la chancelière Angela Merkel a déclaré que l’Allemagne était confrontée à « la pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale. » Les analogies à cette période troublée de l’Histoire sont nombreuses. Les dettes publiques vont exploser jusqu’à certainement dépasser, comme dans les années 40, pour la médiane mondiale, les 120% du PIB. Et comme durant la Seconde Guerre, les entreprises se détournent de leur métier traditionnel pour participer à l’« effort de guerre ». Par exemple, LVMH, Hermès et L’Oréal qui produisent gracieusement du gel hydroalcoolique.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Bourse de Paris a fermé pendant neuf ans, pour ne rouvrir qu’en juin 1949, tandis que la Bourse de New York « contrairement à la Première Guerre, elle, n’a pas du tout fermé pendant la guerre, à l’exception des 15-16 août 1945, pour célébrer le jour de la Victoire sur le Japon, lorsque l’annonce de la reddition a été faite. À Londres, la Bourse a été fermée pendant six jours au début de la guerre en septembre 1939 », recensent les équipes de Deutsche Bank.

S’agissant de la Première Guerre mondiale ? « Le déclenchement de la guerre avait entraîné la fermeture des échanges dans le monde entier. Même les États-Unis, qui ne sont pourtant entrés dans le conflit qu’en 1917, ont vu leur Bourse fermer pendant quelques mois. Après la fermeture fin juillet 1914, la négociation des obligations n’a pas repris avant la fin novembre. Celle des actions n’a pas repris avant décembre, alors même que, à partir de la fin du mois de juillet, des limitations les empêchaient de clôturer en dessous de leurs prix de la veille. Les pays européens ont connu des fermetures plus drastiques. Par exemple à Berlin, la Bourse a été complètement fermée pendant une grande partie de la guerre. »

La Bourse de Paris n’a plus été fermée depuis 1968

Dans d’autres circonstances, la Bourse de New York a également été fermée six jours pendant La Grande Dépression de 1933, du lundi 6 au mercredi 15 mars. Elle le fut également en 1963, le vendredi 22 novembre, brièvement, après l’annonce de l’assassinat de John Kennedy, puis le lundi suivant pour les funérailles du président. La Bourse de New York est également restée portes closes une journée en 1985, pendant l’ouragan Gloria qui a touché le nord-est du pays, et deux jours lors de l’ouragan Sandy, en 2012, alors que la ville de New York était particulièrement frappée. Elle n’a pas non plus ouvert pendant tout une semaine après les attentats du 11 septembre. Ce jour-là, la Bourse de Paris n’avait pas fermé, mais avait terminé sur une chute de plus de 7%. En fait, la dernière fois que les échanges parisiens ont été stoppés, c’était en 1968, avant la création du Cac 40, après l’incendie du Palais Brongniart.


Investir – Analyses et opinions – Les Echos Bourse