Analyse et Stratégie : Le ciel se dégage, mais attention aux vents contraires, avertit Pictet AM

A un mois des grands départs en vacances, le marché parisien est au milieu du gué ! Il a repris 30% par rapport à son plus bas de l’année et se situe à 30% de son point haut. Que faire ? C’est la question à laquelle Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d’investissement pour Pictet Asset Management, a tenté de répondre vendredi 29 mai lors d’une conférence téléphonique malicieusement intitulée « Covid, elle est partie n’en parlons plus ? ».

Pour lui, le ciel se dégage du côté de la crise sanitaire. A l’exception de quelques remontées du nombre de cas, comme en Corée du sud, la réouverture des économies est plutôt un succès. Cela s’accompagne d’un volontarisme budgétaire assumé dans l’ensemble des pays du monde, ce qui n’avait pas été observé en 2008.

Volatilité élevée 

Mais des nuages persistent. « La guerre commerciale reprend son envol, avec des échanges vifs et amers entre Pékin et Washington à propos de Hong Kong. L’interdiction pour les entreprises américaines d’échanger des informations avec une trentaine d’entreprises chinoises est un coup dur à la 5G, qui est stratégique pour la Chine. » Autre motif de prudence : l’emploi. « La situation américaine s’est dégradée et beaucoup de licenciements temporaires vont devenir définitifs. Les habitudes des consommateurs ne reprendront pas comme avant. » Les inquiétudes sur l’emploi, cumulées aux difficultés de trésorerie à venir des entreprises vont peser. Selon Frédéric Rollin, « ces problèmes ne sont peut-être pas suffisamment regardés par le marché. »

Qui plus est, la volatilité va demeurer élevée. « Deux forces contraires vont l’entretenir, selon l’expert de Pictet AM. D’une part, la baisse brutale des bénéfices, de l’ordre de 40%, qui n’est pas prise en compte dans les consensus Ibes, d’autre part, les apports de liquidités par les banques centrales qui pourraient justifier un doublement des multiples. Ce sont des forces importantes, qui peuvent tourner moins bien en cas de retour de la pandémie ou si la reprise est moins importante que prévu en raison des problèmes structurels qu’elle aura causés. »

Malgré cela, la société de gestion s’est positionnée. Elle accorde une place plus importante aux valeurs cycliques délaissées. « Au-delà de la gestion fondamentale, des facteurs techniques entrent en jeu, dont le fameux FOMO, ou fear of missing out », explique Frédéric Rolin. Soit, en français, la peur de passer à côté du rebond. Et donc l’envie de rattraper la hausse. Il s’est reporté sur des valeurs qui ont moins performé dernièrement, comme l’automobile et les bancaires.

De l’or en portefeuille

Mais quid à plus long terme ? Une fois le scénario d’une reprise progressive intégré, les investisseurs vont se tourner vers les risques, comme celui de la guerre commerciale et de l’impact à plus long terme de la crise sanitaire. Pictet AM conserve une nette préférence pour les secteurs de la santé, le numérique et l’environnement. « La crise sanitaire nous avertit des conséquences dramatiques que pourrait avoir le réchauffement climatique, souligne l’expert. C’est une petite vague comparée à celle du réchauffement climatique. » Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le discours écologiste gagne du terrain au sein de la population, qui se montre avec la crise de plus en plus favorable à un soutien à la relance de l’économie verte. Le secteur de la santé, lui, va profiter du vieillissement de la population, de la hausse du niveau de vie des pays émergents ou encore du fait que Joe Biden est bien parti dans la course à la présidentielle américaine de novembre prochain. « Il est meilleur candidat démocrate pour le secteur », affirme Frédéric Rollin.

La maison de gestion est à « surpondérer » sur la Chine, la Russie et l’or. L’expert justifie ce dernier choix en arguant que même en cas de reprise, « elle sera plus délicate », en raison des craintes des ménages concernant l’emploi et de la politique de cash management des entreprises. « Les politiques monétaires actuelles et le maintien de taux bas pendant longtemps profiteront à l’or, d’autant que la probabilité d’une déflation, négative pour l’or, a été écartée. »


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