Analyse et Stratégie : Pourquoi il faut acheter de l’or

L’endettement s’envole partout dans le monde. La dette gonfle aussi bien dans les bilans des entreprises, du fait d’une baisse de l’activité, qu’auprès des Etats, contraints de soutenir leur économie à bout de bras. Pour l’instant, tout le monde s’en moque. Les investisseurs sont focalisés sur les comptes de résultat et non pas sur les bilans. Ils préfèrent regarder le risque de baisse du chiffre d’affaires plutôt que l’envolée de l’endettement, les entreprises étant aidées par les Etats, qui veulent éviter autant que possible les faillites. Les banques centrales agissent de même avec les Etats. Tout le monde est au chevet de tout le monde.

En France, par exemple, la dette publique devrait ainsi passer de 98 % du produit intérieur brut en 2019 à 121 % cette année, selon Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. Au sein du Cac 40, le ratio d’endettement net rapporté à l’excédent brut d’exploitation va atteindre 1,5 fois, contre 1,2 fois un an auparavant. La dégradation est encore plus sensible pour les entreprises plus petites, avec un ratio attendu à 3,2 fois, contre 2,3 fois l’an dernier.

Cette inflation de dettes publiques et privées pourrait faire peur à n’importe qui de sensé. Un emprunt ne doit-il pas être remboursé un jour ou l’autre, sous peine de défaillance ? Sauf que la crise sanitaire nous a conduits à effectuer un nouveau saut dans l’inconnu. Stockée dans les bilans des banques centrales, la dette des Etats devient irréversible. Un mot magique ! Il ne faut surtout pas laisser entendre aux investisseurs que la dette sera annulée ou restructurée (amputée partiellement). On laisse seulement l’espoir que tout pourra s’arranger un jour.

Concrètement, la Banque de France achète pour le compte de la Banque centrale européenne (BCE) de la dette que l’Etat émet pour financer le chômage partiel. Et, pour rembourser, la France émettra de nouveaux emprunts qui seront achetés par la Banque de France et ainsi de suite.

Bien sûr, l’Etat paie de faibles intérêts sur les montants empruntés, mais, comme les milliards s’accumulent, les charges financières deviennent élevées. Ce n’est pas grave, cependant, car la Banque de France verse des dividendes au pays en fonction des profits qu’elle réalise… grâce aux intérêts qu’elle perçoit. Cela revient quasiment à un jeu à somme nulle avec, toutefois, un décalage dans le temps, les dividendes étant payés après le paiement des intérêts ! Actuellement, la BCE détient déjà 25 % des dettes publiques des Etats. Une part très élevée qui sera amenée à croître encore dans les prochains trimestres.

Pour revenir au système financier d’avant la crise sanitaire, il faudrait un dégonflement de la dette au bilan des banques centrales. Nous n’en prenons pas le chemin. La Fed, qui avait réussi à stopper son programme de rachats d’actifs (QE), n’a pas réussi à réduire le bilan qu’elle avait dû alourdir après la crise financière de 2008. Et si elle y parvenait, il faudrait un demi-siècle pour revenir dans le monde d’avant, tellement le processus serait long, au risque, sinon, de faire exploser le système financier.

Nous devons donc vivre avec cette nouvelle donne. Dans les mois qui viennent, les experts et les politiques vont nous expliquer que la création de monnaie ne se fait que pour pallier des événements exceptionnels, comme le Covid-19, mais pas pour financer les déficits structurels. Tout va bien, alors.

En augmentant son bilan, la BCE crée donc de la monnaie, la Fed fait de même, et toutes les autres banques centrales agissent de la sorte, si bien qu’aucune monnaie ne s’effondre par rapport à une autre. Mais cela a un effet inflationniste, non pas sur les salaires ni sur les denrées alimentaires, mais sur les actifs financiers, les prix immobiliers et, dans une moindre mesure, sur la Bourse.

Un jour viendra où le marché pourra s’interroger sur la solidité des monnaies. En attendant, l’or constitue une solide piste d’investissement, même pour les banques centrales. Je recommande d’en détenir 5 % à 7 % dans les portefeuilles. Les mines d’or offrent, dans ce contexte, de belles perspectives, avec un cours du métal jaune orienté à la hausse et des coûts de production qui baissent avec la chute des prix du pétrole. Agnico Eagle Mines et Barrick Gold sont toujours nos valeurs favorites. Elles réagissent également très bien dans un environnement de taux offrant peu de perspectives au marché obligataire. Face à la crise sanitaire et au risque éventuel d’une deuxième vague de contamination, elles font aussi office de valeurs refuges.


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