Analyse et Stratégie : Les entreprises socialement responsables sont celles qui ont le mieux résisté au krach de la Bourse

L’économie est en quarantaine, l’appareil de production à l’arrêt, les salariés sont cloîtrés à la maison. Plus rien ne sort des usines non essentielles, alors que les factures s’entassent. Devant pareille situation inédite, les boursiers sont paumés, ils sollicitent les analystes financiers pour y voir plus clair. Que vaut une entreprise qui ne produit plus rien ? Qui ne verse plus de dividende ? Puisque la Bourse reste ouverte, et que sa fonction est de mettre un prix sur les bénéfices futurs, les disséqueurs de comptes sont dans l’embarras.

D’un point de vue strictement financier, au temps « t », puisque l’entreprise n’a plus de rentrées d’argent, elle ne vaut plus que sa valeur à la casse, c’est-à-dire le prix de ses bâtiments, de ses machines, de ses matières premières, de ses stocks… Bref de ses biens, desquels il faut décompter les dettes et ajouter – pour les plus prévoyantes – les liquidités mises de côté pour les coups durs. Mais évidemment, le confinement ne va pas durer indéfiniment ; il y aura des bénéfices futurs. Quand ? est la question. L’incertitude est totale.

Au moins, les milliers de milliards de dollars déversés dans l’économie mondiale vont permettre aux entreprises de rester à flot jusqu’au retour aux affaires, même si certaines – les plus fragiles, les « zombies » – feront défaut. Tout est en ordre de bataille pour que la repise soit rapide. Jusque-là, à grand renfort d’outils de mesures extra financières, les analystes continueront à se triturer les méninges pour donner un prix aux actions.

La valeur de l’extra financier

Les critères ESG (environnement, sociaux et de gouvernance) vivent leur meilleure vie, selon une expression à la mode. Bank of America Merrill Lynch n’a de cesse de le répéter : l’éthique d’une entreprise, son implication dans la vie publique, sa bonne réputation, le bien-être de ses employés, sa politique de rémunération, tout cela contribue à lui donner de la valeur. 

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Les prévisions de bénéfices des entreprises américaines les moins bien notées (par Refinitiv et Sustainalytics) ont été plus fortement réduites. En bleu, celles en dessous de la médiane. En jaune, celles au-dessus.

Les prévisions de bénéfices des entreprises américaines les moins bien notées (par Refinitiv et Sustainalytics) ont été plus fortement réduites. En bleu, celles en dessous de la médiane. En jaune, celles au-dessus.

Les prévisions de bénéfices des entreprises américaines les moins bien notées (par Refinitiv et Sustainalytics) ont été plus fortement réduites. En bleu, celles en dessous de la médiane. En jaune, celles au-dessus.

Pour les stratégistes de la banque d’investissement américaine, ce n’est pas un hasard si les entreprises qui ont les meilleures notes ESG sont aussi celles qui résistent le mieux aux coups de sabre des analystes. Que ce soit aux Etats-Unis, en Europe ou en Asie-Pacifique, « [ils ont] constaté que les entreprises dont les résultats ESG sont inférieurs à la médiane (tant pour Refinitiv que pour Sustainalytics) ont connu des révisions à la baisse plus importantes de leur bénéfice par action cette année, et vice versa », lit-on dans une étude datée du 25 mars. Cela est particulièrement vrai pour les secteurs de la technologie et de la « consommation discrétionnaire » qui regroupe les biens et les services non-essentiels (multimédia, habillement, luxe…), et donc ceux les plus touchés par le confinement. 

L’« importance accrue » du « S »

Non, les valeurs ESG ne sont pas là que « pour faire beau » dans les portefeuilles. Elles ne pas sont juste « un luxe de marché haussier », assène Bank of America Merrill Lynch, en réponse aux critiques trop souvent entendues. Et ce qui est déjà vrai en temps normal est encore plus vrai en période de stress. Preuve en est que ce sont les actions des entreprises qui ont les meilleures notes ESG qui ont le mieux résisté au krach.

Déjà au quatreième trimestre 2019, aux Etats-Unis, les entreprises les mieux notées selon Sustainanalytics surperformaient l'indice S&P 500 equipondéré. Cette surperformance s'est accélérée depuis le krach lié au coronavirus.

Déjà au quatreième trimestre 2019, aux Etats-Unis, les entreprises les mieux notées selon Sustainanalytics surperformaient l'indice S&P 500 equipondéré. Cette surperformance s'est accélérée depuis le krach lié au coronavirus.

Déjà au quatreième trimestre 2019, aux Etats-Unis, les entreprises les mieux notées selon Sustainanalytics surperformaient l’indice S&P 500 equipondéré. Cette surperformance s’est accélérée depuis le krach lié au coronavirus.
En Europe, les 50 titres les plus surpondérés par les fonds ESG sont en hausse relativement aux 50 actions les plus sous-pondérées par ces fonds.

En Europe, les 50 titres les plus surpondérés par les fonds ESG sont en hausse relativement aux 50 actions les plus sous-pondérées par ces fonds.

En Europe, les 50 titres les plus surpondérés par les fonds ESG sont en hausse relativement aux 50 actions les plus sous-pondérées par ces fonds.

« L’indice ESG a surpassé de 5 à 10 points les indices américains et européens depuis le pic du marché. » Plus exactement, aux Etats-Unis, « du record du S&P 500 [le 19 février] à aujourd’hui, les actions du premier quintile du classement ESG ont surperformé le marché de plus de points. Et cela n’est pas seulement dû à une moindre exposition à l’énergie ou aux petites capitalisations. » En Europe ? « Les indices ESG ont surperformé leurs indices de référence depuis le début de l’année et les 50 titres les plus surpondérés par les fonds ESG ont surperformé les titres les plus sous-pondérés de plus de 10 points. »

Les stratégistes de la banque jugent que cette surperformance dépend surtout du « S » de l’acronyme, qui « compte pendant cette période de distanciation sociale. […] Les facteurs sociaux semblent avoir une importance accrue aujourd’hui : de bonnes relations employeurs-employés, des produits de marque sûrs et fiables et de bonnes politiques RH (congés, garde d’enfants…) ont entraîné une dispersion des actions. »

Les entrées d’argent dans les fonds ESG sont encore positifs depuis le début de l’année alors que les ETFs sur actions connaissent des flux sortants records.


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