Analyses et opinions : Plus d'empathie, monsieur Macron

Qu’Investir soit un journal essentiellement consacré à la Bourse et aux placements ne signifie pas qu’il doive systématiquement oublier le champ politique. Surtout lorsque, comme aujourd’hui, les évolutions politiques et sociétales pèsent de plus en plus fortement sur la vie des populations et donc à terme sur la santé de l’économie.

On le voit aux Etats-Unis, où de bonnes performances économiques n’ont pas empêché les démocrates d’être battus à l’élection présidentielle et Trump d’être élu. Dans les années trente, c’était le krach boursier et la crise économique qui avaient provoqué la flambée protectionniste. Aujourd’hui, c’est l’inverse : ce sont les pulsions populistes de Trump et d’une partie au moins de la population américaine qui menacent l’économie mondiale.

On le voit en Allemagne, où une économie booming n’empêche pas des chasses à l’homme dans la rue, qui rappellent la République de Weimar et les débuts de l’hitlérisme, comme l’a écrit le grand hebdomadaire allemand Der Spiegel.

On le voit à l’est de l’Europe, particulièrement en Pologne et en Hongrie, où des gouvernements « illibéraux » s’en prennent aux valeurs démocratiques des partenaires européens qui financent leur développement économique.

On l’observe enfin en France, où la dégringolade brutale de la cote de popularité d’Emmanuel Macron est due moins au ralentissement de la croissance qu’à des erreurs, des cafouillages ou des flottements proprement politiques.

Erreurs tel le licenciement du chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, dont le successeur vient d’ailleurs de reprendre les mises en garde sur l’adéquation entre les missions de l’armée et son financement.

Cafouillages dans la gestion des hommes comme le départ du ministre Nicolas Hulot et la démission désinvolte du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, pourtant considéré comme un des rares grognards de la garde rapprochée du président.

Flottements dans la mise en oeuvre du remaniement gouvernemental, l’Elysée et Matignon peinant à s’accorder sur le choix des hommes, notamment pour le ministère de l’Intérieur. Pour les « marcheurs », Matignon avait trop tendance à pêcher à droite et à constituer une équipe exagérément « philippienne ». Une sorte d’esquisse de gouvernement de cohabitation de droite interne à la majorité macronienne.

Certes, rien n’est perdu définitivement pour Emmanuel Macron et, après cet « été meurtrier » pour le pouvoir, il a encore le temps de reconquérir une opinion volatile. Mais cette reconquête ne peut s’opérer uniquement par les réformes et la politique économique ni par des gadgets médiatiques comme une promenade vespérale sur les quais de Seine avec deux gardes du corps. Il faudra surtout que le chef de l’Etat fasse personnellement preuve de plus d’empathie et d’écoute des Français. L’avenir dira si Jupiter, qui, dans la mythologie, « trônait dans les hauteurs lumineuses du ciel », saura redescendre sur terre pour l’an II du quinquennat.


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