Analyse et Stratégie : Pour J.P. Morgan AM, la rotation sectorielle n'est que temporaire et la gestion active sera la clé en 2021

Depuis le début du mois de novembre et les annonces prometteuses de plusieurs laboratoires et biotechs sur un potentiel vaccin, on assiste sur les marchés financiers mondiaux à ce que l’on appelle une rotation growth/value, comprenez des valeurs de croissance vers les titres décotés. Des actions malmenées, comme celles du transport, du tourisme ou des gestionnaires des centres commerciaux, ont rebondi, parfois très fortement. Ce mouvement est-il pérenne ? Pas nécessairement, si l’on en croit Vincent Juvyns, stratégiste chez J.P. Morgan AM. « Il s’agit davantage d’un phénomène de rattrapage que d’une rotation à part entière », a-t-il souligné lors d’une webconférence avec la presse financière, jeudi 3 décembre. « L’ensemble des éléments n’est pas réuni pour y voir une tendance soutenable. » S’il y a des « pans de ‘value’ qui offrent de belles perspectives », comme la santé, la consommation discrétionnaire et les utilities, l’expert reste vigilant à l’égard des valeurs de l’énergie et des banques.

Ces dernières ont été durement touchées par la crise sanitaire, qui est analysée, par Vincent Juvyns, comme « un épisode passager qui ne remet pas en cause les perspectives de croissance et d’inflation à long terme » (10-15 ans). « La Chine, qui est déjà passée devant l’Europe en termes de poids économique, fera de même avec les Etats-Unis d’ici 10 ans ». Pour l’expert, cela ne fait aucun doute : nous sommes entrés dans la décennie de l’Asie.

Retour vers une « certaine forme de normalité »

A très court terme, en 2021, le scénario de J.P. Morgan AM est celui d’une « certaine forme de normalité à partir du deuxième trimestre », dès la campagne de vaccination lancée, sous condition, toutefois, que le « Brexit ne fasse pas dérailler l’Union européenne » et que les plans de relance produisent leurs effets. La maison de gestion table sur une croissance mondiale d’environ 5%. Elle continuera de dépendre, ce pendant plusieurs années, du « tandem » formé par les banques centrales et les gouvernements. « Les marchés ont l’habitude de s’appuyer sur les politiques monétaires depuis 10 ans », souligne Vincent Juvyns, mais c’est moins vrai pour les dépenses fiscales. « Ces dernières ont évité une catastrophe sociale et économique comme celle des années 30, mais elles n’ont fait que combler un trou de pertes de revenus des entreprises et des ménages. On n’a pas construit les ponts pour assurer la croissance future. » De l’Europe, qui a suscité beaucoup d’espoir en juillet après l’annonce du plan de relance, on attend désormais qu’elle « délivre » des performances bien qu’elle se heurte à l’opposition de la Hongrie et de la Pologne. Aux Etats-Unis, la politique que mettra en œuvre le nouveau président Joe Biden sera également cruciale.

Gestion active

Pour 2021, la maison se positionne sur les actions, qui vont profiter, selon elle, de perspectives bénéficiaires plus favorables, de politiques de dividende plus généreuses et d’un news flow positif lié au vaccin et au retour de la croissance. Attention, toutefois, car les niveaux de valorisation sont élevés. « Ils n’ont rien à avoir avec ceux de mars 2009, où on pouvait tout acheter, fermer les yeux et se dire que cinq ans plus tard on ferait fois deux ou fois dix sur ses investissements », souligne Vincent Juvyns, tout en pointant l’importance de la gestion active.

Concernant le marché obligataire, J.P. Morgan AM tire un trait sur les obligations souveraines pour se tourner vers l’investment grade et la dette émergente, notamment chinoise, qui va tirer profit d’un dollar sous pression en 2021 et après. Des risques, il y en a aussi qui pèsent sur 2021, dont l’inflation et une déception sur les réformes en Europe.

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