Analyses et opinions : « On se Chinéfie pour éviter un hard landing », estime Christophe Donay

Au jeu du « tu préfères », que choisissent-ils ? Ressembler à la Chine ou au Japon ? Les responsables politiques ont tranché : ils optent pour la première proposition. À Pékin, comme à Washington ou les autres grandes économies développées, l’objectif premier des politiques est de prolonger le cycle économique, coûte que coûte, en évitant tout krach ou atterrissage brutal, résume Christophe Donay, responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique, chef stratégiste chez Pictet WM, à l’occasion d’un point presse mercredi 4 décembre. « Eviter une récession, c’est préserver une certaine stabilité sociale et politique et se donner un maximum de chance d’une réélection quand on est au pouvoir, surtout si l’on est populiste. » 

Le canal utilisé est celui d’une augmentation ou d’une stimulation de la consommation, avec l’appui des banques centrales. « Avant, elles fabriquaient des cycles », désormais, elles sont aux ordres des politiques. « La PBoC n’a jamais été indépendante, mais plutôt un outil au service de la sphère politique », analyse Christophe Donay. Pourquoi en irait-il autrement en Europe et aux Etats-Unis ? Donald Trump par ses tweets, parfois humiliants, ne cesse de mettre la pression sur le patron de la Fed, Jerome Powell, et que dire de la nomination à la tête de la Banque centrale européenne d’un « animal politique », et non d’un économiste, en la personne de Christine Lagarde. « L’idée est de préempter les politiques monétaires, les banques centrales et donc de remettre en cause leur indépendance. Les Etats-Unis et la zone euro veulent faire comme la Chine avec la PBoC, mais étape par étape », soutient le chef stratégiste de Pictet WM. Seule l’Allemagne semble faire exception à ce schéma. « Le pays reste marqué par la période de la république de Weimar et de l’hyperinflation », estime Christophe Donay.

Attention à la dette

Pourtant la question de la récession est lancinante. Les marchés financiers se la posent pour la cinquième année d’affilée. Quand surviendra-t-elle ? « Pas en 2020, peut-être après, répond-il. Notre scénario 2020 pour les Etats-Unis est celui d’un ralentissement marqué, avec une croissance de 1,3%, contre plus de 2% depuis plusieurs années. Hors Etats-Unis, nous anticipons également un ralentissement, avec une croissance inférieure au potentiel. En Chine par exemple, elle devrait fléchir à 5,9%, alors qu’en zone euro, nous anticipons une expansion réelle de seulement 1%. La France devrait mieux résister, avec une activité réelle en progression de 1,2%. »

Un élément pourrait venir contrarier ce scénario : celui d’une exacerbation des tensions commerciales. « Même si c’est un vœu pieu, nous anticipons une pause dans la guerre commerciale. Donald Trump n’a pas intérêt à détériorer son économie au moment où il veut être réélu. D’ailleurs, quand il voit que les marchés craquent, comme ce fut le cas fin 2018, il lève le pied dans ses menaces. »

« On se Chinéfie pour éviter un hard landing, mais il y a un prix à payer, celui de l’explosion de la dette », prévient Christophe Donay. En Chine, l’endettement total (dette publique, des entreprises financières et non financières et des ménages) est passé de 120% à 300% du PIB en l’espace de 10 ans seulement. « La dette, c’est comme le chocolat. Un peu, c’est bon mais avec excès, attention à la crise de foie », prévient l’expert. 


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