Analyses et opinions : Actionnaires et gouvernance : le point de vue de l'Ansa

Nous nous sommes entretenus avec deux représentantes de l’Association nationale des sociétés par actions (Ansa), Muriel de Szilbereky, déléguée générale (photo), et Isabelle Trémeau, secrétaire générale, pour évoquer, en cette période d’assemblées générales, le projet de loi Pacte et la transposition l’an prochain en droit français de la Directive européenne Droits des actionnaires. Voici leur avis sur certains points-clé :

Vote sur les rémunérations

La Directive prévoit un vote consultatif ex-post sur la rémunération de l’année écoulée et un vote ex-ante contraignant une fois tous les quatre ans sur la politique de rémunération. En France, le vote a lieu dans les deux cas tous les ans et est contraignant. L’Ansa constate que « le droit français est plus rigoureux ». Il n’y a pas de sa part une inquiétude sur de possibles mouvements d’humeur des actionnaires. Mais il est vrai qu’il serait « plus logique que la politique de rémunération, c’est-à-dire les objectifs de performances, soit définie sur la durée plutôt qu’annuellement ». L’Ansa trouve aussi qu’il n’est « pas cohérent de pouvoir remettre en cause une rémunération après coup, alors que le mode de calcul a été approuvé un an avant ». Bref, cette « surtransposition » de la Directive n’est pas du goût de l’association. Par ailleurs, des précisions de la Commission européenne sont attendues sur la manière de mettre en regard la politique de rémunération des dirigeants et la politique salariale, comme le prévoit la Directive.

Forfait social

L’Ansa, « tout à fait en faveur de l’actionnariat salarié », a « constamment milité pour la réduction du forfait social de 20% à 8% ». Ces taxes frappent la participation et l’intéressement, qui peuvent être investis en actions. L’association trouve « très regrettable que le projet de loi Pacte n’envisage semble-t-il la réduction de ce forfait que pour les très petites entreprises » et espère que cela pourra se généraliser.

Conventions réglementées

La directive prévoit qu’un rapport devra être publié lors de la conclusion d’une convention avec une partie liée (entre l’entreprise et un dirigeant par exemple), et non plus après-coup, annuellement. La question se pose aussi du classement des conventions, ordinaires ou réglementées. Qui contrôle ce classement ? Il est question de publier la liste de toutes les conventions sur le site Web de l’entreprise. Pour l’Ansa, « le dispositif actuel convient », même si le vote des actionnaires sur les conventions réglementées n’est que consultatif.

Dépôt de résolutions

Pour déposer une résolution en assemblée générale, il faut détenir 0,5% du capital (1% pour une association). L’AMF recommande d’abaisser ce seuil, inchangé depuis 50 ans, à 0,25%, mais cette proposition ne semble pas avoir été retenue par la loi Pacte. L’Ansa souhaite « maintenir la législation actuelle pour éviter de multiplier les projets de résolutions inscrits à l’ordre du jour mais n’ayant aucune chance d’être votées ». Le dialogue entre entreprises et actionnaires lui paraît déjà bien mené.

Pacte Dutreil

Un assouplissement est espéré, peut-être plutôt en loi de finances que via la loi Pacte. Pour mémoire, les signataires représentant ensemble 20% du capital d’une société cotée bénéficient d’un abattement de 75% des droits de succession contre un engagement de conservation collectif de deux ans et individuel de quatre ans de plus. Ce mécanisme permet de créer un noyau stable pour ancrer, le capital. L’Ansa estime qu’il faudrait « plus de souplesse dans les relations entre signataires du pacte, qui sont confrontés à des contraintes très lourdes ». Des problèmes se posent notamment s’il y a de nouveaux signataires ou des sociétés intermédiaires.

Transmission des actions

Investir a proposé d’instaurer la possibilité de donner un PEA ou d’en hériter, sans qu’il soit fermé. L’Ansa dit avoir une autre proposition très proche, le Pisa, Plan intergénérationnel de transmission d’actions. L’exonération serait acquise contre un « engagement de conserver le montant global pendant dix ans, avec la possibilité de continuer de gérer activement, de faire des arbitrages ». Pour l’association, qui « veut absolument favoriser l’actionnariat individuel », cela pourrait prendre place dans une loi de finances.

PEA jeunes

Comme Investir, l’Ansa milite pour la création d’un PEA jeunes, mais se dit « un peu déçue » sur ce point, qui « ne semble pas prévu par le projet de loi Pacte, alors que le besoin d’éducation économique et financière des Français est fort ».

Introductions en Bourse

L’Ansa n’a pas encore pu lire la dernière version de la loi Pacte, qui aurait pas mal évolué mais est bien gardée au niveau du conseil d’Etat. Mais à ce stade elle n’a rien vu concernant l’allègement des contraintes qui pèsent sur les sociétés voulant entrer en Bourse (prospectus). Le coût est élevé et les charges administratives et réglementaires sont lourdes.

Vote en ligne

L’Ansa voudrait que les entreprises puissent convoquer en ligne les actionnaires inscrits au nominatif aux assemblées générales. Actuellement, il faut leur accord. L’association préfèrerait qu’il soit présumé, avec une possibilité de refuser (logique d’opt-out au lieu d’opt-in).

Investir – Analyses et opinions – Les Echos Bourse